Si la croissance et la diversification des besoins en modes de garde résultent en premier lieu de l’intégration des mères dans le marché du travail et des formes d’emploi qu’elles occupent, ce phénomène est aussi lié aux mutations urbaines en tant que telles. Le redéploiement des familles jusque dans des périphéries lointaines333 a provoqué un éclatement spatial de la demande en modes de garde. Traditionnellement regroupée dans les agglomérations urbaines, ces besoins se sont re-déployés, voire dispersés sur l’ensemble de la région urbaine : notamment dans les franges périurbaines.
Comme nous l’avons vu, la périurbanisation des ménages a essentiellement été le fait de jeunes couples avec enfants. Elle a eu pour conséquence d’engendrer une importante déconcentration des moins de 3 ans. De 1968 à 1990, leur nombre (graphique ci-dessous) a chuté de près d’un quart (24.34%) dans le centre de l’agglomération (Lyon et les communes limitrophes), tandis qu’il augmentait de 15,82% entre 10 et 20 Km du coeur de la métropole.
Ce phénomène est même plus important que ne le laisse envisager le graphique ci-dessus. Les familles périurbaines ayant eu une certaine propension à s’éparpiller dans de petits lotissements, les enfants de moins de 3 ans ont eu mécaniquement tendance à se disperser dans les secteurs diffus des périphéries urbaines et pas seulement à se déconcentrer légèrement.
Si le redéploiement urbain a provoqué une relative dispersion de la population concernée par les modes de garde, il a également engendré une amplification des besoins en la matière.
La périurbanisation s’accompagne en effet, fréquemment de l’accession à la propriété. Or une des conditions nécessaire à cette accession est souvent la double activité du ménage. La conséquence obligée de cette double activité est alors la nécessité de faire garder les enfants durant la journée. Plus que d’autres, en valeur relative, les enfants de périurbains ont besoin de modes de garde, d’autant que dans ces secteurs périphériques, leurs parents peuvent très rarement mobiliser des solidarités familiales. Récemment installés dans ces communes, leur chance d’habiter non loin d’un membre de leur famille susceptible de garder leur enfant est sinon nul, du moins dérisoire. Le modèle de la famille nucléaire prédomine ici plus encore que dans les agglomérations et les modes de garde sont souvent le seul recours possible à qui confier son enfant.
Les dynamiques urbaines ont enfin eu tendance à amplifier les besoins de garde au niveau temporel : le temps durant lequel les enfants doivent être gardés est de plus en plus important. En effet, la montée de la mobilité quotidienne même si elle doit être relativisée334, ne se calcule pas seulement en distance ou en coût. Elle se chiffre également en temps. En l’occurrence, cette croissance des déplacements a induit une augmentation notable du temps passé dans les trajets, ce qui a eu une incidence forte sur les plages horaires durant lesquels les parents ont besoin de faire garder leurs enfants. Plus tôt le matin, plus tard le soir, la demande va clairement dans le sens d’un accroissement des horaires d’ouverture et du temps de prise en charge.
Somme toute, les modes de garde sont un assez bon reflet quant aux conséquences de la métapolisation sur l’ensemble de la sphère de la reproduction sociale simple.
Un certain nombre de ces services, dont les modes de garde, n’était toutefois présent que dans les agglomérations, voire dans les plus importantes d’entre elles : services de santé spécialisés (psychologue, psychiatre, kinésie respiratoire, pédiatrie, etc.), services à l’enfance élaborés (école de musique, centres de loisir, etc.), etc.
Comme en matière d’emploi ou de commerce, la métapolisation a conduit, en somme, à une croissance inéluctable des distances entre les services et leurs usagers. A priori, elle tend ici aussi à remettre en cause le principe de proximité335.
L’essor du temps passé chaque jour dans les trajets a pour conséquence obligée d’amputer des journées qui elles, sont par nature à durée limitée.
Or, ces services servent soit à décharger les parents de certaines tâches pendant qu’ils sont occupés (garder des enfants, faire les courses, le ménage, etc.), soit à satisfaire des besoins de la famille qui ne peuvent être satisfait que par un contact physique avec le prestataire (les soins notamment).
De fait, toute modification du temps libre quotidien des ménages peut avoir une incidence soit sur le volume horaire global de leurs besoins, soit sur les créneaux horaires durant lesquels ils pourront et chercheront à accéder à ces services.
L’ouverture tard le soir des grandes surfaces et des petits épiciers de quartier ne répond-elle pas d’ailleurs à cette nécessité de s’adapter aux horaires des ménages ?
voir chapitre 3.
Massot M.H., 1999.
Remy J. et Voyé L., 1992.