Le geste de désignation apparaît très tôt chez l’enfant au cours des interactions avec sa mère, dès quatre mois et jusqu’à neuf mois 94. ‘"L’enfant partage d’abord la direction du regard de la mère et inversement la mère suit le regard de l’enfant pour situer ce qu’il observe” 95.’ Dans ce contexte de partage nommée aussi "ligne de partage” par Bruner, apparaît la conduite de désignation. Celle-ci favoriserait la construction des catégories ainsi que l’émergence de la communication et de la représentation.
Dans le cadre de l’articulation sujet/autrui que nous évoquions précédemment, le geste de désignation caractérise un niveau d’échange précoce. Que penser de sa survivance comme modèle d’action ou modèle explicatif ?
deux enfants désignent un écran et cessent leur recherche ;
un enfant désigne systématiquement un écran avant de le soulever ;
deux enfants expliquent leur conduite "je montre avec le doigt”,
Qui dit apparition précoce du geste, dit ancrage dans une période où l’enfant ne différencie pas : quoi ? où ? quand ? et comment ? Ainsi la désignation recouvre ces diverses significations et possède une portée explicative globale. Mais avant d’être un modèle explicatif, nous trouvons la désignation comme moyen de recherche de l’objet. Où est l’objet ? L’enfant montre un écran. En ce cas la désignation constitue l’essentiel de la recherche.
Dans le deuxième cas, la désignation coordonnée à l’action de soulever fait partie intégrante de la recherche car les enfants systématiquement désignent et soulèvent.
Quant à l’évocation de la désignation "je montre avec le doigt", comme explication de la recherche, elle nous indique également, la pauvreté de perception que l’enfant a des relations en jeu.
Les caractéristiques mises en évidence dans cette première analyse et les mises en relation avec les indices cliniques de notre tableau n’ont aucune valeur actuelle de diagnostic. Elles n’existent qu’à l’état de pistes de recherches dont nous tenterons de dérouler le fil tout au long des analyses des situations-problèmes.
"De la communication au langage, savoir-faire, savoir dire", J. BRUNER.
"Avant le langage”, M. P. THOLLON-BEHAR, p.53.