II. B. L'« autofiction »

L' «autofiction » serait un texte qui reposerait sur un pacte romanesque mais où figurerait le nom de l'auteur. Mais référons-nous aux définitions proposées par Lejeune.

Parlant de deux romans, l'un de Serge Doubrovsky et l'autre de Jacques Lanzmann, Philippe Lejeune souligne l'importance accrue accordée à cette forme d'écriture à l'époque actuelle : ‘« Dans ces dix dernières années, du "mentir vrai" à l'"autofiction", le roman autobiographique littéraire s'est rapproché de l'autobiographie au point de rendre plus indécise que jamais la frontière entre les deux domaines. »’ 200 Cette ambiguïté, selon Lejeune, est importante, car elle permet de soulever certains problèmes et de susciter des interrogations :

‘« Cette indécision est stimulante pour la réflexion théorique : à quelles conditions le nom propre de l'auteur peut-il être perçu par un lecteur comme "fictif" ou ambigu? Comment s'articulent, dans ces textes, l'usage référentiel du langage, pour lequel les catégories de la vérité (opposée au mensonge) et de la réalité (opposée à la fiction) restent pertinentes, et la pratique de l'écriture littéraire, pour lesquelles elles s'estompent? »201

Si l'on tient compte de ces remarques, la notion d’autofiction permet de mettre en valeur un certain nombre d'aspects des textes de Giono. De voir par exemple les rapports de la fiction avec la réalité, de s'interroger sur l'usage du nom ou du prénom de l'auteur dans certaines nouvelles, qui n'est pas obligatoirement une marque de l'authenticité des faits racontés. C'est dans cette catégorie que peut s'inscrire aussi le « mentir vrai » et le « mensonge » chez Giono.

Cependant, là encore les textes de Giono à caractère autobiographique, ne constituent pas tout à fait des autofictions. D'une part parce que cette expression est, encore une fois, réductrice; d'autre part, parce que ces textes, comme on l'a vu, ne se ressemblent pas tout à fait au point de vue de l'écriture; enfin, parce que le sous-titre qui peut d'une manière ou d'une autre caractériser l'autofiction (et qui de cette manière établirait un pacte romanesque) n'est jamais, comme on l'a déjà dit, utilisé par Giono.

C'est alors vers une autre « catégorie » qu'on peut se tourner, celle du roman autobi o graphique.

Notes
200.

Op. cit., p.24.

201.

Ibid.