3.1.3 Desserrement industriel et report des activités productives hors de l’agglomération

Dans les années qui suivirent, le processus de périphisation de l’industrie continua mais changea partiellement de forme. On assista à un report partiel de cette activité beaucoup plus loin en périphérie, dans des pôles non contigus à l’agglomération-mère.

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Carte 21 : Création de nouvelles zones industrielles dans l'agglomération lyonnaise de 1968 à 1975.

Comme le montre la carte ci-dessus, à l’échelle de l’agglomération les nouvelles zones industrielles furent essentiellement produites dans la seconde couronne Est. Si nous avions cartographié la consommation réelle d’espaces industriels durant cette même période, que cela soit en zones industrielles ou hors zones industrielles, l’image n’aurait pas été sensiblement différente. Ce furent, en effet, les communes de l’est lyonnais, et dans une moindre mesure du quart sud-ouest, qui en vendirent le plus129. Nous avions donc toujours, du moins à cette échelle, un processus de desserrement industriel relativement similaire à la période précédente.

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Carte 22 : Création de zones industrielles dans la RUL entre 1968 et 1975 (par grands pôles économiques).

Si nous élargissons le cadre d’observation, il s’avère cependant que de vastes espaces furent également équipés beaucoup plus loin en périphérie. Comme le montre la carte ci-dessus, pas moins de 276 hectares de zones industrielles furent créés, durant cette même période, sur la plaine de l’Ain et surtout 608,22 hectares dans le secteur de l’Isle-d’Abeau130. Le mouvement d’équipement fut donc plus important dans cette très grande périphérie lyonnaise que dans l’agglomération-mère. De fait, ces deux grands secteurs peuvent être considérés comme les symboles-mêmes de cette nouvelle tendance à la relocalisation des activités productives nettement en dehors de la ville agglomérée. Les zones d’activité de l’Isle-d’Abeau et de la Plaine de l’Ain se situent, en effet, non seulement à une distance importante de l’agglomération lyonnaise, mais également à l’écart de tout autre tissu urbain.

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Carte 23 : La consommation d'espaces industriels dans la RUL entre 1968 et 1975 (par grands pôles économiques).

Il est vrai cependant que le développement de nouvelles zones industrielles ne reflète pas obligatoirement le redéploiement réel de l’appareil productif. Si nous observons les surfaces effectivement consommées durant cette même période (1968-75), nous pouvons constater que le report industriel fut bien moindre que ne l’aurait laissé présager la carte précédente. Comme le montre la carte ci-dessus, ce fut encore et toujours l’agglomération lyonnaise qui connut la consommation d’espaces la plus conséquente de la RUL et de loin. En 1968, la métropole lyonnaise possédait d’importantes réserves en zones industrielles (581,91 hectares) auxquelles se sont ajoutées les nouvelles zones équipées (339 hectares). Elle put ainsi vendre 679,77 hectares de zones industrielles entre 1968 et 1975, auxquelles nous nous devons d’ajouter 654,81 hectares hors zones industrielles131.

Si l’équipement de ces zones d’activité de la très grande périphérie ne reflète pas de façon pure et parfaite le redéploiement de l’appareil productif, il révèle, en revanche, une volonté clairement affirmée des pouvoirs publics et des grands organismes socio-économiques (les chambres consulaires et les groupements patronaux) d’opérer un report partiel de cette activité sur l’Isle-d’Abeau et la Plaine de l’Ain ; ainsi d’ailleurs que sur la plaine du Forez en ce qui concerne l’espace stéphanois132.

Tout ce qui avait été envisagé ne fut certes pas réalisé. Mais pouvait-il en être autrement ? La consommation d’espaces industriels fut, en l’occurrence, beaucoup plus importante que prévue au sein de l’agglomération lyonnaise et le report des activités sur les nouveaux pôles périphériques non seulement plus faible mais aussi sensiblement différent au plan qualitatif par rapport à ce qui avait été espéré.

Même si tout ce qui avait été prévu ne fut pas réalisé, une partie de l’appareil productif lyonnais s’est néanmoins reportée sur ces pôles périphériques. En 1993, 151 établissements de plus de dix salariés étaient implantés à l’Isle-d’Abeau, 298 dans la plaine de l’Ain. Si les résultats restent encore modestes, ces deux secteurs furent malgré tous ceux qui connurent le développement le plus important ces dernières années. Entre 1987 et 1993, l’Isle-d’Abeau et la Plaine de l’Ain ont connu une augmentation du nombre de leurs établissements de plus de dix salariés respectivement de 62,4% et 69,3%, contre 29,0% en moyenne sur la RUL136.

Somme toute, aujourd’hui, l’appareil productif reste encore très largement regroupé au sein des agglomérations ou dans leurs abords immédiats, à commencer par Lyon. Les dynamiques actuelles ne semblent pas indiquer que ces activités tendent à les déserter. A la différence, cependant, des périodes antérieures une partie de la production s’est re-polarisée beaucoup plus loin en périphérie dans des espaces nettement séparés morphologiquement des agglomérations. La plaine de l’Ain, l’Isle-d’Abeau, la plaine du Forez ou plus loin encore Salaise-sur-Sanne près de Roussillon représentent aujourd’hui des pôles d’activité non-négligeable à l’échelle de la RUL137. De fait, si la périphisation de l’industrie concourrait naguère à la formation de nouvelles banlieues et donc à l’extension des agglomérations, elle semble désormais contribuer, mais en partie seulement, à la formation de pôles nettement dissociés des agglomérations urbaines. Elle semble introduire en cela une certaine discontinuité physique dans la ville en tant qu’espace productif.

Notes
129.

Centre régional Rhône-Alpes d’accueil et d’information des industriels, 1977.

130.

Centre régional Rhône-Alpes d’accueil et d’information des industriels, 1977.

131.

Centre régional Rhône-Alpes d’accueil et d’information des industriels, 1977.

132.

Nous ne retracerons pas ici l’histoire passionnante de ce choix stratégique et du jeu d’acteurs qui le porta, ainsi que les difficultés rencontrées, ces obstacles qui expliquent évidemment, que les réalisations ne furent pas toujours à hauteur des ambitions initiales, car ceci déborderait pour le moins du cadre de cette thèse.

133.

p. 126, OREAM, 1971.

134.

RUL, 1992-b.

135.

p. 480, Latreille A., (Dir.), 1975 et Bayard F. et Cayez P., 1990.

136.

Pothier Y, 1994.

137.

p. 38, SEPAL, 1988.