Un exemple de diffusion : les modes de garde pour la petite enfance

Les services aux ménages qui se sont diffusés dans les centres urbains secondaires sont toutefois trop nombreux et surtout trop divers pour que nous puissions tous les étudier précisément. Nous ne pouvons pas raisonnablement envisager de souligner pour chacun d’eux les modalités, les contraintes, les vecteurs et les acteurs qui ont présidé à leur diffusion. Comme il nous faut bien choisir, nous avons opté pour les modes de garde pour la petite enfance (0 à 3 ans) sur le département du Rhône : les crèches, les haltes-garderies, les assistantes maternelles, etc.

Ce cadre départemental n’est pas un choix territorial, bien plus restreint d’ailleurs que de la RUL mais un choix organisationnel. Cette échelle géographique nous permettra en effet d’appréhender l’ensemble d’un système d’acteurs qui sur cette portion de territoire a en charge la promotion et l’encadrement de ces services.

Cet exemple des modes de garde nous a semblé plus particulièrement intéressant à étudier pour quatre raisons essentielles.

En premier lieu, il s’est avéré que les modes de garde étaient depuis le début du XX° siècle essentiellement concentrés dans les agglomérations et même pour les structures collectives (les crèches) dans les plus grandes d’entre elles. Leur développement dans les noyaux urbains secondaires, dans des villes moyennes, mais aussi dans des petites villes, des bourgs, voire certains villages, ne date que des années 1970 et 1980. A priori, cette évolution semble étroitement liée à la périurbanisation des ménages qui, par leurs caractéristiques sociales et démographiques (double activité des parents, importance des migrations alternantes, présence d’enfants en bas âge et difficulté de s’appuyer sur des réseaux de solidarité de proximité notamment familiaux pour faire garder les enfants) ont un nécessairement besoin de mode de garde.

En second lieu, il est apparu que ces services ont été relativement peu étudiés par la recherche urbaine, notamment en géographie. Activité des plus banales, de celles que l’on ne remarque pas si ce n’est en creux lorsqu’elle manque ou est défaillante, les modes de garde sont pourtant essentiels à la vie quotidienne de bien des ménages et à travers eux nécessaires (mais pas vitaux évidemment) au fonctionnement quotidien des villes. Il nous a donc semblé intéressant de les examiner et de contribuer ainsi à une meilleure connaissance de cette sphère d’activités.

En troisième lieu, les modes de garde nous ont semblé être capables de rendre compte assez fidèlement d’un rôle à notre sens fondamental qu’exerce aujourd’hui une large part de la sphère de la reproduction sociale simple et, à travers cela, les centres urbains secondaires dans le fonctionnement quotidien de la métropole : un rôle de régulateur des temporalités urbaines. En effet, la diffusion de ces services n’a pas seulement permis de maintenir une relative proximité spatiale avec les usagers : elle a aussi compensé partiellement la montée de la mobilité quotidienne et du temps passé dans les déplacements. La diffusion des modes de garde, comme d’une grande partie de la reproduction sociale simple apparaît sous cet angle non comme une simple survivance de l’antique principe de proximité spatiale si nous suivons la proposition de L. Voyé et J. Rémy17. Elle semble être un élément de première importance dans le fonctionnement temporel du système socio-spatial.

Enfin, en ce qui concerne les modalités précises de leur diffusion, quant au rôle joué par certains acteurs, ce que nous donneront à voir les modes de garde ne pourra pas être généralisé ; sur ce plan, cet exemple est foncièrement singulier. C’est pourtant cette singularité, qui nous les a fait choisir en dernier ressort. Les modes de garde nous révéleront en effet, l’émergence d’une nouvelle forme de régulation urbaine sur un champ très limité, nous en convenons volontiers, régulation exercée par un système d’acteurs complexe dominé par une institution que nous n’attendions assurément pas a priori : la Caisse d’Allocations Familiales.

Notes
17.

Rémy J. et Voyé L., 1992.