Les trente-six autres agglomérations, qui ont connu un essor ces trente dernières années, sont uniquement composées de petites villes isolées et de bourgs. Elles ont bénéficié d’une croissance plus modeste en valeur absolue, mais néanmoins importante en valeur relative : de 8,48% à 711,99%. La carte 42, page 226, souligne une différence très nette entre les agglomérations situées le long des grandes voies de communication (l’Isle-d’Abeau, Meximieux, Jonage, etc.) et celles plus enclavées (Saint-Symphorien-sur-Coise) ou encore, en marge de cette région (Montalieu-Vercieu, Thoissey, Les Avenières, Saint-Jean-de-Bournay, ...).
Ce sont bien évidemment les premières qui ont bénéficié de l’essor démographique le plus important.
Pour aller plus avant dans la compréhension des facteurs ayant pu influer sur le développement de ces niveaux de base de l’armature urbaine, une analyse statistique multivariée s’avère nécessaire, car le nombre de ces villes, leur dispersion géographique et l’intensité variable de leur croissance rend difficile l’approche empirique. Le premier problème est ici de déterminer les facteurs qui ont pu, a priori, influer sur leur développement.
Nous avons retenu, en premier lieu, leur population initiale en 1962. Si nous nous référons au modèle gravitationnel classique, nous pouvons en effet postuler que le développement démographique d’une agglomération sera induit, en partie du moins, par sa capacité pré-acquise à polariser de nouvelles populations. Plus une ville est importante, plus son développement est susceptible d’être important en valeurs brutes.
Nous avons retenu, en second lieu, la distance à la métropole. Dans le cadre du modèle des places centrales, la croissance de chaque ville devrait varier proportionnellement à leur distance à la ville primatiale, ce qui signifie, en d’autres termes, que plus une ville est éloignée de la métropole, plus son essor devrait être important.
Ne pouvant négliger, enfin, la montée globale de la mobilité quotidienne, nous avons également retenu la distance de chaque ville à l’autoroute. Nous pouvons postuler ici que l’évolution démographique de chaque ville devrait varier inversement proportionnellement à sa distance à l’autoroute. Plus une unité urbaine est loin de l’autoroute, moins son développement devrait être important.
Une première analyse des corrélations révèle pourtant qu’aucun de ces trois facteurs n’a de lien significatif avec l’évolution démographique de ces bourgs et petites villes.
Evolution démographique 1962-1990 | |
Distance à l'autoroute | -0,505 |
Distance à Lyon | -0,310 |
Population en 1962 | 0,247 |
Nous pouvons toutefois nous demander si ce ne serait pas plutôt conjointement que ces facteurs influent sur l’essor de ces villes et non pas individuellement. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons réalisé une régression multiple. Comme le montre le tableau ci-dessous, un lien statistique significatif (F calculé > F théorique) apparaît alors, mais il n’explique que pour une faible part l’évolution démographique de ces unités urbaines (48,22%).
Coefficient de régression multiple (R) | 0,69 |
Coefficient de détermination (R²) | 48,22% |
F calculé | 9,94 |
Seuil de significativité (F théorique) | 3,3 |
Une analyse des résidus de cette régression permet de constater que seules neuf agglomérations s’écartent très nettement de ce modèle général. Ce sont elles, de fait, qui font fortement baisser l’intensité de la liaison entre l’évolution démographique des agglomérations et ces trois régresseurs. Sans vouloir aucunement épuiser le sujet des causes possibles ou probables de leur sur- ou sous-développement démographique par rapport à ce que laissait présager la régression, nous pouvons cependant esquisser quelques éléments sinon d’explication, du moins d’information.
Trois d’entre elles (Thoissey, Saint-Georges-de-Reneins et Saint-Germain-au-Mont-d’Or) ont eu une croissance nettement inférieure à ce qu’aurait pu laisser envisager le modèle. La première est nettement en périphérie de RUL, quelque peu enclavée dans le nord de l’Ain, ce qui a pu limiter son développement. La seconde se situe dans le val de Saône entre la ville moyenne de Villefranche-sur-Saône, un peu au sud, et la petite ville de Belleville-sur-Saône, un peu au nord, ce qui a pu également jouer. La dernière, enfin, se situe dans les belles périphéries lyonnaises et son relatif sous-développement pourrait résulter de sa topographie montagneuse (manque de terrain constructible), mais aussi de choix politiques locaux visant à limiter l’essor démographique de la ville (blocage du POS) ou encore, bien sûr, de prix fonciers élevés.
Six autres agglomérations (Morestel, l’Isle-d’Abeau Lagnieu, Meximieux, Jonage, Villars-les-Dombes) ont bénéficié, à l’inverse, d’un développement nettement plus important que ne l’aurait laissé supposer la régression multiple. Les cinq premières se situent à proximité immédiate de grandes zones d’activité. De plus, l’Isle-d’Abeau fait partie de la ville nouvelle et on y a favorisé à ce titre le développement démographique. Seule Villars-les-Dombes échappe à la règle, mais elle se trouve dans un espace intensément soumis au déversement périurbain lyonnais au cours de ces dernières décennies. Contextes locaux, proximité des grandes zones d’activités, ou encore attrait pour ces villes, les motifs ne manquent pas pour expliquer, au moins en partie, les raisons de cette vigoureuse croissance démographique. Ils ne manquent pas non plus, à l’inverse, pour éclairer le sous-développement relatif des trois autres agglomérations. Notre objectif n’étant pas d’expliquer le parcours singulier de telle ou telle unité urbaine mais de tenter de cerner les tendances globales, nous ne nous attarderons pas davantage sur ces quelques exceptions.
Car il s’agit bien de cas exceptionnels. Si neuf agglomérations s’écartent du modèle, vingt-sept autres en sont extrêmement proches. Si nous recalculons une régression multiple sur ces dernières villes seulement, nous obtenons un coefficient de corrélation multiple de 0,91.
Coefficient de régression multiple (R) | 0,91 |
Coefficient de détermination (R²) | 83,54% |
F calculé | 38,91 |
Seuil de significativité (F théorique) | 3,03 |
Y = -79,66 X1 - 3,67 X2 + 0,24 X3 + 3317,77 Y = évolution de la population X1 = Distance à l’autoroute X2 = Distance à Lyon X3 = Population en 1962 |
Nous pouvons voir ici que l’essor de ces vingt-sept bourgs et petites villes s’explique à 83,54 % par l’équation ci-dessus. Si nous effectuons, enfin, un test de Fisher-Snedecor sur chaque régresseur233, nous pouvons établir que cette régression est significative non seulement dans son ensemble, mais aussi dans chacun de ses éléments. Chaque facteur explicatif entretient bien un lien significatif avec l’évolution démographique de ces villes234.
Distance à l'autoroute | Distance à Lyon | Population en 1962 | |
Distance à l'autoroute | 1 | ||
Distance à Lyon | -0,12 | 1 | |
Population en 1962 | -0,07 | 0,25 | 1 |
Comme le montre la matrice des corrélations ci-dessus, ces régresseurs sont quasiment indépendants les uns vis-à-vis des autres235 et nous pouvons, en conséquence, calculer la part de chacun au sein de notre modèle, c’est-à-dire déterminer leur contribution ou leur pouvoir explicatif propre au sein de ce modèle général. En d’autres termes encore, cela nous permet de déterminer la part d’information amenée par chacun de ces facteurs dans l’équation de la régression multiple. Nous devons pour cela simplement relativiser le coefficient attribué à chaque régresseur dans l’équation de corrélation multiple avec les écarts-types, selon la formule suivante :
x = ax . (x / y)
où
x = pouvoir explicatif d’un régresseur
x = écart-type de ce facteur
y = écart-type de l’évolution de la population
ax = coefficient de ce régresseur dans l’équation de corrélation multiple
En opérant ce rapide calcul, il apparaît alors que la distance à l’autoroute intervient à 39,2% dans cette régression, la proximité de Lyon pour 28,45% et la population initiale à 33,75%236. Il n’existe donc qu’une légère hiérarchie entre ces facteurs : le principal étant la distance à l’autoroute, puis la population initiale et enfin l’éloignement de Lyon. Le signe affecté à chaque coefficient nous indique de plus que la croissance de ces bourgs et de ces petites villes a été inversement proportionnelle à la distance qui les sépare de l’autoroute et de la métropole, et proportionnel à leur poids démographique en 1962.
En ce qui concerne la proximité à l’autoroute et à leur taille initiale, ces résultats sont donc conformes à ce que nous attendions. Leur développement est effectivement partiellement lié à la mobilité quotidienne et à leur capacité préacquise à polariser de nouvelles populations. Pour la distance à la métropole, en revanche, le résultat obtenu est à l’inverse de ce que nous attendions. Contrairement à ce qu’aurait pu laisser penser la théorie des places centrales, la croissance de ces villes fut d’autant plus forte qu’elles étaient proches de Lyon.
F partiel (F de chaque régresseur) > F théorique.
Le F partiel de la distance à l’autoroute, de la distance à Lyon et de la population en 1962 est respectivement de 53,9, 37 et 44,23. Il est donc systématiquement supérieur au F théorique (3,03), ce qui signifie que chacun de ces régresseurs est significatif.
Coefficient de corrélation proche de 0.
Le total global dépasse un légèrement les 100% car il existe une légère redondance entre les facteurs.