Conclusion

Nous avons essayé dans ce chapitre de définir cette notion chère à Giono qu’est « le portrait de l’artiste par lui même ». Nous avons tenté de voir ses différents rapports avec « l’autobiographie » et « l’autoportrait ». Nous avons pu constater que, contrairement au « portrait » en général, le « portrait de l’artiste » chez Giono est caractérisé par son dynamisme et son changement. Un « portrait » qui se construit au fil des oeuvres, car il s’agit d’une sorte de quête de soi-même qui consiste à mettre en lumière différents traits de son autoportrait d’artiste. Tous les portraits que fait Giono sont en fait des variétés du portrait du créateur. La dispersion du « moi » en des images multiples n’est que provisoire car ce à quoi aboutit l’auteur c’est au portrait unique du créateur qui est fait de la superposition de différents portraits.

Nous avons essayé de définir l’artiste par l’écart qu’il adopte par rapport à la « norme ». L’artiste est, en effet, celui qui n’a pas la même perception que les autres, qui a des rapports différents avec le monde et qui tient un langage qui lui est propre sur lui et sur le monde. L’artiste est donc celui qui se fabrique un monde à lui, à côté de ou en opposition avec le monde des autres. On s’aperçoit dès lors que beaucoup de personnages de Giono sont des artistes parce qu’ils présentent plus ou moins ces différents caractères.

En effet tout l’oeuvre repose sur les différentes figures de l’artiste. Elle repose également, et de ce fait, sur l’art. Mais l’art (comme la musique, la peinture, la poésie) n’est pas essentiellement conçu ici par rapport à la dimension référentielle (bien que cette dimension soit importante chez Giono), il est utilisé comme matière même de la création romanesque. Dans les années trente par exemple, la musique et les chants des bergers, des paysans ou des artisans constituent le sujet même de ces textes. C’est un aspect qui contribue à donner aux personnages et au monde que l’auteur décrit une dimension romanesque, lyrique et même mythique. Par exemple, la musique, qui a quelque chose magique, est liée au mystère du monde et au rapport des personnages à ce monde que Giono décrit dans ces textes. De même, quand Giono évoque des tableaux dans son oeuvre, il leur donne une signification qui est en rapport avec le sujet ou le thème de son oeuvre. La peinture joue ainsi comme une illustration, ou comme un second « texte » en abyme, qui permet de mieux mettre en valeur ce thème ou ce sujet.

De toutes les figures d’artistes c’est celle du « poète » qui est privilégiée. Mais presque tous les personnages d’artistes sont également des poètes. Giono lui-même se considère comme poète. Car si l’oeuvre met en scène des artistes c’est parce qu’elle est l’expression du « moi », des différents « moi » de l’auteur.