1.3 Déclin d’une pratique

A la fin du XIX° siècle, environ 10% des enfants étaient confiées à des nourrices au niveau national, mais avec des différences très importantes selon les villes et les régions (tableau ci-dessous) ; Lyon étant l’endroit où le phénomène semble avoir été le plus important.

Tableau 21 : Proportion d’enfants placés en nourrice en 1897 dans quelques villes françaises
Villes % d’enfants placés auprès de nourrices à emporter
Paris 33
Lyon 47
Saint-Etienne 21
Marseille 17
Nantes 25
Le Havre 19
Toulouse 13
Moyenne France 10
Source : Rollet-Echalier C., 1990

Dès le tournant du siècle, le nombre de nourrices, tant à emporter que sur lieu, a rapidement baissé sur l’ensemble du pays. Durant l’entre-deux-guerres, il était devenu insignifiant. Dans le département de la Seine, par exemple, la proportion d’enfants confiés à des nourrices à emporter passa de 31% en 1901-1905, à 7% en 1935274 ; le nombre de nourrices sur lieu de 5.496 en 1891-1895, à 11 seulement en 1931-1935275. Ce déclin d’importance trouve son origine dans une double baisse de la demande et de l’offre de garde.

Au niveau de l’offre de service, la première guerre mondiale fut une véritable cassure. Les femmes des zones rurales, qui constituaient l’essentiel des nourrices, durent remplacer les hommes dans les travaux des champs, non seulement pendant la guerre, mais aussi après du fait de l’hécatombe qui s’était produite. En outre, les prix des produits agricoles eurent tendance à monter et le travail de la terre assura désormais un revenu supérieur à celui du commerce nourricier. Le nombre de femmes prêtes à devenir nourrices devint, en conséquence, beaucoup plus faible qu’auparavant.

Le nombre de femmes ayant besoin d’une nourrice devint également moins important. La proportion de femmes actives baissa, leurs conditions de travail se transforma sensiblement et le progrès scientifique fit disparaître l’obligation d’un allaitement mercenaire en substitution de la mère.

Ces évolutions de l’offre, de la demande et des techniques d’alimentation des nouveau-nés se sont, en somme, cumulées et ont provoqué la fin rapide du commerce nourricier dans sa forme traditionnelle ainsi qu’une baisse importante du nombre d’enfants gardés hors du cercle familial. Ceux qui continueront à être confiés à des tiers le seront alors à des bonnes d’enfant ou nurses dans les milieux aisés et à des nourrices de jour, plus marginalement, des crèches dans les milieux populaires.

Notes
274.

p. 509, Rollet-Echalier C., 1990.

275.

p. 513, Rollet-Echalier C., 1990.

276.

p. 14, Guelaud-Léridon F, 1964.

277.

Loi du 23-4-1919.

278.

Technique de stérilisation du lait mis au point en 1892 par les Dr Budin et Roux.

279.

Autour de 1900 et à travers différentes techniques et appellation (lait maternisé, humanisé ou encore prédigéré).

280.

p. 506, Rollet-Echalier C., 1990.