1.1.2 Mornant : la mutation d’un bourg rural en centre de service périurbain portée par la société locale222

Mornant est une commune de 4.000 habitants, dans un canton qui en dénombre 17.000223. Situé à 20 kilomètres au sud-ouest de Lyon, à mi-chemin de Saint-Etienne, il s’agissait naguère d’un bourg rural traditionnel, dominé par l’agriculture. Sa vocation principale était d’être un marché paysan local et de dispenser des services de première nécessité aux populations résidant dans sa périphérie immédiate. Echelon de base de l’encadrement territorial, l’industrie n’occupait et n’occupe toujours qu’une place mineure dans son économie. Toutefois, contrairement aux tendances générales, ce bourg a vu ses fonctions productives se développer légèrement ces dernières années. En 1968, le secteur secondaire ne représentait que 14% de l’emploi de la commune. Il en constituait 17% en 1990.

La plupart des entreprises industrielles sont installées dans une zone d’activités située en dehors du bourg. Gérée par une communauté de communes, qui a succédé depuis 1996 à un SIVOM, celle-ci n’est de fait guère spécialisée. Elle accueille au tout venant, tous ceux et celles qui veulent bien s’y installer : BTP, transport, conditionnement de volaille, chaudronnerie, quincaillerie, etc. Hors de cette zone, on ne trouve qu’un abattoir porcin et dans le bourg un peu d’artisanat.

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Carte 38 : Localisation de Mornant.

L’ensemble de ce canton a été travaillé très tôt par la périurbanisation. Dès 1968, des ménages, essentiellement d’origine lyonnaise, ont commencé à affluer dans la commune-centre et sur le reste du secteur. Ce flux s’est maintenu jusqu’à nos jours et entre 1990 et 1996 (estimation de la municipalité), la population de Mornant a encore augmenté de 14%.

Les nouveaux venus sont généralement des familles avec enfants, mais aussi parfois de jeunes couples. Les retraités ne participent, de fait, que très marginalement à cet apport de populations extérieures. Ici comme ailleurs, les immigrants ont fait généralement construire une maison individuelle, associant ainsi périurbanisation et accession à la propriété. Ceci donna lieu à la multiplication de petits lotissements de 2 à 3 jusqu’à 25 maisons maximum.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des terrains disponibles dans la commune de Mornant a été investie. Il ne reste plus que quelques zones NA non équipées. La pression foncière existe pourtant toujours et la municipalité envisage, en conséquence, d’en équiper certaines. Pour l’heure, cependant, la possibilité d’accueillir des populations supplémentaires semble sinon compromise, du moins plus limitée que par le passé.

Cela ne signifie pas, toutefois, que le flux périurbain doive se tarir, car il existe une rotation des ménages et du marché immobilier relativement forte. En effet, si les personnes, qui emménagent à Mornant achètent généralement leur maison, cela n’implique pas qu’elles s’y installent définitivement. Beaucoup sont conduites à déménager et à revendre par la suite, au gré des mutations professionnelles. Ainsi, par exemple, dans le secteur de la Condamine, sur les 120 maisons qui ont été construites entre 1975 et 1980, la plupart ont déjà changé de propriétaires ou bien sont actuellement en vente.

Le niveau de revenu de ces populations migrantes est loin d’être toujours très élevé. Pour payer les traites de la maison, les deux parents doivent le plus souvent travailler et, en règle générale, leur emploi ne se situe ni dans le bourg, ni dans la petite zone d’activité située à côté. Il apparaît du reste que l’essentiel des personnes qui travaillent dans cette dernière habitent dans d’autres secteurs géographiques, parfois même à Lyon.

La plupart des nouveaux mornantais travaillent, en réalité, à Lyon, voire à Givors ou plus rarement à Saint-Etienne. Les migrations alternantes ont ainsi augmenté à mesure de l’arrivée des périurbains et ce bourg-centre, comme le reste du canton, s’est trouvé intégré dans l’aire de fonctionnement de la métropole lyonnaise.

Essor démographique, léger renforcement des fonctions productives et laboro-dépendance accrue, telles pourraient être les conséquences majeures de l’intégration métapolitaine à Mornant. Mais il en manque encore une dernière : l’essor des services aux ménages à mesure qu’affluaient les périurbains lyonnais.

Le secteur tertiaire représentait, en effet, 63% de l’emploi à Mornant en 1990, contre seulement 41% en 1968. Cet essor global, essentiellement dû au tertiaire domestique, masque cependant une évolution contrastée entre le commerce et les services stricto sensu. Le commerce s’en trouve relativement fragilisé, si ce n’est même en recul. Le secteur alimentaire stagne malgré la croissance de la population, tandis que le secteur non-alimentaire décline. La concurrence de Carrefour – Givors, tout proche, se fait ici durement sentir.

Les services, en revanche, sont en plein développement. Deux nouvelles agences immobilières, une maison du département, un opticien, une auto-école, une nouvelle pharmacie, deux assureurs ... ont ouvert leurs portes dans le bourg-centre au cours des deux ou trois dernières années. Ils viennent renforcer une offre de services, certes basiques, mais relativement diversifiées : médecins généralistes, kinésithérapeutes, infirmières, laboratoire d’analyse médicale, dentiste, ainsi qu’un magasin d’électroménager (qui est également ou surtout dépositaire canal +, installateur d’antennes satellites et réparateurs de matériels audio et vidéo) ou encore un magasin de sport (qui fait une part non négligeable de son chiffre d’affaires sur la location de matériel et, notamment, de VTT).

Somme toute, les services médicaux et paramédicaux sont très présents dans l’offre désormais disponible à Mornant. Mais ce n’est pas le seul secteur pour lequel ce bourg-centre est très bien achalandé. Les services à l’enfance et à la jeunesse sont également pour le moins étoffés. Outre plus de 120 places de garde à temps complet proposées par les 42 assistantes maternelles agréées que compte la commune224, la petite enfance (enfants de 0 à 3 ans) peut aussi être prise en charge de façon intermittente par deux haltes-garderies. L’une, associative, a été créée en 1988 et propose 20 places ; l’autre parentale date de 1996 et dispose de 12 places. Ceci fait au total une capacité d’accueil de 152 places, alors que le bourg-centre ne comptait, en 1990, qu’un peu plus de 80 enfants de moins de 3 ans225. A l’évidence cette offre n’est pas uniquement destinée à la population municipale, mais plus globalement à l’ensemble des communes du secteur.

Mornant dispose également, pour les enfants en âge scolaire, d’une école publique maternelle (5 classes) et primaire (12 classes), doublée, comme d’ordinaire, d’une école privée maternelle (3 classes) et primaire (5 classes). Parce que les rythmes scolaires ne sont pas ajustés aux horaires de travail des parents, un restaurant municipal est susceptible d’accueillir les enfants pour le déjeuner (qu’ils soient scolarisés à l’école publique ou privée), une garderie périscolaire, officiellement ouverte en 1992, peut les prendre en charge avant et après la classe et, enfin, un centre de loisirs sans hébergement (CLSH, ancien centre aéré) peut, depuis 1997, les distraire pendant les vacances scolaires.

Deux collèges, l’un public (600 élèves), l’autre privé (200 élèves), sont aussi proposés aux plus âgés et, de nouveau, une cantine et un CLSH peuvent les accueillir à midi et pendant les vacances. Enfin, si Mornant ne dispose pas de lycée, un bureau d’information jeunesse existe cependant afin de les aider dans leur orientation et dans leur recherche d’un premier emploi.

A la différence de Belleville-sur-Saône, le développement de ces nouveaux services n’est pas uniquement l’oeuvre d’acteurs exogènes. Nombre de services privés ont été créés par des personnes originaires de Mornant ou de sa proche région (jusqu’à Givors). La nouvelle pharmacie, par exemple, a été ouverte par la famille qui tenait déjà la première. La nouvelle auto-école, autre exemple, est une succursale d’une PME givordine. Quant à l’essor des services parapublics, ils sont essentiellement l’oeuvre de populations qui habitaient déjà à Mornant, depuis toujours ou depuis un temps seulement. Les activités pré, péri et extra-scolaires (CLSH, cantines, garderies, etc.) sont le plus souvent gérées par des associations locales et partiellement financées par la municipalité.

Sans vouloir aucunement laisser penser que l’essor de la reproduction sociale simple correspond à Mornant à un développement endogène, ces quelques exemples nous permettent simplement de souligner que le processus de tertiairisation relativement semblable à Mornant et Bellevile-sur-Saône a été néanmoins porté par des acteurs sensiblement différents ou, du moins, qu’il a été promu, selon l’endroit, par un jeu d’acteurs relativement spécifique. Par-delà les cheminements singuliers, cette tertiairisation aboutit néanmoins dans les deux cas à un renforcement du noyau urbain en tant que centre de services aux ménages.

La domination de Mornant en matière de services sur sa périphérie immédiate semble cependant plus faible que dans l’exemple précédent, du moins si l’on en juge à travers l’emploi. En 1968, Mornant détenait 30,89% de l’emploi tertiaire du canton, contre 32,6% en 1990. La concentration de ce type d’emplois dans le bourg-centre ne s’accentue donc que légèrement. Nous sommes de fait très loin des niveaux atteints à Belleville-sur-Saône.

Notes
222.

Monographie réalisée à partir d’entretiens auprès du secrétaire général de la mairie de Mornant (M.Grataloup), du président de l’union des commerçants et artisans de Mornant, M. Dutel, d’une responsable du bureau information jeunesse (relais ANPE et PAIO), Mme Flon et de l’adjointe au maire chargée des affaires sociales, Mme Morelon.

223.

Source : INSEE – RGP 1990.

224.

source : PMI – 31-12-1996.

225.

Source : INSEE – RGP 1990 : estimation par sondage globalement validée par les responsables municipaux rencontrés.