Conclusion de section

Le décalage entre dynamiques résidentielles et dynamiques de l’emploi engendre, en définitive, un accroissement des distances entre ces deux termes, et delà une augmentation importante des déplacements motorisés. Si l’essor de la mobilité quotidienne est moins forte que ce que les moyennes nous laissent à penser en premier lieu, il est toutefois patent de constater que ceci est bien plus dû à la structuration préexistante des villes qu’aux tendances portées par les processus en cours. L’exurbanisation des ménages et des emplois nous entraîne manifestement vers une déconnexion de plus en plus importante entre domicile et travail, et plus globalement encore, entre l’ensemble des différents aspects de nos vies quotidiennes.

Source de problèmes sociaux, économiques et écologiques que nous ne saurions négliger, cette segmentation croissante de la ville et de nos vies ne peut toutefois être considérée comme un processus remettant en cause, du moins en tant que tel, l’urbanité, le fonctionnement urbain et plus largement les interactions sociales. Car cette segmentation a justement pour corollaire une croissance de la mobilité spatiale qui apparaît en l’état comme le nouveau principe d’organisation de la ville et de nos vies. Evidemment, comme en toute chose, cette évolution n’est pas univoque. Elle est tout à la fois porteuse de progrès et de régres, comme l’aurait dit E. Reclus. Source de plus grande liberté quant aux moments, aux lieux et aux sujets d’interaction sociale, elle signifie aussi l’exclusion ou la captivité pour ceux et celles qui n’y ont pas, ou difficilement accès. Elle renvoie également à un renforcement de la ségrégation socio-spatiale, à des stratégies d’évitement entre classes sociales ou, plus finement encore, entre groupes sociaux et, somme toute, à une appréhension croissante, pour ne pas dire un certain rejet de l’altérité, valeur pourtant fondamentale de la vie en société.

Sans nier aucunement, ni minimiser cette face noire de la mobilité, elle ne fait pas pour autant de ce nouveau principe d’organisation urbaine un élément néfaste qu’il faudrait combattre sous peine de périr. Si la mobilité spatiale n’est pas une marche triomphale vers la modernité ou le progrès, nous ne saurions oublier que la proximité spatiale n’est pas non plus un gage de justice, d’équité ou d’harmonie sociale. La proximité et la mobilité sont deux principes possibles d’organisation du fonctionnement social, qui ne s’excluent d’ailleurs pas obligatoirement. Si l’une et l’autre ont une incidence sensiblement différente sur la société, elles en sont aussi le pur produit et ne font, en dernière analyse, que refléter l’organisation et la structuration même de la société qu’elles organisent.