1.1 Une croissance démographique d’ensemble.

Entre 1962 et 1990, la RUL a bénéficié d’une croissance de 560.270 habitants, soit + 29,24%, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne française (+ 21,72% sur la même période).

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Graphique 1 : Nature de l'évolution démographique de RUL de 1962 à 1990.

Cet essor résulte essentiellement du solde naturel et, plus marginalement, des apports migratoires. L’excédent de naissance sur les décès fut de + 421.903 habitants, soit + 22,03 % ; le solde migratoire n’a été, quant à lui, que de + 138.367 habitants, soit + 7,22%. La faiblesse du solde migratoire s’est même accentuée avec le temps. L’apport de population extérieure s’est relativement tari depuis 1968 et est devenu négatif entre 1975 et 1982.

Ces quelques données pourraient nous conduire à penser que l’essor de la Région Urbaine de Lyon ne résulte pas, ou pas principalement, du vaste mouvement de métropolisation, qui se fit dans le pays au cours de cette période. De prime abord, il semble, en effet que ce ne soit pas l’apport de populations extérieures (le solde migratoire) qui explique le développement démographique de la RUL, mais bien davantage le solde naturel, c’est-à-dire la capacité endogène de cette population à développer un excédent naturel ; nous pourrions logiquement penser que la structure démographique de cette population n’est pas étrangère à la chose. Il s’avère d’ailleurs qu’en 1990, 43,6% de la population de la RUL avait moins de 30 ans et qu’en 1991, le nombre de naissances dépassait celui des décès de 76,17%, alors que le recouvrement n’était que de 44,67% au niveau national.

Cette première impression doit cependant être nuancée. La croissance démographique de la RUL ne peut pas être attribuée à sa seule structure démographique et nous ne pouvons pas, à l’inverse, considérer les migrations résidentielles comme quantité négligeable. En fait, la faiblesse du solde migratoire signifie simplement que les départs compensent, voire dépassent les arrivées, mais cela ne préjuge en rien de l’importance et de l’incidence réelle des échanges opérés. Les flux entrants et sortants peuvent être négligeables, mais ils peuvent être également extrêmement importants. Dans ce cas, si les immigrants ont des caractéristiques nettement différentes des émigrants, les mouvements migratoires pourront avoir un impact des plus significatifs sur l’évolution d’ensemble. Ainsi, par exemple, si les nouveaux venus sont en moyenne beaucoup plus jeunes que les populations en départ, alors les mouvements migratoires, même s’ils sont équilibrés, provoqueront un rajeunissement relatif de la population de ce périmètre et ceci pourrait engendrer à son tour une augmentation de la natalité, une diminution relative de la mortalité et par la suite un accroissement de l’excédent naturel.

Faute d’accès aux données statistiques nécessaires, nous ne pourrons pas cerner précisément la pleine réalité des échanges de population entre la RUL et l’extérieur. Une étude réalisée par l’INSEE35 au niveau de la région Rhône-Alpes, peut toutefois nous en donner une idée approchante. A l’échelle de Rhône-Alpes, le solde migratoire entre 1982 et 1990 fut de + 97.440 habitants, soit + 1,94%, mais cet équilibre relatif masque des échanges importants. Durant cette dernière période intercensitaire, 424.300 personnes ont emménagé dans la région, tandis que 326.860 autres en partaient.

Les origines et les destinations des migrants étaient principalement l’Ile-de-France et, dans une moindre mesure, les régions limitrophes : Bourgogne, Auvergne, Languedoc-Roussillon et, surtout, Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Avec les régions situées au nord de la Loire, y compris l’Ile-de-France, le bilan migratoire est nettement favorable à Rhône-Alpes. Avec celles du sud, en revanche, il est défavorable. En d’autres termes, les immigrants proviennent essentiellement des régions septentrionales, tandis que les émigrants se dirigent principalement vers les régions méridionales. La région Rhône-Alpes apparaît sous cet angle comme une transition spatiale dans le vaste mouvement héliotropique36 qui a travaillé la France au cours de ces toutes dernières décennies et qui semble d’ailleurs se confirmer au vu des premiers résultats du recensement de 199937.

Outre ce décalage entre origines et destinations des migrants, l’analyse des soldes migratoires fait ressortir une seconde dissymétrie, sur la pyramide des âges cette fois-ci. En effet, le solde migratoire est très largement excédentaire avant 40 ans et reste même positif jusqu’à 50 ans. Les immigrants ont donc tendance à être plutôt jeunes. Pour être plus précis, nous pouvons même distinguer trois sous-groupes différents de populations entrantes.

  • Il s’agit, en premier lieu, de jeunes adultes venus travailler dans la région. Entre les deux derniers recensements (1982-90), 115.000 personnes âgées de 25 à 34 ans se sont installées en Rhône-Alpes, alors que seulement 83.000 individus de la même classes d’âge en partaient.

  • En second lieu, ces jeunes actifs étant fréquemment chargés de famille, le nombre d’emménagements d’enfants de moins de 15 ans est, lui aussi, largement supérieur aux départs.

  • En dernier lieu, nous pouvons enfin relever une arrivée non négligeable de 15-25 ans. Il s’agit là pour l’essentiel d’étudiants venus suivre une formation dispensée dans l’une ou l’autre des universités ou des grandes écoles rhônalpines. La région Rhône-Alpes est, en effet, l’une des rares du pays à être attractive au niveau de l’enseignement supérieur et, plus précisément, à ne pas être fortement dépendante en la matière de l’Ile-de-France.

Si Rhône-Alpes accueille plus de jeunes qu’elle n’en perd38, après 50 ans, écrivions-nous plus haut, le nombre des départs s’équilibre plus ou moins avec celui des arrivées. En fait, nous pouvons même noter un léger déficit entre 55 et 75 ans. Selon l’INSEE, les populations de cette classe d’âge en partance seraient essentiellement des actifs originaires d’autres régions et qui avaient emménagé par le passé en Rhône-Alpes pour des raisons professionnelles. Elles tendraient ainsi à regagner leur région d’origine à l’heure de la retraite, alors que les rhônalpins de naissance seraient relativement peu nombreux à quitter leur région à la fin de leur vie active39.

Cette rapide analyse des soldes migratoires par classe d’âge nous montre que la région Rhône-Alpes peut être à nouveau appréhendée comme une transition, cette fois temporelle, dans le cycle de vie des individus. Il est manifestement censé d’estimer que ces deux aspects temporels et spatiaux ne sont pas étrangers l’un à l’autre. Il semble, en effet, que nombre de personnes sont amenées au cours de leur vie à emménager pour raisons professionnelles ou de formation dans cette région, puis qu’ils la quittent parfois par la suite tantôt pour gagner d’autres régions plus méridionales encore, tantôt pour rejoindre leur région natale. La connaissance que nous pouvons avoir du jeu des mutations au sein de la fonction publique nationale n’accrédite-t-elle pas cette impression ? Par-delà la faiblesse des soldes migratoires, cela n’indique-t-il pas combien la région Rhône-Alpes participe en réalité à des dynamiques globales qui la dépassent amplement ?

Non seulement cette région participe à des dynamiques nationales, à des jeux complexes d’échange de population, sur fond de géographie économique et d’évolution de l’emploi, mais de surcroît cette insertion n’est pas sans conséquences sur son évolution démographique, et en l’occurrence sur son solde naturel. En effet, ces mouvements résidentiels ont eu pour conséquence de rajeunir la population rhônalpine, qui, avec une moyenne d’âge de 36,6 ans, contre 37,2 au niveau national, est l’une des plus jeunes du pays. Cette relative jeunesse a eu, à son tour, une incidence non négligeable sur la natalité et sur l’excédent naturel de la région. Entre 1982 et 1990, la croissance naturelle de Rhône-Alpes a généré une croissance démographique de 0,58%, alors qu’à l’échelle du pays, l’excédent naturel n’a provoqué un essor que de 0,43%.

Cette présentation succincte des principaux résultats de l’étude menée par l’INSEE nous permet, en conséquence, de souligner que la faiblesse des soldes migratoires ne signifie pas obligatoirement qu’un espace donné se situe à l’écart des dynamiques globales. En l’espèce, cela masque même une profonde insertion de Rhône-Alpes dans les dynamiques nationales ainsi que l’ample incidence de cette immersion sur l’évolution et la structuration démographique de cette région.

Bien que nous ne disposions pas de données spécifiques pour la RUL, ceci nous invite inévitablement à relativiser fortement nos premières impressions quant à l’insignifiance des échanges de population avec l’extérieur. L’étude de l’INSEE ne nous indique-t-elle pas d’ailleurs que les nouveaux arrivants en Rhône-Alpes se sont prioritairement installés dans le sillon alpin (Genève, Annecy, Chambéry, Grenoble), ainsi que dans la région lyonnaise40 ? Ne s’avère-t-il pas, en outre, que la RUL est encore plus jeune et son excédent naturel encore plus important que celui de Rhône-Alpes41 ? A la lumière des éléments exposés précédemment, ceci ne nous amène-t-il pas à interpréter ces différents indicateurs comme la marque d’une insertion encore plus forte de la RUL dans les dynamiques nationales ?

Loin du monde clos, évoluant au gré de sa seule capacité endogène à croître, qu’aurait pu nous suggérer le Graphique 1, page 30, cela nous invite à reconsidérer la RUL comme un espace non seulement inséré mais également travaillé par ces dynamiques d’ensemble, ce qui aurait une incidence jusque dans son évolution démographique et même jusque dans son excédent naturel.

Notes
35.

INSEE, 1996.

36.

Sur le développement des midis français, le lecteur peut se reporter à Brunet R. et Sallois J., 1986, ou encore Desplanques G., 1993.

37.

Le Monde, jeudi 8 Juillet 1999.

38.

p. 17, INSEE, 1996.

39.

p. 17, INSEE, 1996.

40.

p. 16, INSEE, 1996.

41.

Au dernier recensement, 43,6% de la population de la RUL avait moins de 30 ans et son excédent naturel avait provoqué, entre 1982 et 1990, une croissance de 0,66%, contre seulement 0,58% pour Rhône-Alpes (source RUL, 1992-a).