II. A. Le « récit de vie »

Cette expression, qui est d'ailleurs imprécise (quel sens donner par exemple à la notion de « récit »?), pourrait d'une certaine manière servir à définir certains textes de Giono, dans la mesure où elle propose un champ plus large que celui de l'autobiographie; car elle s’applique à des genres variés, comme le remarque Lejeune :

‘« La vogue actuelle de l'expression "récit de vie" est liée non seulement à l'apparition en sciences humaines d'un nouvel objet (les vies collectées au magnétophone), mais à l'ambiguïté de l'expression qui permet de mettre en relation l'objet nouveau avec des objets anciens (biographies, autobiographies) ou avec d'autres productions apparues dans des champs voisins (livres-interviews, récits "recueillis par"). Selon la personne qui l'emploie, l'expression est prise dans un sens étroit ou large. Et la fécondité des "mises en relations" ainsi effectuées se paie de quelques malentendus... »199.’

Giono, écrivant des souvenirs, des « essais » ou des « préfaces », ou se prêtant à des questions lors des entretiens ou des interviews, ne cesse de faire le « récit de sa vie » dans le sens large que prête Lejeune à cette expression à la fois imprécise et ambiguë. Le propre de cette expression est qu'elle s’applique aussi bien au texte écrit qu’au texte oral. Or nous savons que le texte oral chez Giono, même s'il n'est pas de notre propos de l'étudier ici, a une importance considérable dans la mesure où il permet de connaître une autre « version » - souvent inattendue et même dénigrante - de ses propres textes, une autre image de l'auteur construite par lui-même. Mais « récit de vie » reste, à notre avis, une expression quelque peu limitative parce qu'elle ne rend pas compte de tous les niveaux des textes de Giono et de leur spécificité.

Notes
199.

Ph. LEJEUNE, « Le pacte autobiographique (bis) », dans Moi aussi, coll. « Poétique », Seuil, 1986, p.17.