I. Délimitation du Corpus

Le problème est donc de savoir comment délimiter le corpus des oeuvres qu'on peut considérer a priori comme autobiographiques. Peut-on considérer comme autobiographiques les oeuvres qui retracent, totalement ou en partie, la vie de l'auteur (comme Jean le Bleu , par exemple)? Ou également les oeuvres de fiction qui évoquent, même brièvement, des faits et mettent en scène des personnages en rapport avec la vie de l'auteur? Est-il plus juste de considérer comme autobiographiques seulement les écrits où il y a évocation de l'enfance? Ou bien faut-il mettre aussi dans cette catégorie tous les textes où l'auteur parle de lui-même, y compris de sa vie d'adulte (comme dans Noé , par exemple, où l'enfance occupe une place très réduite par rapport à la vie de l'auteur adulte)? Faut-il y inclure aussi des oeuvres où la tendance polémique l'emporte sur l'autobiographie? L'emploi de la première personne dans certains textes (où le « je » est identifiable à Giono, ou « revendiqué » par celui-ci comme l'expression de son propre « moi ») suffit-il à inclure dans les oeuvres autobiographiques des textes comme les « chroniques » journalistiques (où se mêlent récits fictifs et prises de position à propos des sujets d'actualité des années soixante), du moment que l'auteur parle de lui-même et évoque quelquefois certains souvenirs?

Faut-il également mettre dans cette catégorie certains textes parmi ceux qui sont recueillis dans le volume publié dans la Pléiade et auquel Pierre Citron et ses collaborateurs donnent le titre : Récits et Essais 7. Pourquoi un tel volume et pourquoi un tel choix de textes dans ce volume? Ce sont des écrits « non romanesques » dit P. Citron, ‘« l'expression de "non romanesque" n'est utilisée ici que faute de mieux, car tout [...] est chez Giono transformé par son imagination, et devient romanesque. »’ 8. Quant à la raison pour laquelle les éditeurs ont choisi le titre Essais c'est que, selon Citron, ces écrits

‘« ne sont pas des romans, au sens que Giono donne à ce terme au moins jusqu'à la guerre de 1939-1945, c'est-à-dire des récits avec une action continue qui trouve une conclusion, des histoires qu'il est possible de résumer. Appelons-les essais, bien que Giono n'emploie pas ce terme; il y mêle des descriptions, des scènes, des portraits, des réflexions, en une sorte de libre chronique. »9. ’

Un recueil qui comporte donc des textes qu'on pourrait qualifier de semi-fictifs ( exemple: Le Serpent d'étoiles), des textes qu'on pourrait considérer comme polémiques ( exemples : Les Vraies Richesses ou Refus d'obéissance)...Mais la plupart de ces textes ont ceci de commun qu’ils sont écrits à la première personne et que ce « je » est le plus souvent reconnaissable comme celui de l'auteur lui-même.

Notes
7.

Jean Giono Récits et Essais, Sous la direction de Pierre CITRON avec la collaboration de Henri GODARD, de Violaine de MONTMOLLIN et de Mireille SACOTTE, Gallimard, La Pléiade, 1989.

8.

P. CITRON, « Préface » à Jean Giono Récits et Essais, Op. cit., p. IX.

9.

Op.cit., p.X.