Conclusion

Après avoir essayé d'étudier le fonctionnement particulier de certains textes de Giono, notamment Jean le Bleu , Virgile et Le Grand Théâtre , et de voir comment ceux-ci représentent des écarts par rapport aux données traditionnelles de l'autobiographie, nous avons, dans ce chapitre, tenté de confronter nos conclusions à certaines théories du genre afin de souligner encore l'originalité de l'écriture de Giono et de conforter notre hypothèse que cette écriture est réfractaire aux classements que proposent les théoriciens. Ces textes de Giono sont à la fois des « récits de vie », des « autofictions », des « romans autobiographiques », mais aussi autre chose. Ils ont, chacun, des caractéristiques qui les font, en partie, appartenir à toutes ces « catégories » et d'autres qui, au contraire, les en distinguent. Car les principes mêmes de ce genre (comme le pacte autobiographique par exemple) fonctionnent de façon très particulière chez Giono. Cela s'expliquerait, en partie, par le fait qu'à chaque fois le projet initial n'est pas mené jusqu'au bout : Jean le bleu, qui au départ était conçu comme une partie d'un projet autobiographique plus vaste (et présenté, dans l'incipit, plutôt comme le récit de souvenirs), se transforme en cours de route en un « roman » sur l'enfance. Virgile, qui initialement était conçu comme une « introduction » aux oeuvres de Virgile, devient en partie un texte autobiographique. Le Grand Théâtre (qui, rappelons-le était un texte commandé à Giono, tout comme Virgile) était à l'origine un texte sur l'Apoc a lypse, il se transforme en texte sur le père, et où celui-ci donne, entre autres, sa vision « personnelle » de l'Apocalypse. A chaque fois le texte semble donc s’écarter du projet initial : comme si, au cours de la rédaction, l'auteur, oubliant toute autre motivation ou raison extérieure, se laissait aller aux seuls élan et impulsion que lui imposait l'écriture même du texte. En outre, ce qui contribue encore à l'ambiguïté du statut de ces textes, c'est que Giono ne semble pas oublier, en écrivant tous genres de textes, et même ceux où il parle de lui-même, son rôle premier et fondamental : celui de conteur. C'est pourquoi, il n'est pas étonnant qu'il se serve de sa propre vie comme matière romanesque inépuisable, et qu'il la raconte comme une fiction.