Introduction

Après cette approche quelque peu théorique sur les bases de l’écriture autobiographique chez Giono, voyons maintenant de près, à travers les textes, comment cette écriture, tout en s'alignant, en apparence, sur un «dit» conventionnel de l'autobiographie, c'est-à-dire en s'appuyant sur les éléments qu'on retrouve dans toute autobiographie, cherche à s'en écarter et à fonctionner de façon toute différente, en créant ses propres règles.

C'est essentiellement à travers l'étude de trois textes : Jean le Bleu , Virgile et Le Grand Théâtre , qui sont écrits à des époques relativement éloignées les unes des autres, que nous allons essayer de voir le fonctionnement de cette écriture chez Giono. Le choix de ces textes est dicté notamment par leur longueur relative par rapport aux autres textes, et par la variété et complexité de leur écriture. Le « dit » du moi varie en effet d'un texte à l'autre. Dans Jean le Bleu, l'auteur raconte des événements passés en mettant en valeur l'«initiation» de l'enfant à la poésie et au rêve. Dans Virgile, l'accent est mis sur l’alternance du moi passé et du moi de la narration, ce qui met en parallèle une situation passée (vécue en grande partie comme une «crise») et une situation présente, au moment de la rédaction de l'oeuvre (et qui est vécue également comme une autre «crise»). Tout comme pour le rapport présent/passé, l'histoire personnelle et l'histoire collective se retrouvent aussi mêlées, et se répercutent l'une dans l'autre. Le Grand Théâtre est un texte assez particulier, puisque l'accent y est mis non pas sur le moi passé mais sur la figure du père. L'évocation rétrospective de l'enfance n'est donc que secondaire et relativement réduite par rapport à la place qu’y prend le père. Il s'agit donc d'une autobiographie bien particulière dont les caractéristiques sont à mettre en évidence.

Trois textes donc où le discours sur le « moi » est différent à chaque fois et où les souvenirs ont une fonction et une valeur différentes. Il s'agit donc d'une écriture autobiographique particulière qui, tout en se conformant à certaines données traditionnelles propres à cette écriture, s'en éloigne largement.