II. Pour Saluer Melville ou le portrait de l’artiste en « accoucheur d’images »

Nous nous proposons de mettre en évidence, tout d'abord, une certaine analogie entre pour Pour saluer Melville et Naissance de l'Odyssée. Car, même si dans Naissance de l'Odyssée, la narration est à la troisième personne, et que Giono ne parle pas de lui-même - du moins pas aussi directement que dans Pour saluer Melville -, il est important de noter un certain nombre de détails comparables dans les deux textes. Il s’agit, par exemple, de la réécriture d'un récit en ce qui concerne Naissance de l'Odyssée et de la réécriture d'une vie en ce qui concerne Pour Saluer Melville. Par ailleurs, les deux personnages, Ulysse et Herman, se ressemblent sur certains points. Par exemple, ils sont navigateurs tous les deux. Leurs voyages et leurs aventures respectifs ont forgé à chacun une personnalité et un caractère et ont surtout donné naissance à un récit : Ulysse inventera une légende à partir de ses voyages et Melville s’inspirera de ses périple pour écrire Moby Dick. En outre, tous les deux vivent une histoire d'amour qui est en rapport avec la création de leurs récits. Si, à la suite de sa rencontre avec Adelina, Herman va écrire son oeuvre maîtresse, Ulysse, quant à lui, s'invente une histoire dans laquelle il donnera une autre image de lui-même pour, surtout, récupérer sa femme Pénélope. Mais le point commun le plus important est que tous les deux sont des créateurs d’images. Leur tête en est pleine. En effet, Ulysse, a ‘« la tête alourdie d’images fulgurantes »’ (I, 30) et Herman, lui, a ‘« une tête embaumée »’ (III, 5).