La diffusion des modes de garde sur des territoires élargis et leur adaptation à de nouveaux contextes locaux ont été permises par leur diversification et la transformation de leurs conditions de production. Ceci aurait pu conduire à un éclatement des systèmes de garde, c’est-à-dire des services offerts (individuel / collectif, plein temps / temps partiel), de leur mission (garde simple, protection sanitaire, prévention sociale, éducation), de leur qualité (qualification des personnels, etc.), de leur coût (prix de revient) et des contributions demandées aux parents (tarification). Pourtant le phénomène inverse s’est produit. Les modes de garde sont aujourd’hui non pas identiques en tout lieu, mais sans conteste plus homogènes que par le passé. Le processus de diffusion et d’adaptation des modes de garde à de nouveaux contextes locaux et à de nouveaux besoins sociaux s’est accompagné d’une mise en cohérence d’ensemble quant à leurs conditions de production et de fonctionnement, quant à la nature et à la qualité du service rendu aux parents et aux enfants. Si beaucoup reste à faire, cette tendance est toutefois patente.
En matière de structure collective, ce double phénomène d’adaptation locale et de mise en cohérence globale a été rendu possible par la formation de systèmes d’acteurs territorialisés dans lesquels interviennent systématiquement des acteurs supra-locaux (section 1).
Depuis les années 1970, une distribution générale des rôles s’est effectuée, alors qu’il n’en existait pas réellement auparavant. Les structures collectives sont aujourd’hui produites partout par des systèmes d’acteurs relativement similaires : aux départements leur agrément et leur contrôle légal, aux Caisses d’Allocations Familiales et aux municipalités leur financement et leur encadrement, à ces dernières ou à des associations leur gestion.
Ces systèmes d’acteurs sont sensiblement identiques sur tout le territoire. Cependant, selon le lieu, ce n’est pas la même Caisse d’Allocations Familiales, le même Conseil Général, la même municipalité et les mêmes associations qui sont en présence. En outre, les contraintes qui s’exercent sur ce système d’acteurs et les besoins auxquels il doit répondre ne sont pas non plus les mêmes selon les endroits. De fait, ces systèmes d’acteurs sont fortement territorialisés et c’est bien ce qui a rendu possible la relative adaptation de ces établissements aux demandes et aux contextes locaux.
Dans tous ces systèmes d’acteurs locaux interviennent néanmoins des acteurs supra-locaux, au nombre desquels figurent notamment et surtout la Caisse nationale d’Allocations Familiales, à travers ses représentations locales. C’est elle qui a été, plus particulièrement, le promoteur et le vecteur de normes globales, qui ont permis d’harmoniser les conditions de fonctionnement des structures de garde, ainsi que la nature et la qualité du service rendu.
La mise en cohérence relative des modes de garde ne porte pas uniquement sur les établissements de garde collectifs et ne renvoie pas uniquement à la formation de systèmes d’acteurs coordonnés par la CNAF. Elle correspond également à un encadrement direct plus important des assistantes maternelles et à un effort de professionnalisation de cette forme de garde (section 2). Il s’agit aussi, en d’autres termes, d’une tentative, car les résultats sont pour l’instant loin des ambitions affichées, de transférer à ces modes de garde certaines caractéristiques attachées traditionnellement aux structures collectives (capacité professionnelle reconnue, compétence éducative, etc.) et ainsi d’aller vers une plus grande homogénéité entre garde individuelle et garde collective.
Somme toute, l’étude de ces modes de garde nous montre l’émergence d’une nouvelle forme de régulation sur un champ très limité du fonctionnement urbain (section 3). Cette régulation a ceci de particulier qu’elle est produite par un système d’acteurs associant collectivités locales et organismes sociaux (les CAF) et qu’elle est même dominée par ces derniers.