1.2 La périurbanisation, un dérèglement de la croissance urbaine

Pour certains, la périurbanisation traduirait un simple, mais dangereux, dérèglement de la croissance spatiale des agglomérations. En tant que tel, ce phénomène ne poserait pas véritablement problème, car il ne s’agirait que de la forme contemporaine du processus historique d’exurbanisation. En effet, au plan démographique, les villes européennes ont déjà été travaillées par des mouvements similaires173. Tout au long du XIX° et du XX° siècle, nombre de ménages ont quitté les centres urbains pour s’établir en périphérie parfois dans des logements collectifs, mais aussi parfois dans des maisons individuelles, comme dans l’entre-deux-guerres avec le développement des banlieues pavillonnaires. De même, au niveau économique, le développement industriel nous a déjà habitué à voir les usines174 notamment, glisser de plus en plus loin des centres à la recherche d’espace disponible, de terrains plus accessibles et bien sûr de moindres coûts fonciers. Au total, ces mouvements centrifuges n’ont pas condamné ni affaibli la ville agglomérée. Ils l’ont même renforcée en contribuant à densifier progressivement les marges urbaines et, en l’occurrence, en participant à la formation des faubourgs puis des banlieues. Placée dans le temps long, cher aux historiens, la périurbanisation ne serait donc pas un phénomène nouveau, ni l’antithèse de l’urbanisation ou de la métropolisation. Elle s’apparenterait, sous bien des égards, ‘« au début d’un processus de constitution d’une nouvelle banlieue »’ 175.

Le problème actuel serait que l’exurbanisation s’effectue à un rythme et une ampleur spatiale soutenue alors que la croissance démographique d’ensemble a tendance à baisser176. Le développement de la mobilité individuelle et l’essor de la motorisation des ménages auraient autorisé une extension très importante de l’aire de fonctionnement des villes. Cette possibilité technique aurait été d’autant plus exploitée que l’on assistait dans le même temps, à une montée des aspirations à vivre hors des centres et des grands ensembles de banlieue ; dans un périurbain socialement et culturellement valorisé177. Autorisée techniquement, promue socialement et culturellement, la périurbanisation aurait ainsi affecté des périphéries de plus en plus lointaines. Ce décalage entre un rythme d’exurbanisation vivifié et une croissance d’ensemble amoindrie provoquerait en définitive, le développement des franges périurbaines ; ces dernières relevant en quelque sorte d’une croissance extensive des agglomérations urbaines, alors que l’essor des banlieues dans les années 1950 et 1960, soutenu par les grands programmes de construction de logements, renvoyait à une croissance beaucoup plus intensive.

Notes
173.

Sur l’exurbanisation, comme processus historique d’expansion spatiale des agglomérations urbaines, le lecteur peut se reporter à Pasquet D., 1913, repris par Montigny G., 1992.

174.

Pour le cas lyonnais, on pourra lire notamment Cayez P., 1980, ou encore Latreille A. (Dir.), 1975, et plus globalement Bastié J. et Dézert B., 1991.

175.

p. 37-38, Dezert B., Metton A. et Steinberg J., 1991.

176.

Faur J.P., 1991.

177.

Bourdieu P., 1990.