3) Le quatrième stade

3.1 L’intelligence

Vers 8-9 mois, Piaget observe l’apparition de transformations relatives à l’intelligence ainsi qu’aux quatre catégories, qui amènent l’enfant à des conduites dont nous pouvons dire qu’elles sont intelligentes. En effet, à partir du quatrième stade les schèmes secondaires vont se coordonner en relation à de nouvelles circonstances. C’est ce que Piaget appelle ‘«l’application des schèmes connus aux situations nouvelles.»’

Au stade précédent buts et moyens formaient un tout, en revanche les conduites de ce stade se définissent par une subordination des moyens aux buts et par la coordination intentionnelle des schèmes.

En effet, bien que l’enfant utilise des schèmes jusque là connus, il introduit à présent la distinction entre schème transitif et schème final, en trouvant des intermédiaires entre lui et le but recherché. S’il désire balancer un objet suspendu et qu’un obstacle s’y oppose, l’enfant écarte l’obstacle afin de balancer l’objet. Ainsi «écarter l’obstacle» devient schème transitif ou moyen, tandis que «balancer l’objet» devient schème final ou but.

L’adaptation intelligente de ce stade implique donc une relation entre deux actes d’assimilation. Cette double assimilation ou assimilation réciproque aboutit soit à un rapport symétrique, «tirer pour saisir», ou «saisir pour tirer», soit à un rapport de simple inclusion «tirer pour saisir». Dans le cas où il y a obstacle, on peut observer des complications dans la coordination des schèmes. Les schèmes comprennent alors plusieurs objets et il s’agit d’en établir les relations mutuelles. L’assimilation ne procède plus par simple fusion et génère des ‘«opérations variées d’inclusion ou d’implication hiérarchique, d’interférences et même de négation.» 59 ’ Tout cela constitue une mobilité plus grande des schèmes : ils s’apparient entre eux puis se dissocient pour se coordonner de façon nouvelle en fonction du but à atteindre. Ainsi, ils se détachent de leur contenu habituel et s’applique à un grand nombre d’objets. En cela, ils deviennent génériques.

Jusqu’à maintenant l’assimilation prédominait l’accommodation, qui ne consistait qu’à reproduire une action entraînant une conséquence intéressante. Dès lors, l’enfant pour opérer la coordination des divers schèmes, est tenu d’accommoder les schèmes transitifs à la situation : ainsi s’installe un rapport nouveau «action» pour «action». C’est donc l’accommodation qui permet l’application des moyens connus aux situations nouvelles.

De plus, il existe des conduites d’exploration intermédiaires entre le présent stade et le suivant qui reviennent à définir l’objet par son utilisation. L’enfant par un processus d’assimilation généralisatrice va découvrir l’objet à partir de chacun des schèmes qui sont en sa possession. ‘«Dans ce type de conduite, l’objet inconnu est manifestement pour l’enfant une réalité extérieure à laquelle il faut s’adapter, et non plus seulement un simple aliment pour l’activité. En appliquant ses schèmes habituels à cette réalité, c’est-à-dire en essayant tour à tour chacun de ses schèmes, l’enfant de ce stade donne l’impression de faire une expérience plus que de généraliser ses conduites.» 60

En conséquence, la complexification de l’activité de l’enfant par la coordination des schèmes conduit à une objectivation croissante de la réalité extérieure.

Notes
59.

«La naissance de l’intelligence», J. PIAGET, p.204.

60.

Idem, p.222.