5) Le sixième stade

5.1 L’intelligence

Les progrès accomplis à ce dernier stade de la période sensori-motrice se manifestent sous les formes de l’invention des moyens nouveaux par combinaison mentale et de la déduction. Piaget note qu’avec la déduction, il y a une véritable entrée de l’enfant dans les conduites intelligentes.

L’invention des moyens nouveaux par combinaison mentale procède de la transformation de l’accommodation tâtonnante du cinquième stade en accommodation représentative. Celle-là même qui permet à l’enfant de faire précéder puis de guider son activité par la représentation. L’accommodation représentative se distingue de l’accommodation précédente c’est-à-dire du tâtonnement dirigé, tout d’abord par sa vitesse d’assimilation puis par son fonctionnement principalement accommodateur. En effet, l’assimilation des données devient spontanée et rapide grâce à un système d’évocation de schèmes, et le fonctionnement accommodateur se caractérise par une accommodation brusque de l’ensemble des schèmes. En bref, l’accommodation procède toujours par différenciation des schèmes précédents par rapport à la situation présente, cependant cette différenciation ne s’effectue plus par tâtonnement, mais procède à présent d’une assimilation spontanée s’effectuant par essais représentatifs. Les schèmes une fois accommodés, l’enfant passe à l’action. ‘«Cette expérience mentale ne consiste en rien en une évocation d’images ; elle est un processus essentiellement constructif dont la représentation n’est qu’un adjuvant symbolique, puisque l’enfant n’a jamais perçu de réalité identique à celle qu’elle est en train d’élaborer.»70

Nous pouvons observer qu’au niveau de l’invention par combinaison mentale la relation entre assimilation et accommodation devient interdépendance.

Lorsque l’enfant invente, il se représente, c’est-à-dire qu’il combine mentalement des images qui symbolisent la situation. Cependant, l’image n’accompagne pas d’emblée l’activité car elle n’est le prolongement ni de la perception, ni du mouvement. L’image, avant d’être pensée, doit être jouée et c’est l’imitation qui permet le passage du moteur au représentatif. A titre d’exemple, nous citons le cas de Lucienne qui, faute de pouvoir penser la situation en mots ou en images, va jouer avec sa bouche l’ouverture et la fermeture d’une boîte avant de l’ouvrir. Il s’agit bien ici d’une imitation ou pour employer une définition de Piaget, d’une «représentation en actes». Puis l’imitation s’intériorisant, l’image deviendra mentale. L’intériorisation ou l’achèvement de l’imitation des objets comme des personnes se produit donc à ce stade, grâce à la libération des schèmes par rapport à l’action immédiate.

Nous reviendrons plus précisément sur ce passage de l’acte sensori-moteur à la représentation dans la partie consacrée à l’imitation, au jeu et à la communication.

Notes
70.

«La naissance de l’intelligence chez l’enfant», J. PIAGET, p.300.