3.1.2 L’hyper-centre et le redéploiement des emplois

Si les migrations résidentielles ne se sont pas faites en dépit de l’hyper-centre lyonnais, il s’avère qu’il en est globalement de même en matière d’emploi. En traçant les taux de variation moyens annuels de l’emploi à des distances de plus en plus importantes de la commune de Lyon (graphique ci-dessous), nous apercevons que celui-ci a eu tendance à se développer dans des marges de plus en plus lointaines et, surtout, que cet essor périphérique a été de moins en moins concentré géographiquement.

Alors que durant les deux premières périodes intercensitaires, la croissance se concentrait aux abords immédiats de l’hyper-centre (à 15 km de Lyon), elle s’est dispersée par la suite de façon relativement homogène sur une large auréole allant de 10 à 30 km de la métropole. Ces premiers constats pourraient, évidemment, nous donner l’impression que, contrairement aux ménages, les dynamiques affectant l’emploi ne respectent plus véritablement le principe de centralité.

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Graphique 27 : Répartition centre - périphérie de l'évolution de l'emploi au lieu de travail de 1962 à 1990.

Mais ce n’est pas réellement le cas, car ce que retranscrit en premier lieu cet aplatissement des courbes, c’est la baisse très importante de la croissance de l’emploi à compter des années 1970. Celle-ci passa de 16,25% entre 1962 et 1975 à 7,21% de 1975 à 1990, soit une division par 2. Ce que marque en second lieu ce changement de forme des distributions, c’est le phénomène mis en relief dans le chapitre précédent, à savoir le développement de grandes zones d’activité périphériques où se fixent une partie seulement des activités, l’autre partie privilégiant toujours les banlieues métropolitaines.

De fait, le jeu des moyennes peut donner l’impression d’une tendance à la dispersion ou, pour le moins, d’une certaine indifférenciation par rapport au centre lyonnais, mais lorsqu’on observe leur impact final sur la répartition centre – périphérie de l’emploi, il s’avère que celle-ci est bien loin d’être perturbée. Le gradient des densités (graphique ci-dessous) est tout aussi marqué qu’en matière démographique, sinon plus encore. Sur trente ans, nous ne pouvons relever qu’une très légère décroissance dans l’hyper-centre et un développement entre 5 et 15 km, c’est-à-dire dans le prolongement direct de l’agglomération initiale.

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Graphique 28 : Densités d'emploi dans la RUL en 1962 et 1990.

A la lumière de ces quelques graphiques, il semblerait donc que les dynamiques en cours soient bien loin de remettre en cause l’ordonnancement centre – périphérie des populations et des emplois et, à travers cela, le principe de centralité qui structure traditionnellement nos villes. En l’espèce, l’hyper-centre lyonnais n’apparaît-il pas toujours et encore comme étant l’élément majeur en fonction de quoi se relocalisent les uns et les autres ? L’agglomération lyonnaise ne semble pas d’ailleurs être la seule ville française à bénéficier d’une telle pérennité de sa structuration centre - périphérie. D’après une recherche menée par Sandrine Berroir, ce serait l’ensemble des villes françaises de plus de 100.000 habitants qui ont connu une constance plus ou moins similaire au niveau de leur structuration interne.

‘« Le processus de dédensification des centres urbains et de déconcentration au bénéfice de périphéries de plus en plus lointaines ont bien caractérisé l’évolution des espaces urbains. Ces évolutions n’ont pas eu une ampleur telle que les équilibres généraux de la répartition des populations et des emplois dans la ville aient pu être remis en cause. On est loin du modèle de nébuleuse urbaine sans forme et surtout sans structure. Au-delà des formes héritées et sans cesse réinvesties, le desserrement contribue avant tout à un plus grand étalement de la ville autour du centre, ne remettant pas directement en cause sa structure monocentrique »218.’
Notes
218.

P. 185, Berroir Sandrine, 1996.