1.4 L’exurbanisation, processus majeur dans la recomposition de la géographie des populations de la RUL

Si l’évolution naturelle des communes a conservé une allure relativement concentrée, les dynamiques migratoires ont eu tendance, en revanche, à être beaucoup plus dispersées (voir Carte , page 42). Ce sont ces migrations résidentielles qui sont à l’origine du redéploiement des populations dans la RUL.

Entre 1962 et 1990, les soldes migratoires par commune se sont échelonnés de - 183.061 à + 18.268 habitants ; la majorité des communes48 ayant connu des variations plus modérées, comprises entre + 24 et + 576,75 habitants. Nous pouvons tenter d’apprécier à grands traits l’origine de ces migrants et ainsi qualifier ces mouvements migratoires (exurbanisation, polarisation de populations rurales, arrivée de ménages extérieurs à la RUL) en mettant en rapport les gains enregistrés par les communes bénéficiaires et les pertes des communes rurales, celles des communes urbaines ainsi que l’apport de population extérieure à ce périmètre. Certes, nous traitons ici de soldes et non pas de flux de population : nous ne pouvons donc pas conclure que les gains des uns s’expliquent mécaniquement par les pertes des autres, mais ce rapide calcul peut malgré tout nous donner une idée approximative de l’origine géographique des populations migrantes.

Tableau 1 : Répartition des déficits migratoires par grands secteurs géographiques
Secteurs déficitaires Masse %
- Extérieurs de la RUL 138.367 30,73%
- Communes urbaines 302.902 67,27%
- Communes rurales 9.033 2,01%
Total des gains migratoires des communes bénéficiaires 450.302 100%

Comme le montre le tableau ci-dessus, les gains de population des communes bénéficiaires ont eu essentiellement pour corollaire des mouvements d’exurbanisation (302.902 départs de communes urbaines), secondairement l’arrivée de populations exogènes (solde migratoire global de la RUL : 138.367 nouveaux habitants) et enfin, beaucoup plus faiblement, des mouvements de polarisation de populations d’origine rurale (9.033 déménagements de communes rurales). 

Ces ordres de grandeur étant posés, la carte ci-dessous va nous permettre d’affiner notre analyse. Elle nous présente les soldes migratoires des communes bénéficiaires et des communes déficitaires.

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Carte 5 : Mouvements migratoires dans la RUL entre 1962 et 1990.

La principale commune déficitaire, et de loin, est celle de Lyon. Elle a perdu à elle seule pas moins de 183.061 habitants entre 1962 et 1990. Si nous cumulons ses pertes avec celles de la ville de Saint-Etienne et de leurs proches banlieues respectives, nous obtenons un total représentant près de 90% des effectifs perdus par la totalité des communes déficitaires. Il se confirme donc que les populations migrantes furent essentiellement d’origine urbaine, pour ne pas dire avant tout lyonnaise et secondairement stéphanoise. Nous pouvons certes relever, ici ou là, quelques communes rurales répulsives. Concentrées dans les secteurs occidentaux de la RUL, il s’agit généralement de communes enclavées dans les monts du Lyonnais et du Beaujolais, voire du Pilat. Pour réelles qu’aient été leurs pertes, elles ne représentent néanmoins, une fois cumulées, que 5,5% du déficit total.

La relative concentration des déficits migratoires contraste, pour le moins, avec la dispersion géographique des communes bénéficiaires. Autour de la métropole lyonnaise, ces dernières se regroupent pour ainsi dire dans toute sa moitié sud-est et son quart nord-ouest. Dans le premier cas, il s’agit de zones de plaines, dans le second du val de Saône et des bordures orientales des monts du Lyonnais et du Beaujolais. Nous pouvons également observer un regroupement similaire au nord de Saint-Etienne, dans la plaine du Forez. Cette impression d’éparpillement a évidemment de quoi nous laisser penser à un vaste mouvement, non pas simplement de déconcentration de la population, mais bel et bien de dispersion des citadins dans des périphéries de plus en plus lointaines. L’ordonnancement centre – périphérie des soldes migratoires, s’il reste visible, est en effet relativement peu marqué ; cela pourrait nous faire envisager l’hypothèse d’un véritable processus de désagglomération, ce qui n’est pas véritablement le cas, comme nous le verrons par la suite.

Ce tableau et cette carte nous montrent, en définitive, toute l’importance au cours de cette période de l’exurbanisation, c’est-à-dire le départ de populations du centre des villes vers leurs marges plus ou moins lointaines. Ce processus centrifuge explique aujourd’hui en large part le développement de la grande périphérie lyonnaise, ce qui contraste notablement avec les époques antérieures. Car si ce phénomène n’est pas véritablement nouveau, son importance était bien moindre par le passé. Ainsi par exemple, au milieu du XIXème siècle, la population du faubourg de la Croix-Rousse, une périphérie lyonnaise alors en plein développement, n’était originaire qu’à 22% seulement de Lyon et à 66% de zones rurales49.

Le tableau souligne enfin toute l’importance des échanges entre la RUL et l’extérieur dans la recomposition de la géographie des populations au sein de ce périmètre. L’étude INSEE sur Rhône-Alpes, dont nous avons exposé plus haut les principaux résultats, nous indique clairement d’ailleurs que les nouveaux venus dans ce périmètre se sont, eux-aussi, prioritairement installés dans la grande périphérie de la métropole lyonnaise, tandis qu’à l’inverse, les candidats au départ sont essentiellement issus des secteurs centraux des grandes agglomérations rhônalpines, dont Lyon et Saint-Etienne50. Somme toute, à l’instar des migrations internes à ce périmètre, les échanges de populations avec l’extérieur de la RUL ont donc eux-aussi contribué au déclin des centres urbains et à l’essor de leur grande périphérie.

Notes
48.

Intervalle inter-quartile (Q3 - Q1).

49.

Bayard F. et Cayez P., 1990.

50.

p. 16, INSEE, 1996.