b) Les conduites imitatives

La conduite imitative apparaît donc comme un indice de l'articulation du sujet soit à l'objet, soit à autrui et, comme un passage permettant au sujet de percevoir ce qu'il fait. Plus le niveau d'imitation est construit, plus l'enfant prend en compte objet et autrui dans leurs activités respectives.

Nous avons mis en évidence dans la situation précédente un exemple d'imitation différée et, il s'avère qu'à ce moment de l'analyse nous devons la différencier d'un type de conduite imitative que nous retrouvons à foison dans nos protocoles, et qui sont la conséquence de notre questionnement. En effet, pouvons-nous parler de conduite imitative pure lorsque l'enfant, afin d'expliquer comment il a procédé, reproduit ou ébauche la reproduction de ce qu'il a fait tout en l'évoquant ?

Comment as-tu fait ? L'enfant soulève les coussins et dit : "comme ça... comme ça". Il imite la répétition de son action.

Ou encore :

Comment as-tu fait ? "Parce que j'ai vu, t'as fait ça, ça et j'ai pris" Il imite une action transitive d'autrui coordonnée à sa propre action finale.

La portée explicative de cette conduite détourne sans doute l'imitation de sa fonction principale, qui est la représentation. Néanmoins nous ne pouvons nier que cette conduite d'explication aide l'enfant à suivre ce qu'il perçoit tout en lui permettant de l'intérioriser. En refaisant et en évoquant l'enfant n'agit plus dans le cadre de la situation mais bien plutôt en effectue une sorte de "représentation plastique" 98. Ici, comme dans l'imitation différée, l'imitation joue le rôle de l'image extérieure qui va aller s'intériorisant. Nos enfants, faute de maîtriser la représentation des relations et le niveau de langage associé, utilisent abondamment cette conduite que nous nommerons conduite d'explication imitative.

Comme nous l'avons dit, ces conduites sont à différencier des conduites d'imitation pure comme celles de Oussama et de Mikrabane. Dans la situation précédente, Oussama avait pris conscience de la nécessité d'articuler son activité à la nôtre, et qu'il suffisait de nous imiter afin de réussir. Fort de cette trouvaille, Oussama la systématise sans plus accommoder. Bien mal lui en a pris. En effet, percevant que nous allions sous quatre coussins, il s'apprête aussitôt à soulever quatre coussins. Seulement Oussama découvre l'objet sous le deuxième écran, il est aussitôt déstabilisé et ne peut répondre à nos questions. Il s'agissait bien au départ de conduite imitative, mais tombant dans le piège du mécanisme sans plus accommoder, la conduite de Oussama s'avère inopérante du point de vue de la compréhension globale de la situation.

Mikrabane quant à elle continue à reproduire afin de trouver l'objet, nos passages exacts sous chacun des écrans. Elle le fait lentement comme si elle réfléchissait, en retransposant dans le même temps au niveau mental. Ainsi, elle découvre l'objet en ne soulevant jamais plus de quatre coussins et n'entrera pas dans la recherche systématique.

Notes
98.

"La formation du symbole chez l'enfant", J. PIAGET.