2.1.2 Migrations résidentielles et reproduction de la structuration socio-spatiale

Ces premiers éléments nous permettent d’apercevoir que les soldes migratoires ne rendent pas réellement compte d’un phénomène univoque d’exurbanisation. Ils révèlent seulement un déséquilibre relatif entre des flux centripètes et centrifuges, à même d’induire une relative dédensification des agglomérations, mais sans pour autant impliquer leur dépérissement total. De fait, la ville dense ne se vide pas de l’ensemble de sa population et en attire même de nouvelles : les jeunes en l’occurrence, ainsi que certaines catégories de populations aisées comme nous avons pu le signaler dans la première section de ce chapitre.

De par leurs caractéristiques socio-démographiques, pour en rester à ce seul niveau, nous pouvons postuler que ces migrations vont avoir un impact important sur la structuration sociale de cet espace. Les couples avec enfant ayant tendance à s’établir en périphérie et leurs enfants une fois adultes à s’installer dans le centre, jusqu’au jour où ils seront eux-mêmes chargés de famille, ces dynamiques migratoires ne devraient-elle pas induire une répartition centre – périphérie des ménages en fonction de leur taille ou, plus précisément encore, une organisation concentrique des populations en fonction de leur position dans leur cycle de vie (célibataire, couples sans enfant, couples avec enfant, ...) ? C’est du moins ce que semble montrer les deux graphiques qui suivent.

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Graphique 20 : Taille des ménages du centre vers la périphérie de Lyon en 1990.

Comme le montre le graphique ci-dessus, la taille des ménages est sensiblement plus importante en périphérie (autour de 3 personnes en moyenne), que dans la commune de Lyon (2,18).

La proportion de très jeunes enfants de 0 à 6 ans (Graphique 21, ci-dessous) est, également, beaucoup plus forte sur les marges de la ville, jusqu’à 35 kilomètres, que dans le coeur de l’agglomération lyonnaise.

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Graphique 21 : Part des 0-6 ans dans la population totale selon la distance à Lyon en 1990.

La lecture de ces deux graphiques nous permet, en définitive, de saisir la nature fondamentalement structurante des dynamiques migratoires. Loin de déconstruire la ville agglomérée, en la vidant progressivement de l’ensemble de sa population, mais aussi loin de la déstructurer, ces échanges de populations entre le centre et la périphérie semblent manifestement dessiner une structuration concentrique211 de la population urbaine en fonction de la taille du ménage ou du cycle de vie ou encore du statut familial.

Cette structuration est-elle si différente de ce qui avait pu être observé et analysé par le passé à l’intérieur même des agglomérations ? Depuis les années 1970, voire 1950, les recherches menées au travers de l’écologie urbaine factorielle212, pour ne citer qu’elles, n’avaient-elles pas déjà maintes fois montré que les agglomérations urbaines ont tendance à se structurer au plan socio-démographique en vertu de ce même schéma centre – périphérie ? N’avaient-elles pas déjà souligné qu’à chaque étape de la vie semble correspondre, plus ou moins, une localisation particulière dans la ville ?

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Schéma 1 : Statut familial et organisation intra-urbaine.

Sur la foi de ces quelques éléments, il apparaîtrait donc que les migrations résidentielles actuelles ne remettent pas en cause, du moins fondamentalement, l’ancienne organisation concentrique du système socio-spatial lyonnais. Il semble plutôt qu’elles la reproduisent, la pérennisent tout en l’étendant hors de l’agglomération dense. Ne pourrions-nous pas alors interpréter ces dynamiques comme un processus par lequel ce système socio-spatial s’étend, se dilate et déborde hors de son agglomération d’origine, pour englober, c’est-à-dire recouvrir et structurer, une aire élargie, en partie dense (au moins l’agglomération-mère) et en partie diffuse (les franges périurbaines) ?

Notes
211.

Cette structuration ne doit pas être entendue comme un organisation figée, mais bien comme une tendance relative par laquelle les individus semblent être amenés à occuper, au cours de leur vie, des positions différentes dans la ville.

212.

pour un rappel de l’écologie urbaine factorielle, le lecteur pourra se reporter à Bailly A et Begguin H., 1998 (1° édition 1982) et Rémond H., 1998.