1.2.3 L’évolution fonctionnelle de la hiérarchie urbaine de la RUL : esquisse d’une typologie
Si nous reprenons maintenant les enseignements tirés de la grille ternaire et de la grille STRATES, nous pouvons esquisser une lecture de la spécialisation fonctionnelle des différents niveaux de cette hiérarchie urbaine (annexe G). Globalement, cela semble indiquer une très nette hiérarchisation fonctionnelle entre les villes de la RUL.
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La métropole semble renforcer sa position d’organisatrice de la production et des échanges à l’échelle régionale (sur-représentation des emplois de circulation et d’intermédiation), ainsi que son rôle d’encadrement de haut niveau des populations (importance de la reproduction sociale élargie). Enfin, même si l’on note une certaine baisse des emplois industriels (PBMIN) durant la dernière période intercensitaire, l’agglomération lyonnaise, ici ses banlieues, conserve un poids très important en tant que centre de production concrète.
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L’agglomération stéphanoise, quant à elle, est bien en mal de disputer les fonctions supérieures de la sphère productive à la métropole rhodanienne. Même si les services économiques et financiers aux entreprises ont connu une croissance certaine au cours de ces trente dernières années, Saint-Etienne reste encore essentiellement un centre de production industrielle, qui plus est en déclin comme nous avons pu le voir plus haut. Elle ne développe des fonctions de hauts niveaux qu’en matière de services aux ménages (reproduction sociale élargie), secteur où elle possède un profil relativement similaire à l’agglomération lyonnaise. Prise dans cette distorsion entre production et reproduction sociale, l’agglomération stéphanoise nous apparaît, en somme, comme un centre de production industriel sans grande fonction de haut niveau en la matière, mais aussi comme un centre d’encadrement de la population d’un niveau relativement important, ce qui la place, à notre sens, dans une situation relativement ambivalente.
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Malgré le développement des services aux entreprises, les villes moyennes restent tout comme Saint-Etienne, avant tout et surtout, des centres de production industrielle. Mais à la différence de l’agglomération stéphanoise, elles ne réussissent pas pour l’instant à se distinguer en tant que centre supérieur de services aux ménages. Elles ne développent que des services basiques produits par les secteurs publics mais aussi privés. L’importance de ce dernier secteur les distingue cependant des niveaux subalternes de la hiérarchie urbaine, et indique qu’elles sont à même de proposer une gamme sans doute plus large de services aux ménages, même si cette gamme reste composée de services relativement basiques.
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Les bourgs et les petites villes, enfin, ont des profils relativement similaires. Dans la sphère de la production, ils sont essentiellement tournés vers l’industrie et la production agricole (PBMAG). Le seul élément à même de les différencier est l’importance relative de la logistique (PCIFL) dans les petites villes, que l’on ne retrouve pas dans les bourgs. En ce qui concerne les services aux ménages, la concordance est encore plus importante. Ces deux niveaux de base de la hiérarchie urbaine sont nettement spécialisés dans la reproduction sociale simple produite par le secteur public. Les bourgs et les petites villes apparaissent, en définitive, comme étant essentiellement des centres de production relativement polyvalents (agricole et industriel) ainsi que des centres de service aux ménages basiques et limités.
Cette analyse de l’emploi nous a permis, en somme, de relever que la tertiairisation globale de l’emploi est en réalité une tertiairisation duale, telle que nous avions déjà pu l’apercevoir dans notre premier chapitre. Tout l’intérêt de cette section cependant est de nous montrer que cette double montée en puissance des services est portée par des acteurs sensiblement différents selon le cas, et qu’elle affecte la hiérarchie urbaine en des sens nettement divergeants.
Les services aux entreprises et aux ménages de haut niveau semble se concentrer respectivement dans la seule métropole ou dans cette dernière adjointe de l’agglomération stéphanoise.
Ce mouvement centripète principalement porté par des acteurs privés s’oppose manifestement à un mouvement de diffusion des services de base aux ménages et de manière plus limitée aux entreprises. La diffusion de ces services aux ménages, de cette reproduction sociale simple semble manifestement promue avant tout et surtout par la puissance publique, soit directement, soit indirectement.
Tableau 13 : Les spécialisations fonctionnelles des différents niveaux de la hiérarchie urbaine à travers l’emploi
Niveau de la hiérarchie urbaine
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Sphère de la production
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Sphère de la reproduction sociale
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Lyon |
Centre d’organisation de la production et des échanges |
Centre d’encadrement social de très haut niveau |
Saint-Etienne |
Centre de production industrielle |
Centre d’encadrement social de haut niveau |
Villes moyennes |
Centre de production industrielle |
Centre de services de base –
gamme étendue |
Bourgs et petites villes |
Centre de production polyvalent |
Centre de services de bases –
gamme restreinte |