3.1.1 L’hyper-centre et le redéploiement des populations

Le graphique ci-dessous nous montre, en premier lieu, que le centre de la métropole a été en déclin tout au long de cette période. La zone répulsive s’est même élargie avec le temps et le pic d’attractivité s’est éloigné d’autant. Il se situait à 5 km en 1962-68, à 15 km en 1968-75 et à 25 km depuis.

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Graphique 25 : Répartition centre - périphérie des dynamiques migratoires de 1962 à 1990.

Au-delà de ces maximums, les taux déclinent nettement. Sur les deux dernières périodes intercensitaires, on observe seulement des relèvements secondaires à trente-cinq kilomètres et à cinquante-cinq kilomètres de Lyon ; le premier traduisant le développement de la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau, le second celui de la plaine du Forez.

A regarder plus précisément l’allure générale de ces différentes courbes, il apparaît, il est vrai, que leurs pentes ont eu tendance à prendre une allure plus convexe au cours de la période, ce qui pourrait traduire une indifférenciation des relocalisations par rapport à la métropole et, en cela, infirmer notre hypothèse. Il nous semble, cependant, que ce phénomène rend surtout compte de l’élargissement de l’aire de redistribution de la population lyonnaise et non pas véritablement d’une uniformisation des comportements démographiques, quelle que soit la distance à Lyon. Il s’avère d’ailleurs, par-delà les évolutions de modelé, que la décroissance des taux n’a pas fléchi sur les deux dernières périodes. En 1975-82, les taux chutent de 3,24 à vingt-cinq kilomètres de Lyon jusqu’à 0,34 à soixante kilomètres. En 1982-90, la baisse est tout aussi forte puisque l’on passe aux même distances de 2,37 à - 0,13.

L’élément le plus marquant est, somme toute, la dilatation progressive de la zone centrale répulsive et de la couronne périphérique attractive, ce qui donne, in fine, l’image d’une onde de propagation des populations sur des territoires de plus en plus lointains. Ce phénomène, cependant, n’est pas nouveau. En règle générale, la croissance lyonnaise s’est toujours effectuée ainsi au cours de ces deux derniers siècles.

Au milieu du XIX° siècle, par exemple, la croissance des faubourgs lyonnais (Vaise, Guillotière, Croix-Rousse) s’est conjuguée avec le déclin démographique relatif des quartiers anciens de la Presqu’île et du Vieux-Lyon. Entre 1876 et 1896, ce furent au tour des nouveaux quartiers de la rive gauche du Rhône (ancienne commune de la Guillotière) de connaître le développement le plus conséquent, tandis que le centre historique continuait à décliner légèrement et que la Croix-Rousse et Vaise entamaient déjà un déclin démographique relatif 217. A l’orée du nouveau siècle, ce furent les quartiers lyonnais les plus excentrés (Gerland, La Mouche, Monplaisir) et quelques communes de banlieue (Villeurbanne, Oullins) qui absorbèrent l’essentiel de l’essor démographique. Enfin, dès l’entre-deux-guerres, la zone centrale répulsive couvrait la quasi-totalité de la commune de Lyon alors que l’ensemble des communes de la première couronne de banlieue (Villeurbanne, Bron, Caluire, Oullins, Sainte-Foy-lès-Lyon, Saint-Fons, Vénissieux) connaissait un essor important. Cette double dilatation de la zone centrale répulsive et de la couronne périphérique attractive n’est donc pas un phénomène nouveau et il ne s’agit pas non plus, évidemment, d’une spécificité lyonnaise.

In fine, force est de constater que ce mécanisme par lequel se sont formés les faubourgs, puis les banlieues, n’a ni provoqué un affaiblissement du centre par rapport à la périphérie, ni remis en cause le principe de centralité. Ceci n’a généré qu’une dédensification relative des secteurs centraux tout en reproduisant sur les bordures externes de l’agglomération la structuration urbaine traditionnelle, à savoir le principe centre – périphérie. Du contact avec la ville préexistante jusqu’aux périphéries lointaines, les migrations résidentielles ne se sont-elles pas, de fait, distribuées selon un gradient décroissant ?

Aujourd’hui encore, les dynamiques migratoires dérogent-elles fondamentalement à cette règle ? La lecture du graphique ci-dessous semble manifestement répondre par la négative. Il apparaît en effet que l’exurbanisation des ménages au cours de ces dernières décennies a simplement provoqué une baisse des densités dans l’hyper-centre (11.191,7 habitants au Km² en 1962, contre 8.679,5 en 1990) et, en vis-à-vis, une densification de quatre à quinze kilomètres autour de Lyon.

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Graphique 26 : Densités de population de la RUL en 1962 et 1990.

La pente du gradient des densités s’en trouve moins marqué aujourd’hui que par le passé mais l’ordonnancement global des populations n’a pas été fondamentalement transformé. Les ménages se disposent toujours selon un schéma concentrique très classique.

Ceci nous amène, en conséquence, à penser que par-delà leur force et leur ampleur, les dynamiques migratoires respectent toujours et reproduisent encore le principe de centralité et, en d’autres termes, que si certaines catégories de ménages tendent à quitter l’agglomération lyonnaise, leur relocalisation semble malgré tout s’effectuer en fonction de cette dernière.

Notes
217.

p. 336, Bayard F. et Cayez P., 1990.