2.2.1 La périphisation des activités : exurbanisation ou diffusion ?

En reprenant l’évolution de l’emploi de 1968 à 1990 (grille ternaire) mais en la détaillant par grands secteurs d’activités (industrie, services, et commerce) et par grandes zones géographiques213 ; en écartant également la question de la formation de nouvelles polarités périphériques sur laquelle nous reviendrons dans la troisième section de ce chapitre, nous pouvons constater que le développement fonctionnel de la grande périphérie lyonnaise ne renvoie pas toujours à un processus d’exurbanisation. Certaines activités ont eu nettement tendance à quitter l’hyper-centre au profit de la périphérie, quoique dans des proportions spatiales très variables. D’autres, en revanche, se sont diffusées, c’est-à-dire qu’elles se sont fortement développées dans des marges plus ou moins lointaines, sans pour autant décliner ni en valeurs brutes, ni en valeurs relatives dans le centre de la métropole.

Comme le montre la Carte (ci-dessous), les emplois industriels ont connu un très important mouvement d’exurbanisation. L’agglomération lyonnaise (Centre et banlieue proche), surtout, mais aussi Saint-Etienne, Villefranche et Vienne ont subi des pertes importantes en ce domaine, tandis que la grande périphérie lyonnaise et plus marginalement stéphanoise connaissait un essor conséquent.

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Carte 25 : Evolution de l'emploi industriel dans la RUL de 1968 à 1990.

Les emplois commerciaux (Carte , ci-dessous) ont connu une dynamique relativement similaire, mais relativement seulement. Les centres urbains en déclin sont beaucoup plus restreints au plan géographique qu’en matière industrielle. Ce n’est plus l’agglomération lyonnaise (centre et banlieue proche) qui décline, mais l’hyper-centre seulement (Lyon et Villeurbanne). Ce n’est plus toute la conurbation du charbon et de l’acier qui est en recul (Saint-Etienne, Saint-Chamond, Vallée du Gier), mais les agglomérations stéphanoise et de Saint-Chamond uniquement.

L’essor de l’emploi commercial est également beaucoup plus concentré et, en l’occurrence, tout autour de l’hyper-centre lyonnais. Il est extrêmement important dans la seconde couronne de banlieue de la métropole et dans la première couronne de franges périurbaines, c’est-à-dire dans les zones qui ont connu l’essor démographique le plus vif au cours de cette même période.

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Carte 26 : Evolution de l'emploi commercial dans la RUL de 1968 à 1990.

En matière commerciale, si l’exurbanisation est manifeste, le phénomène reste donc relativement limité au plan spatial et nous pouvons dire, en substance, que s’il prend sa source dans l’agglomération lyonnaise, c’est principalement pour alimenter les banlieues de cette même agglomération ou alors les périphéries immédiates.

Les emplois liés aux services (aux personnes et aux entreprises), pour leur part, n’ont pas connu un tel phénomène d’exurbanisation. Nous assistons ici (carte ci-dessous) à une croissance généralisée (aucune zone géographique n’enregistre de déclin en ce domaine). L’hyper-centre lyonnais et secondairement Saint-Etienne enregistrent même les gains les plus importants, du moins en valeurs brutes.

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Carte 27 : Evolution de l'emploi de service dans la RUL de 1968 à 1990.

En valeurs relatives (carte ci-dessous), c’est néanmoins la grande périphérie lyonnaise qui a bénéficié de l’essor le plus important ou, plus précisément encore, les secteurs qui ont aussi connu des croissances démographiques les plus conséquentes.

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Carte 28 : Evolution nette de l'emploi de service dans la RUL de 1968 à 1990.

Ces deux dernières cartes, en valeurs brutes et en valeurs relatives, semblent nous renvoyer, en définitive, à une croissance généralisée des emplois de service214, ainsi qu’à un certain effet de rattrapage des périphéries les plus soumises à l’afflux de nouvelles populations, mais en aucun cas à un déclin des centres urbains.

Ces premiers éléments ne nous amènent-ils pas à nuancer la nature et l’ampleur de la périphisation des activités au cours de ces dernières décennies ? Si l’évolution de l’emploi industriel semble accréditer la thèse d’une exurbanisation (déclin dans les agglomérations, développement hors agglomération), celle de l’emploi commercial n’indique-t-elle pas plutôt une simple déconcentration (rééquilibrage entre l’hyper-centre et les périphéries immédiates) et celle de l’emploi de service un essor généralisé, doublé d’un processus de diffusion (développement des services dans les périphéries en développement démographique) ? Toutes les catégories d’emplois ne tendent manifestement pas à quitter l’agglomération centrale, pour se re-localiser dans les franges périurbaines et ceci nous invite, en conséquence, à chercher à affiner notre appréciation en la matière.

Dans cette perspective, nous allons maintenant analyser la localisation des activités concourant d’une part, à la reproduction sociale et d’autre part, à la production. Nous utiliserons à cette fin des données extraites du fichier INSEE sur l’emploi salarié de droit privé.

Ce dernier nous donne le nombre d’emplois par zones géographiques et par secteurs d’activité (nomenclature des activités et des produits). Cette nomenclature est fondée sur la grille ternaire, ce qui en matière de services ne permet pas toujours de différencier avec précision ceux qui relèvent de la production, de ceux qui participent à la reproduction. En dépit de cette limite, ce fichier nous permettra cependant d’affiner notre analyse quant aux dynamiques spatio-fonctionnelle qui travaillent chacune de ces deux grandes sphères d’activité.

Notes
213.

Afin de pouvoir mener cette rapide étude sectorielle, il nous a fallu non seulement regrouper les secteurs d’activités, mais aussi les cantons INSEE en grandes zones géographiques. Nous avons réalisé ce regroupement de façon empirique, en vertu de notre connaissance de la RUL. Nous avons essayé, dans la mesure du possible, de former des groupes relativement cohérents de cantons. Une carte de repérage est disponible en annexe D.

214.

Et ce phénomène nous renvoie, à son tour à ce que nous avons souligné dans notre chapitre 1.