1.3.2 Les franges périurbaines : une production socio-spatiale à part entière

Si nous pouvons prendre rapidement la mesure de trente ans de dynamiques urbaines sur la ville agglomérée, la chose est plus délicate concernant les franges périurbaines. En effet, la question n’est plus ici de jauger de l’évolution finale d’un périmètre relativement bien circonscrit, mais de mesurer un phénomène dynamique sur un espace beaucoup plus flou. Le problème est, plus précisément, de comprendre si les processus en cours tendent à former de nouvelles couronnes de banlieue ou bien seulement des espaces d’urbanisation diffuse. En d’autres termes encore, le redéploiement urbain donne-t-il lieu à un processus de densification, certes lent mais néanmoins continu, ce qui aboutirait à terme à la transformation des communes d’accueil en tissu urbain dense ; ou bien se borne-t-il à transformer une commune rurale en commune périurbaine avant de se reporter plus loin ?

La réponse à cette question détermine évidemment notre compréhension des tendances actuelles et de ces nouvelles périphéries urbaines. Elle nous permettra de mieux comprendre jusqu’à quel point les franges périurbaines sont une forme transitoire entre l’urbain et le rural ou, à l’inverse, s’il s’agit d’un production socio-spatiale relativement pérenne qui s’intégrerait alors comme composante à part entière de la ville actuelle.

Afin d’approcher cette question, nous avons décidé d’observer la constance (ou l’inconstance) des flux migratoires. Nous avons opéré pour cela une classification ascendante hiérarchique sur les taux de variation moyens annuels du solde migratoire par commune91 des quatre dernières périodes intercensitaires (1962-68, 1968-75, 1975-82, 1982-90), ce qui nous permettra de regrouper les 678 communes de la RUL en fonction de leur profil migratoire. Nous obtiendrons des classes de communes ayant eu des soldes migratoires similaires (taux plus ou moins équivalent) aux même périodes et nous pourrons alors observer si les dynamiques migratoires ont été ou non suffisamment constantes et/ou intenses pour pouvoir espérer transformer, à terme, l’ensemble des communes attractives en nouveaux tissus urbains denses.

Le choix du nombre de classes a été opéré en observant les variances intra et inter-classes. Ces deux types de variance sont égaux à la variance totale du tableau considéré, soit quatre dans le cas présent. Une variance intra-classe faible traduit une forte homogénéité entre les communes de chaque classe. Une variance inter-classes importante indique, quant à elle, que les classes sont nettement différentes les unes des autres. Sur ces bases, nous avons donc considéré que la variance intra-classe devait être deux fois moins importantes que la variance inter-classes, ce qui nous a conduit à opter pour une classification en quatorze classes.

Tableau 5 : Variance pour quatorze classes
Variance intra-classe 32,6%
Variance interclasses 67,4%
Variance totale 4

Le tableau ci-dessous nous donne l’effectif et la moyenne des taux de variation moyens annuels pour chaque classe.

Tableau 6 : Taux de variation moyens annuels du solde migratoire par classe
Classes Effectifs Taux moyens annuels du solde migratoire
(moyennes pour chaque classe)
1962-68 1968-75 1975-82 1982-90
Classe 1 73 -0,04 0,48 3,74 3,26
Classe 2 96 1,25 2,59 2,80 1,70
Classe 3 5 0,28 2,00 4,75 11,64
Classe 4 39 0,03 4,17 5,64 1,97
Classe 5 18 -0,53 1,32 9,18 0,89
Classe 6 1 -1,58 19,95 24,85 4,17
Classe 7 37 4,07 4,71 3,63 3,49
Classe 8 13 1,52 9,77 0,23 1,12
Classe 9 18 6,80 3,10 -0,90 -0,69
Classe 10 99 -1,83 -0,33 1,30 1,75
Classe 11 62 -1,44 -1,54 -0,06 0,19
Classe 12 122 -0,31 0,38 1,77 0,87
Classe 13 67 0,24 -0,08 -0,61 -0,97
Classe 14 28 2,44 0,01 0,41 0,90
Moyenne 92 678 0,26 1,14 2,08 1,38

En comparant le profil moyen de chacune de ces classes à la moyenne de la RUL, nous pouvons déterminer celles qui ont constamment décliné ou stagné et celles qui se sont parfois ou toujours développées, en relativisant leurs évolutions particulières par rapport à l’évolution d’ensemble de la RUL. Nous simplifierons la présentation des résultats en traitant conjointement les classes ayant constamment décliné ou stagné, celles ayant bénéficié d’une croissance dès 1962, celles ayant eut un essor à compter de 1968 et enfin celles qui se sont développées à partir de 197593.

Notes
91.

Une analyse en composantes principales a été effectuée au préalable. Ces résultats ne révélant rien de particulier, nous ne les exposerons pas.

92.

Il s’agit de la moyenne des 678 communes de la RUL et non pas de la moyenne des 14 classes.

93.

Le détail de ces classes se trouve en Annexe C.