1.1.1 Belleville-sur-Saône : la reconversion exogène d’un centre industriel en centre de services220

Belleville-sur-Saône, au nord de Lyon, est une petite ville de 5.900 habitants dans un canton qui en compte 18.900221. Située à 39 km de la métropole, le long de l’axe Paris – Lyon, il s’agissait historiquement d’un petit centre industriel dominé par la métallurgie et la chaudronnerie.

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Carte 37 : Localisation de Belleville-sur-Saône.

Ici comme ailleurs, ce secteur a eu tendance à décliner ces dernières années. Alors qu’il constituait 52% de l’emploi dans la commune en 1968, il n’en représentait plus que 40% en 1990. Ce déclin risque de se poursuivre, car le dernier grand établissement de la commune (Etablissement Berthoud, construction de matériel agricole, 160 salariés) cherche actuellement un nouveau site de production. Si la mairie multiplie les propositions pour le retenir, la concurrence est cependant très forte en matière d’offre de terrain industriel et ce y compris avec les communes voisines.

Dans ce contexte de désindustrialisation lente mais constante, la population bellevilloise a eu tendance à vieillir et à stagner. Nombre de ses jeunes sont partis chercher du travail à Villefranche-sur-Saône, voire à Lyon et s’y sont installés. Le manque de terrain disponible pour édifier de nouveaux logements et la faiblesse de l’offre locative semblent également avoir contribué à ces départs.

A l’inverse de Belleville-sur-Saône, les autres communes du canton possèdent d’importantes réserves foncières et ont pu accueillir de nouvelles populations, relativement jeunes de surcroît. Même si la périurbanisation n’a fait longtemps qu’effleurer ce secteur très excentré par rapport à la métropole, le flux s’est fait plus massif au tournant des années 1990 et les constructions de maisons individuelles se sont multipliées notamment à Cercié, Drace et Lancie.

Une enquête menée dans le cadre du schéma régional de transport ne laisse que peu de doute quant à l’origine de ces nouvelles populations et aux conséquences que cela implique pour ce territoire. Elle souligne que le nombre de personnes qui utilisent chaque jour le train pour aller travailler à Lyon a fortement augmenté au cours des dernières années et nous pouvons raisonnablement penser que celles qui empruntent la route sont encore plus nombreuses. Les nouvelles populations sont, de fait, essentiellement originaires de Lyon, voire de Villefranche-sur-Saône et si elles emménagent dans la périphérie de Belleville-sur-Saône, elles continuent cependant de travailler au loin, généralement dans ou près de la métropole. L’essor démographique et la croissance de la mobilité quotidienne se renvoient ainsi l’une à l’autre pour signifier l’intégration de cet espace dans le fonctionnement quotidien de la métapole.

Les conséquences de cette intégration ne se résument pas, toutefois, à une revivification démographique assortie d’une laboro-dépendance accrue. En effet, la ville-centre a connu, dans le même temps, un important développement de son secteur tertiaire (celui-ci passe de 29% en 1968 à 50% en 1990 par rapport à l’emploi total) ou, plus précisément encore, de ses services aux ménages.

Durant ces toutes dernières années, nous pouvons relever, par exemple :

  • l’ouverture d’une maison du département, où est représenté l’ensemble des services du conseil général,

  • d’une maison de l’emploi ouverte tous les jours, regroupant ANPE, PAIO et permanence agricole, alors que ces différentes structures ne tenaient auparavant que quelques permanences hebdomadaires seulement,

  • d’une troisième agence d’intérim, ADECCO, qui vient se rajouter à Manpower et Synergie,

  • d’une nouvelle agence bancaire, le Crédit Mutuel, alors que le Crédit Lyonnais, le Crédit Agricole, la BNP et d’autres encore étaient déjà établies ici,

  • d’un lycée général et technologique (ouverture rentrée septembre 1999), qui devrait à terme desservir 61 communes et compter 1.600 élèves, alors qu’il n’existait auparavant qu’un lycée professionnel,

  • et enfin l’implantation de plusieurs médecins spécialistes : un psychiatre, un orthophoniste, un kinésithérapeute, un cardiologue, un centre de pédopsychiatrie, etc., qui viennent pour le moins étoffer considérablement les services médicaux préexistants, infirmières et médecins généralistes.

De fait, l’essentiel de cet essor s’est nourri d’un mouvement de délocalisation de services publics et parapublics produits par des acteurs supra-locaux (conseil général, rectorat, ANPE, etc.) et par la création de services privés ouverts par des professionnels originaires de Lyon et de Villefranche-sur-Saône.

Les acteurs locaux n’ont participé que très indirectement à ce développement. La municipalité, notamment, a bien sûr accueilli très favorablement et parfois même encouragé l’implantation de ces nouveaux services, mais elle n’en a pas créé directement. Nous pouvons certes relever l’existence d’une halte-garderie municipale, mais elle a été fondée plus de vingt-cinq ans en arrière. Nous pouvons noter plus globalement que l’effectif du personnel municipal est resté stable au cours de ces dernières années (80 personnes, dont 60 fonctionnaires et 20 auxiliaires).

La mairie de Belleville-sur-Saône a de fait laissé le soin à d’autres de fonder de nouveaux services, ce qui ne signifie pas qu’elle s’en soit désintéressée. Elle déploya d’ailleurs une stratégie de délégation relativement similaire lorsqu’il s’est agi de développer des contrats emploi solidarité (CES) sur la commune. Un agent municipal fut alors chargé de dresser la liste des organismes non-municipaux susceptibles d’en employer et, en moins d’un an de prospection, une quarantaine de contrats CES fut signée sur la commune par seize structures différentes : des associations et des établissements scolaires (collège, lycée et école primaire ... privé évidemment) ; la mairie continuant, pour sa part, à n’en employer que deux ou trois dans son service voirie, c’est-à-dire comme cantonnier.

Par un mouvement essentiellement exogène, les services aux ménages se sont donc fortement développés à Belleville-sur-Saône et cette dernière renforce même, in fine, sa position en la matière vis-à-vis des communes de sa proche périphérie. En 1968, la ville-centre détenait 44,97% des emplois tertiaires du canton. Elle en concentrait déjà 56,57% en 1990.

Somme toute, dans ce secteur, l’intégration métapolitaine semble avoir conjugué dépendance accrue en matière d’emploi vis-à-vis de Lyon et renforcement fonctionnel de la ville-centre en tant que pôle dispensant des services aux ménages. En termes plus imagés, nous pourrions dire encore que l’absorption dans le bassin d’emploi de Lyon a été paradoxalement de pair avec un renforcement de l’emprise de Belleville-sur-Saône sur son bassin de vie.

Notes
220.

Monographie réalisée à partir d’entretiens auprès du secrétaire général de la mairie de Belleville, M. Joos, du président de l’association des commerçants, M. Marais et d’un agent municipal attaché à la maison de l’emploi, Mme Arpin.

221.

Source : INSEE – RGP 1990.