1.1 Un ralentissement de la croissance spatiale des agglomérations urbaines

Le redéploiement des populations et des activités urbaines observé dans le chapitre précédent pourrait nous donner l’impression que les dynamiques en cours ont quelque peu fragilisé les agglomérations urbaines stricto sensu. La recomposition territoriale ne s’est-elle pas réalisée principalement au détriment des centres urbains et pour le plus grand bénéfice de leurs périphéries, voire de leurs très grandes périphéries ? Il convient, cependant, de vérifier la validité de ce premier sentiment.

Nous analyserons pour cela l’évolution spatiale des unités urbaines entre 1962 et 1990. Cette délimitation, élaborée en 1952 et utilisée la première fois pour le recensement de 1954, définit la ville à travers un double critère de continuité du bâti (200 mètres maximums entre chaque construction) et de taille démographique minimum (2.000 habitants). Re-délimitées à chaque recensement, les unités urbaines peuvent nous permettre de suivre globalement comment la ville agglomérée, c’est-à-dire les centres urbains et leurs banlieues, a évolué entre ces deux dates.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, une première observation de l’évolution spatiale des unités urbaines semble indiquer que les agglomérations sortent renforcées de trente ans de dynamiques centrifuges plus ou moins massives. La conséquence finale la plus visible de l’important mouvement de déconcentration urbaine semble être, en effet, une extension jusqu’alors inédite des banlieues. Alors qu’en 1962, les unités urbaines de la RUL ne comptaient que 90 communes, elles étaient 241 en 1990.

Comme le souligne la carte ci-dessous, c’est la métropole lyonnaise qui s’est le plus étendue durant ce laps de temps. Cette dernière forme aujourd’hui une quasi-conurbation avec plusieurs villes de sa périphérie, qui étend ses bras le long des axes routiers au nord jusqu’à Belleville, au-delà de Bourgoin-Jallieu vers l’est et jusqu’à Vienne au sud. Au sud-ouest, la conurbation Saint-Etienne – Saint-Chamond a, elle aussi, bénéficié d’un essor certain, quoi que nettement plus modéré que dans le secteur central de la RUL.

message URL CART008.gif
Carte 8 : Croissance des agglomérations urbaines de la RUL entre 1962 et 1990.

Somme toute, si les centres urbains ont été la source majeure des dynamiques migratoires, leurs périphéries immédiates en ont été les plus grands bénéficiaires et ceci a généré, in fine, un important processus de formation de nouvelles banlieues. Le redéploiement des populations et des activités urbaines apparaît donc, sous cet angle, comme étant essentiellement un phénomène de déconcentration des agglomérations, mais un desserrement lui-aussi aggloméré.

Nous pouvons, cependant, nous demander si l’échelle de temps choisie ne masque pas certains retournements de tendance, qui auraient pu se produire au cours de ces trois décennies. Une décomposition de l’évolution des unités urbaines par période intercensitaire confirme cette hypothèse. L’expansion spatiale des banlieues a eu lieu, essentiellement, en début de période et s’est depuis fortement ralentie. Comme le souligne le graphique ci-dessous, entre 1962 et 1968, les agglomérations de la RUL ont connu une croissance de 62 communes, soit plus que durant les trois autres périodes réunis (+ 60 communes).

message URL GRA010.gif
Graphique 10 : Evolution du nombre de communes dans les unités urbaines de la RUL de 1962 à 1990.

Ce ralentissement est encore plus flagrant dans le cas de la métropole. La croissance spatiale de cette dernière (graphique ci-dessous) a été très forte entre 1962 et 1968, puis s’est brusquement ralentie et même stoppée depuis 1982. Durant la première période intercensitaire, l’unité urbaine de Lyon a gagné 34 nouvelles communes, contre seulement 20 entre 1968 et 1982 et aucune depuis.

message URL GRA011.gif
Graphique 11 : Evolution du nombre de communes dans l'unité urbaine de Lyon de 1962 à 1990.