La distorsion géographique entre migrations résidentielles et dynamiques de l’emploi débouche mécaniquement sur une forte croissance des distances entre domicile et travail.
Au niveau national, la distance moyenne entre ces deux termes a été multipliée par un et demi en 15 ans63, passant de 7,35 km en 1975, à 11,47 km en 1990. Au plan local, comme le montre la carte ci-dessous, ceci a d’ailleurs eu pour conséquence d’engendrer une très forte expansion du bassin d’emploi64 de Lyon.
Les enquêtes ménages de 1977 et 198665 nous montrent que cette extension des distances domicile - travail a eu une incidence extrêmement forte sur la mobilité quotidienne, non seulement au plan quantitatif (nombre de déplacements), mais également qualitatif (mode de transport). Ceci a généré une augmentation continue des déplacements en voiture particulière, car les relations entre ces deux termes s’effectuent très majoritairement grâce à ce mode de transport.
Les effets induits ne sont évidemment pas anodins. De par la similitude des horaires de travail, ces déplacements motorisés s’effectuent en large part dans les mêmes tranches horaires, ce qui génère des phénomènes de pointe ou, en d’autres termes, une congestion chronique de l’agglomération.
Bien des auteurs ont déjà souligné les impacts66 sociaux, économiques et écologiques de cette croissance des déplacements motorisés, induite par la désimbrication entre travail et domicile ; nul n’est besoin d’y revenir ici. Il nous semble, en revanche, opportun de nuancer quelque peu l’importance de ce désajustement fonctionnel ou, tout du moins, d’en préciser la portée réelle. Une étude récente de Marie-Hélène Massot67 montre, en effet, que si la distance moyenne entre habitat et emploi était bien de 11,47 km, en 1990, les trois-quarts des actifs travaillaient cependant à moins de 10 km de chez eux. Certes, en 1975, ils étaient 86% dans ce cas, mais, malgré tout, pour la majeure partie de la population, la déconnexion entre domicile et travail reste, pour l’heure, relativement limitée. Si, en règle générale, ils ne travaillent plus dans leur commune de résidence, ils restent toutefois employés à proximité immédiate et bien souvent d’ailleurs dans une commune riveraine.
La très forte augmentation de la moyenne globale des migrations pendulaires ne résulte pas véritablement d’une croissance importante et généralisée des distances parcourues par l’ensemble des actifs. En fait, c’est une catégorie bien particulière d’actifs qui est à l’origine de cette progression de 50% de la moyenne des migrations pendulaires. Il s’agit notamment de ceux que l’on nomme les navetteurs 68. La part des actifs effectuant d’importants déplacements journaliers a en effet notablement augmenté, ce qui a eu une incidence forte sur la moyenne générale. Le nombre de personnes travaillant à une distance de leur domicile comprise entre 20 et 40 kilomètres a augmenté de moitié depuis 1975, pour atteindre en 1990 7% de la population active ; la part de ceux dont l’emploi se situe encore plus loin, au-delà de 40 km, a augmenté de deux tiers, pour regrouper au dernier recensement 4% du total des actifs.
Nous pouvons apercevoir, comme le remarque fort judicieusement M.H. Massot, que 75% des actifs travaillent à moins de 10 km de leur domicile et qu’ils ne contribuent qu’à 29% du total des déplacements pour ce motif. A l’autre extrémité du spectre, les 3,9% de la population active employés à plus de 40 km de leur résidence participent, en revanche, à hauteur de 46,7% au total des déplacements. Ainsi sommes-nous amenés à relativiser, sans pour autant la nier, l’ampleur de l’accroissement des déplacements domicile - travail, et à travers cela, celle de la désimbrication entre domicile et travail.
Source : observatoire économique et statistique des transports.
Définition INSEE.
CETE, 1990 ; CETE – CETUR, 1990.
Pour un aperçu du nombre d’accidents et du coût économique, on peut se reporter ici simplement à INSEE – OEST, 1991 ; sur les problèmes environnementaux, on peut lire par exemple OCDE, 1988, ou encore OCDE, 1995.
Massot M.H., 1999.
Personnes travaillant dans un autre bassin d’emploi que celui où elles résident.