3.3.2 Une articulation entre systèmes d’emploi

Cette polyvalence, cependant, a souvent eu pour corollaire une baisse relative du niveau de qualification et/ou de rémunération du personnel employé.

En matière de mode de garde, ceci est particulièrement sensible. Le développement des CES dans les structures collectives va clairement dans ce sens. Il en est de même pour les assistantes maternelles. Alors que depuis les années 1960 la tendance était à la professionnalisation et à la hausse des rémunérations, elle est plutôt aujourd’hui à l’inverse. A cause de l’abondance de places y compris désormais dans les périphéries urbaines, les nourrices libérales sont plus que jamais payées au minimum légal, même s’il existe fort heureusement des exceptions à la règle. La substitution des crèches familiales par des relais assistantes maternelles leur fait perdre aussi toute possibilité d’évolution de salaire. Les crèches familiales étaient en effet les seules structures où l’ancienneté dans la profession pouvait être prise en compte.

Somme toute, la diffusion des modes de garde et plus globalement des services aux personnes publics et parapublics, qui se nourrit tant de CES et de polyvalence accrue, a souvent induit une transformation sensible des systèmes d’emploi des salariés qui y travaillent. Or à mesure de leur diffusion, ces services ont eu à satisfaire les besoins d’une population de plus en plus homogène et particulière socialement : les périurbains.

Le décalage entre utilisateurs et prestataires de service existe aussi dans les agglomérations, mais il prend une toute autre dimension dans les secteurs périurbains.

  • Dans ces périphéries urbaines, les populations qui ont recours aux modes de garde sont essentiellement ceux que l'on désigne sous le terme de périurbain, avec toutes les différences qui peuvent exister entre eux : population d'origine urbaine, employée à plein temps sous contrat à durée indéterminée, largement mobile et résidant dans une maison individuelle dont ils sont propriétaires.

  • Dans ces mêmes périphéries urbaines, les personnes qui travaillent dans les modes de garde ont, pour leur part, un profil très différent. Le profil type que nous avons rencontré, est généralement le suivant : population d'origine locale (directement de la commune ou alors des zones rurales à proximité), essentiellement féminine, travaillant souvent à temps partiel, dans un nombre non négligeable de cas avec un contrat précaire (CES) ou un salaire réduit (assistantes maternelles), résidant dans la commune où elle travaille ou à proximité immédiate, parfois locataire, parfois propriétaire et pas toujours, loin s'en faut, dans une maison individuelle.

Cette différenciation, pour caricaturale qu'elle puisse paraître est néanmoins celle que nous avons pu observer non seulement en ce qui concerne les modes de garde, mais aussi plus globalement dans la plupart des services aux ménages basiques produits indirectement par la puissance publique au travers des associations459. N’est-elle pas du reste la conséquence obligée des politiques locales de traitement social du chômage ? Lorsqu’une mairie périurbaine (ou non d’ailleurs) entend aider un de ses administrés en difficulté ne lui propose-t-elle pas à l’ordinaire un emploi CES dans un quelconque service parapublic, géré par une association ?

Les modes de garde comme l’ensemble des services locaux parapublics tendent à devenir en cela de véritables articulations entre systèmes d’emploi relativement différenciés, voire entre groupes sociaux. D’un côté des populations locales, plutôt captives, prêtes à accepter un travail même mal payé, même à temps partiel, même précaire, et de l’autre des populations plus intégrées, habitant ici, mais travaillant généralement à l’autre bout de la métapole.

Cette articulation doit être cependant relativisée. Elle ne correspond pas à une dualisation totale entre deux grands groupes sociaux. Les ménages à mi-chemin entre ces deux archétypes existent ; ils sont mêmes nombreux. Le mari travaille à l’autre bout de la région urbaine, tandis que sa femme occupe un emploi CES ou est assistante maternelle, ce qui permet de compléter les revenus familiaux et de payer plus facilement les traites de la maison. Les passages d’un archétype à l’autre existe également dans un sens comme dans l’autre.

Mais cette articulation existe cependant et peut même conduire à des blocages, comme l’a montré l’exemple de Poleymieux-au-mont-d’or. Lorsque dans un secteur comme celui-ci, l’homogénéité sociale460 atteint un paroxysme, ces services ne peuvent plus fonctionner, ce qui confirme qu’ils supposent une mise en relation entre groupes sociaux relativement distincts (utilisateurs et prestataires) ; une mise en relation que la municipalité de Poleymieux-au-mont-d’or s’est de fait attachée à reconstituer à travers sa structure d’un nouveau type.

Notes
459.

Vanier M. et al., 1998.

460.

Cette homogénéité sociale au niveau local signifie évidemment une ségrégation socio-spatiale accrue à l’échelle de la métapole.