2.1 Le développement des banlieues ou l’extension – reproduction d’une agglomération urbaine

Après la libération, l’agglomération lyonnaise a connu une très vive croissance démographique. A périmètre constant, celui de l’unité urbaine de 1954, la population est passée de 597.499 habitants en 1946 à 840.870 en 1968, soit un essor de 40,73%95. La ville a dû accueillir, en d’autres termes, près de 250.000 nouveaux habitants en moins d’un quart de siècle. Les besoins en logements furent donc pressants et, entre 1946 et 1968, 117.863 nouveaux logements furent construits dans le seul périmètre du schéma directeur96.

Au plan spatial, ces nouvelles habitations seront tout d’abord équitablement réparties entre le centre et la périphérie immédiate de l’agglomération : entre 1954 et 1961, 47% d’entre elles furent édifiées à l’intérieur de la commune de Lyon97. Cependant, cette dernière consomma ici ses dernières réserves foncières d’importance : La Duchère, le quartier des Etats-Unis, le plateau du Point-du-Jour, Champvert, Saint-Rambert et Gerland. Par la suite, les nouveaux logements devront être de plus en plus fréquemment bâtis en périphérie et dès 1971, seuls 27% d’entre eux étaient encore construits dans la ville-centre98.

La consommation des derniers terrains disponibles dans le coeur de cette métropole et, en vis-à-vis, la recherche de réserves foncières suffisamment importantes en périphérie donna donc une tournure de plus en plus centrifuge au mouvement de construction. Toutefois, celui-ci resta tout d’abord relativement modéré. Tout au long des années 1960, ce sont les communes de la première couronne lyonnaise (limitrophe à Lyon et Villeurbanne) qui absorberont l’essentiel des nouvelles constructions99.

Pour l’heure, cette extension de l’espace résidentiel lyonnais n’affecta pas la continuité du tissu urbain et ne remit pas non plus en cause sa texture. Pour l’essentiel, ce seront des logements collectifs qui seront bâtis et un grand nombre d’entre eux seront, de plus, regroupés dans de vastes programmes de construction. Quelques chiffres sont à ce titre particulièrement éloquents. Le premier grand programme, celui de Bron-Parilly, qui démarra en 1952, comptait 2.600 logements, celui de la Duchère, en 1958, 5.886, et le dernier à Vaulx-en-Velin, en 1974, 9.960100. In fine, plus de 68.000 logements seront ainsi produits.

La puissance publique contribua fortement à cet effort de construction. A travers les H.L.M., héritiers des H.B.M. de l’entre-deux-guerres, le secteur public construira jusqu’à 4.000 logements par an entre 1960 et le début des années 1970101. Ils seront regroupés, en large part, dans des Grands Ensembles soit dans le cadre des Unités de Voisinage, comme à Bron-Parilly, La Duchère ou Montessuy, soit dans des Zones à Urbaniser en Priorité, comme Les Minguettes, Vaulx-en-Velin ou encore Rillieux.

Le secteur public ne fut néanmoins pas seul à produire de telles opérations d’envergure. La moitié d’entre elles fut prise en charge par le secteur privé. De tailles généralement plus modestes, ces grandes opérations privées se localiseront dans des secteurs sensiblement différents de ceux occupés par les programmes de logements sociaux : la première couronne ouest et la seconde couronne lyonnaise. Par la suite, ces différences de localisation propres au secteur public et au secteur privé contribueront évidemment à renforcer la ségrégation sociale entre les banlieues lyonnaises.

message URL CART015.gif
Carte 15 : Les grands programmes de construction de logement collectif de 1950 à 1975.

Ces différents programmes de construction se sont répartis tout autour de l’hyper-centre (carte ci-dessus) et ont contribué par leur importance à densifier très rapidement cette proche couronne lyonnaise. Pour prendre quelques exemples particulièrement significatifs, la densité de Rillieux passa de 303 habitants au km² en 1954 à 1.253 en 1968, celle de Vénissieux de 1.329 à 3.105, celle de Bron, enfin, de 1.378 à 4.040 sur la même période.

Nous pouvons voir, en définitive, que durant toute cette première période, l’extension de la ville en tant qu’espace résidentiel, n’a porté atteinte ni à la continuité du tissu urbain, ni à sa texture. Les zones d’expansion se sont situées dans le prolongement direct de l’agglomération préexistante et ont été dominées, comme cette dernière, par le logement collectif. Ceci contribua à densifier très rapidement la périphérie lyonnaise et, en cela, participa au développement spatial et à la pérennisation d’une ville agglomérée, continue et dense. Vu sous cet angle, ce mouvement de construction fut donc pour l’essentiel un phénomène d’extension – reproduction de la ville agglomérée.

Notes
95.

Source : INSEE – RGP 1946 à 1968.

96.

Delfantes Ch., 1969.

97.

p. 423, Bayard F. et Cayez P., 1990.

98.

p. 423, Bayard F et Cayez P., 1990.

99.

p. 424, Bayard F. et Cayez P., 1990.

100.

p. 84, Delfantes Ch., 1969.

101.

p. 424, Bayard F. et Cayez P., 1990.