Conclusion de section

Cette section nous aura permis, en définitive, de mettre en relief la périphisation croissante des activités productives, au sens le plus large du terme, et du commerce de détail. Ces deux activités ont eu tendance à s’établir, en partie seulement et non pas totalement, hors des agglomérations. Sur ces marges lointaines, elles ont développé une certaine propension à se fixer sur des territoires relativement spécifiques et à former ainsi autant de pôles, plus ou moins mono-fonctionnels, qui structurent aujourd’hui encore l’économie et la société urbaine de par les emplois et les échanges de toutes sortes qu’ils génèrent.

C’est ce qui nous fonde à parler, derrière l’émergence de ces pôles, de l’avènement de la polarité comme nouveau principe de structuration intra-urbaine ; ces nouvelles polarités n’étant pas nécessairement destinées à se substituer totalement au centres urbains et, donc, le principe de polarité n’étant pas obligatoirement tenu de remplacer en lieu et place l’ancien principe de centralité, du moins à notre sens.

La différence que nous établissons entre la centralité et la polarité n’est pas une banale clause de style destinée à octroyer, à travers un métalangage de circonstance, une certaine épaisseur à de simples évolutions spatiales, à de simples changements de lieu, de localisation et d’ordonnancement géographique. Elle voudrait, au contraire, souligner toute l’importance des évolutions en cours qui affectent à notre sens, non seulement l’ordonnancement de la ville, mais également et plus fondamentalement l’organisation et la structuration même du système urbain sous-jacent.

Ce que nous définissons par centralité, c’est bien cette concentration de fonctions traditionnellement développée par les villes agglomérées, dans des espaces qui ne leur étaient d’ailleurs pas spécifiquement dévolus. Ce que nous entendons, en revanche, par polarité, tant celle développée par les plates-formes commerciales et que par les zones productives, c’est bien ce regroupement très sélectif d’activités qui s’opère, de plus, dans des espaces spécifiquement conçus à cet effet. La distinction que nous établissons entre polarité et centralité se situe donc, en premier lieu, dans leur capacité respective à marier des fonctions dissemblables ; mais elle ne renvoie pas uniquement à cela. Nous la fondons également sur une nature socio-territoriale que nous estimons substantiellement différente selon le cas.

Nous pensons, en effet, avec R. Perron148, que si les centres urbains sont tout à la fois des lieux d’échanges et des lieux d’usage, c’est-à-dire de l’échange marchand et de l’usage libre de la ville, les polarités périphériques sont, en revanche, essentiellement des lieux d’échanges ou de production dont la valeur d’usage est sinon absente du moins très fortement diminuée. Ceci nous amène à pointer une des évolutions sans doute les plus fondamentales qu’implique ce passage au moins partiel de la centralité à la polarité. Car il nous est permis en effet, de l’appréhender, de le lire, de le comprendre comme une véritable forme de dépublicisation, voire de privatisation et de mercantilisation non d’une portion du territoire urbain, mais d’une partie de la structure, des noeuds névralgiques d’organisation ou encore de certaines articulations essentielles du système socio-spatial sous-jacent.

Notes
148.

Perron R., 1993.