En évoquant son enfance, par exemple, Giono ne fait que se conformer au «dit» conventionnel, c'est-à-dire à peu près à : ‘«Je suis né, mon père et ma mère, La maison, Le reste de la famille, Le premier souvenir, le langage, Le monde extérieur, Les animaux, La mort, Les livres, La vocation, L'école, Le sexe, La fin de l'enfance.»’ 62. Ecrire son autobiographie suppose donc que l'on parle de son enfance, de sa famille, du cadre où l'on a vécu, de son éducation et des différentes périodes de sa vie passée. Ces éléments qui constituent en gros la base de toute autobiographie se retrouvent également chez Giono, mais de façon assez particulière; ce qui fait que les écrits de Giono concernés s'écartent, d'une certaine façon, du genre autobiographique traditionnel. Mais il y a chez Giono, au-delà de cette conformité aux thèmes conventionnels, une manière qui lui est très propre : le nom, la famille, l'éducation, par exemple ont chacun une place et une fonction bien particulières dans ses oeuvres. Il s'agit d'une autobiographie de «biais», c'est-à-dire une autobiographie qui affiche un écart par rapport au schéma conventionnel.
Nous étudierons cet écart à partir de textes variés et plus ou moins courts, notamment Manosque-des-Plateaux, Présentation de Pan , «Le Poète de la famille». Mais nous observerons particulièrement de près une oeuvre qui est considérée comme l'oeuvre génératrice de ce type d'écriture : Jean le Bleu .
B. VERCIER, « Le mythe du premier souvenir : Pierre Loti, Michel Leiris », dans Revue d'Histoire Litt é raire de la France, nov.-déc., 1975, n°6, p.1033.