Piaget appelle causalité magico-phénoméniste, la causalité en jeu dans les réactions circulaires secondaires du troisième stade. L’enfant va commencer à donner du sens aux relations qu’il établira lui-même. Nous pouvons avant toute chose redonner les trois sortes de liaisons :
l’enfant en relation aux mouvements de son corps ;
l’enfant en relation aux mouvements des objets ou d’autrui engendrés par les mouvements de son corps ;
l’enfant observant les relations entre objets ou autruis indépendamment de lui.
Dans le cadre des premières liaisons, l’enfant commence à prendre conscience de l’intentionnalité des mains, des pieds et des mouvements du corps. Pour ce faire, il observe les mouvements de ses mains ou de ses pieds après qu’ils aient entraîné un mouvement de l’objet. Piaget parle «d’une sorte de réflexion sur l’intentionnalité de ces mouvements». Cependant, l’enfant ne situe pas encore l’intentionnalité en lui-même mais plutôt dans ce qu’il perçoit immédiatement.
En ce qui concerne le deuxième type de liaison, si l’enfant obtient par hasard un résultat intéressant, il tentera aussitôt de le reproduire sans chercher à assurer le contact physique et spatial entre son corps ou une partie de son corps et l’objet. Il y a «magie» dans la mesure où il y a causalité à distance. Et phénoménisme car la portée efficace n’est pas vraiment dissociée du phénomène produit bien que Piaget parle d’une amorce de différenciation entre ce qui revient à la cause, c’est-à-dire le corps, et ce qui revient à l’effet : les objets extérieurs.
A ce stade, il ne s’inscrit aucune causalité dans les liaisons du troisième type. Ces liaisons sont constituées par des mouvements totalement indépendants du sujet et, en l’état actuel de la structuration cognitive de l’enfant cela reste inconcevable.
L’enfant confère à sa propre activité toute l’efficace causale, et les phénomènes perçus aussi éloignés soient-ils ne sont conçus que comme les résultats de l’action propre. En conséquence le troisième type de liaison n’a pas encore de réalité, et revient à être une liaison de deuxième type.
D’après de nombreux auteurs 53, l’interaction entre l’enfant et les adultes joue un rôle prépondérant dans le développement de la causalité. Dans le cadre de cette interaction, l’enfant des deux premiers stades n’a pas conscience du «moi» et «d’autrui». ‘«Le moi et l’univers ne font encore qu’un seul et même ensemble» 54.’ D’après Piaget, l’égo ne se constitue qu’en comparaison et en opposition aux autres. Le contact avec autrui joue un rôle fondamental dans les processus d’objectivation et d’extériorisation qui vont se constituer, car la personne d’autrui ‘«constitue le premier des objets, et le plus extérieur des mobiles évoluant dans l’espace.» 55.’ L’évolution générale liée au contact avec l’autre pourrait être donnée comme suit : l’autre serait le prolongement de l’activité de l’enfant, puis par la causalité par imitation se référant aux trois types de liaison, l’enfant va s’acheminer vers l’extériorisation et l’objectivation de celui-ci. Ainsi «moi» et «autrui» seront constitués comme des centres autonomes.
Mais, au troisième stade, la personne commence tout juste à être analysée grâce à l’imitation et elle ne donne encore lieu à aucune résistance bien précise. Qui plus est, l’enfant tout puissant ne peut établir de relation d’opposition entre lui et l’extérieur. ‘«... puisqu’il se sent tout-puissant, l’enfant ne saurait encore établir d’opposition entre son moi et le monde extérieur» 56.’
En conséquence de quoi, l’enfant ne peut encore attribuer son intention et son activité à un «moi» différent et opposé à la réalité extérieure : le «moi» et la réalité ne font encore qu’un.
WATSON JS, BRUNER J., TREVARTTREN C.
«La construction du réel», J. PIAGET, p.204.
«La construction du réel», J. PIAGET, p.220.
Idem, p.220.