Conclusion de chapitre

Si naguère la croissance urbaine, entendue comme étant celle de l’aire de fonctionnement d’un système socio-spatial urbain, engendrait la formation de nouvelles banlieues, elle semble bien plus conduire aujourd’hui à l’émergence de franges périurbaines où se dispersent les populations, relativement bien sûr, et où se re-concentrent de manière sélective les activités productives et commerciales. Tandis qu’autrefois, l’expansion de la ville procédait par accumulation de populations et de fonctions sur ses périphéries immédiates, elle s’opère davantage aujourd’hui par juxtaposition, jusque dans des périphéries lointaines, de territoires relativement mono-fonctionnels : espaces pavillonnaires, zones d’activités et plates-formes commerciales. De même si aujourd’hui, ces processus centrifuges tendent à produire de nouveaux types de tissus urbains, ils concourent également à développer de nouveaux éléments de structuration de l’espace urbain : les polarités périphériques.

La périurbanisation provoque ainsi une séparation très importante entre des fonctions qui étaient hier encore, non pas toujours mêlées, mais du moins mises à proximité, rassemblées au sein d’un seul et même tissu morphologique. Si la segmentation spatio-fonctionnelle n’est pas spécifique à cette nouvelle forme de croissance de la ville, il s’avère cependant qu’elle la porte à un paroxysme.

Il ne faudrait pas croire cependant que les processus actuels impliquent une rupture radicale avec le passé. Par-delà l’ampleur de la périurbanisation, la ville agglomérée semble non seulement résister mais même continuer à se renforcer. Malgré l’émergence de polarités périphériques, la ville agglomérée conserve toujours et attire toujours nombre d’activités productives et commerciales. A travers cela, il semble bien que la centralité urbaine continue, elles-aussi, à structurer l’espace urbain, même si elle n’est plus seule désormais à jouer ce rôle-là.

Cette double permanence de la ville dense et de la ville diffuse, de la centralité et de la polarité nous conduit alors à esquisser une première ébauche de cette ville globale qui tend à se dessiner sous nos yeux. Il semble que les dynamiques en cours donnent naissance à un ensemble complexe, qui n’est ni une suburbia149, ni une agglomération150, ni une aire métropolitaine151, ni une conurbation152. Dans le cas présent, cet espace nous apparaît tout à la fois dense et diffus, aggloméré et périurbain. S’il est hyper-centré, car l’agglomération-mère conserve un poids démographique et fonctionnel déterminant, il est également multi-polarisé, car la périurbanisation a engendré, ici comme ailleurs, de nouvelles polarités périphériques qui contribuent à leur niveau à la structuration de l’ensemble.

Nous pourrions donc parler avec François Ascher153 de métapole 154 ce qui souligne bien que nous avons désormais ‘« un territoire qui va d’une certaine manière au-delà de la ville, dont nous avons hérité des siècles et des lustres précédents et qui l’intègre en la dépassant »’ 155. Ce néologisme, du moins dans l’acception que nous lui donnons, ne doit pas faire imaginer que nous avons là une rupture fondamentale avec le passé. La ville agglomérée n’a pas été morphologiquement détruite et l’organisation urbaine, sa structure, n’a pas été réduite en cendre. L’une et l’autre ont plutôt donné naissance à un ensemble plus vaste qui les englobe désormais.

Ce dont nous parlons c’est donc bien d’une nouvelle métamorphose de la ville et non de son hypothétique fin. Cette métamorphose, d’ailleurs, n’est-elle pas similaire, ce qui ne vaut pas dire identique évidemment, à ce qui avait pu se produire naguère lorsque la ville médiévale a cédé la place à l’agglomération industrielle ?

Notes
149.

en référence à la suburbia nord-américaine, un tissu de faible densité, sans autre structure que les voies de communication.

150.

dans le sens, d’une structure urbaine dense, continue et relativement mono-centrée.

151.

Telle que tente de le présenter la définition INSEE des ZPIU, c’est-à-dire un espace de fonctionnement d’une agglomération, comprenant l’unité urbaine centrale et sa périphérie diffuse, mais l’ensemble restant toujours relativement mono-centré.

152.

Ensemble d’agglomérations continues au plan morphologique et combinées au niveau fonctionnel.

153.

Ascher F., 1995-a.

154.

Qu’il définit comme étant « l’ensemble des espaces, dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole. La métapole constitue généralement un seul bassin d’emploi, d’habitat, d’activité. Les espaces qui composent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. Une métapole comprend au moins quelques centaines de milliers d’habitants ». (p. 34, Ascher F., 1995-a).

155.

p. 29, Ascher F., 1998.