4.2 La causalité

Avec le cinquième stade l’objectivation et la spatialisation amorcées précédemment vont véritablement se réaliser. Ce sont les deux types de transformation qui vont entraîner la constitution d’un univers dans lequel l’activité de l’enfant va se situer parmi les autres et obéir aux mêmes lois de causalité.

Ce sont les réactions circulaires tertiaires qui vont être à la base de la causalité objectivée car elles vont permettre l’expérimentation d’effets nouveaux. Ainsi, l’intérêt de l’enfant va se porter sur l’objet lui-même et non plus sur le geste destiné à les utiliser. L’objet acquiert de fait une substantialité propre qui impose à l’enfant de s’adapter à lui. Il le fera sous la forme d’une relation de cause à effet indépendante et extérieure à lui.

En ce qui concerne le deuxième type de liaison, l’enfant cherche à comprendre le déplacement d’un objet sans avoir assisté à la cause du mouvement. Ou bien si lui-même a mis l’objet en situation de bouger, il pourra tout simplement observer son déplacement et ses effets et les mettre en lien avec son activité précédente.

A propos d’autrui, l’enfant peut se mettre en position d’attente et placer de la sorte sous sa responsabilité ce sur quoi il veut qu’il agisse. Il peut à présent adopter le «laisser agir» total et considérer autrui comme une source autonome d’intention et d’activité. L’enfant va toujours plus avant dans la constitution du «moi».

En ce qui concerne le troisième type de liaison, c’est-à-dire les mouvements de l’objet indépendants du sujet, l’enfant accède à la série causale indépendante de l’action propre. Ces conduites sont bien entendu nouvelles, car l’enfant va dissocier les éléments d’un schème global pour les sérier d’un point de vue causal.

Dans le même temps, le lien causal va progressivement se spatialiser en ce sens que l’enfant devient capable d’utiliser des intermédiaires entre ses intentions et leur point d’arrivée. C’est l’apprentissage par expérimentation active qui va consolider la spatialisation des séries causales. Piaget met en évidence cette prise de conscience spatiale dans la conduite des supports, de la ficelle et du bâton.

  • La conduite des supports : l’enfant fait systématiquement pivoter, ou tire à lui tout objet qui sert de support à un objet désiré afin de s’en servir.

  • La conduite de la ficelle : celle-ci est considérée comme le prolongement de l’objet, et l’enfant la tire de façon systématique afin de prendre l’objet.

  • La conduite du bâton : l’enfant a découvert qu’en frappant un objet avec un bâton, il met en mouvement cet objet. Il découvre aussi qu’il peut diriger ce mouvement et attirer à lui l’objet. ‘«Ainsi l’enfant commence tout à la fois à se soucier des contacts spatiaux et à faire du bâton une cause objective obéissant à des lois propres, il découvre ces lois et apprend peu à peu à déplacer les objets en tenant compte des données physiques du problème.» 66

En conséquence l’objectivation et la spatialisation progressives de la causalité liées à une décentration par rapport à l’activité propre, et à une coordination plus poussée des relations sujet objet et des relations entre objets, permettent pour la première fois à l’enfant d’ordonner réellement son univers. Il n’y a cependant pas au cinquième stade de représentation, et l’objectivation et la spatialisation de la causalité ne se rapportent qu’aux seules données perceptives.

Notes
66.

«La construction du réel chez l’enfant», J. PIAGET, p.250.