II. C. Unité et « dispersion » du moi?

Toute autobiographie vise en définitive une unité du « moi ». Contre le risque de l’émiettement de la vie, elle cherche à instaurer une certaine cohérence. Elle vise le ‘«rassemblement d'une vie naturellement portée à s'éparpiller»’ 55. Or, ne serait-ce qu'à cause de l'étalement du projet autobiographique chez Giono ainsi que de la variété des types de discours sur le fait biographique, le «moi », auquel l'autobiographie cherche, en dernier lieu, à donner une stabilité, aboutit nécessairement ici à une sorte de dislocation et de dispersion. Situation donc paradoxale de l'écriture autobiographique chez Giono.

Mais Giono parvient à dépasser cette «dialectique» de l'unité/dispersion du «moi» en proposant là aussi ce qu'il appelle : faire le «portrait de l'artiste». Car «faire le portrait de l'artiste» supposerait non seulement les particularités de l’écriture autobiographique, mais expliquerait son étalement dans le temps et dans l'oeuvre en général et justifierait aussi la liberté prise par rapport au réel.

Notes
55.

G. GUSDORF, Op. cit., p.974.