1.2.1 Par rapport aux coûts d’investissement

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Etat, à travers ses différents plans d’équipement, s’était régulièrement donné comme objectif le développement des établissements de garde. Mais il faudra attendre la fin des années 1960, pour qu’il s’en donne enfin les moyens budgétaires.

  • Le premier plan de modernisation et d’équipement (1947) avait envisagé le développement de crèches dans chaque quartier et même dans chaque îlot afin d’accueillir les enfants en bas âge que leur mère travaille ou non. L’ambition était tout à la fois de favoriser le travail féminin et d’améliorer la surveillance sanitaire de la population enfantine. Leur taux de mortalité était en effet particulièrement haut (70 pour mille à la sortie de la guerre) et le suivi médical des enfants en bas âges avait été promu priorité nationale.

  • Le deuxième plan (1954-57) reprit l’idée d’un important développement des structures de garde mais ne prévit la construction que de 250 nouvelles crèches seulement. L’objectif était plus raisonnable, mais il représentait encore une augmentation substantielle par rapport à celui existant. Il n’existait que 441 crèches, ce qui signifiait une augmentation de 14.000 à 21.000 places de garde à temps complet.

  • Le troisième plan (1958-61) envisagea toujours un développement des modes de gardes collectifs, mais uniquement, cette fois-ci, pour favoriser le travail féminin, car la mortalité infantile avait déjà fortement baissé.

  • Comme nous l’avons écrit dans le cinquième chapitre, le quatrième plan (1962-65) ne se fixa plus pour objectif d’accroître le taux d’activité féminin et les mesures d’accompagnement, au nombre desquelles les crèches, furent abandonnées.

  • Dès le plan suivant (1966-70), l’idée de faciliter le travail des femmes fut de nouveau envisagée. Cependant aucune mesure ne fut prévue par rapport à leurs enfants.

  • Il fallut attendre la sixième plan (1971-75), pour qu’un essor des modes de garde soit à nouveau préconisé. La construction de 24.000 places de crèches fut prévue et pour la première fois des moyens financiers mis en oeuvre.

Dès la préparation de ce nouveau plan à la fin des années 1960, l’Etat alloua 190 millions de francs à cet effet. Grâce à ce budget, le ministère de la Santé put dorénavant subventionner la construction des crèches collectives464 à raison ‘« d’un prix plafond de 631.394 F pour une structure de 40 lits (soit 15.785 F par lit) et de 822.494 F pour un établissement de 60 lits (soit 13.708 F par lit) »’ 465.

Toutefois, ce budget ne permettait la construction que de 18.000 places seulement. Le gouvernement demanda, en conséquence, à la Caisse nationale des Allocations Familiales de prélever 100 millions de francs sur son budget pour compléter les fonds nécessaires à la construction des nouvelles crèches. Il invita également les collectivités locales (municipalités et départements) à participer à cet effort466. Somme toute, une première répartition du financement de la construction des modes de garde était instaurée. L’investissement de ces structures devait désormais être supporté à 20% par les CAF, 20% par les mairies, 50% par l’Etat et 10% par le département467.

La participation de l’Etat et de la CAF était cependant calculée par rapport à un prix de revient théorique nettement inférieur au coût réel. La contribution des gestionnaires, en l’occurrence les mairies et plus rarement les départements, était donc beaucoup plus importante, que ce qui était théoriquement prévu (de l’ordre de 50% et plus)468. Ceci ne les incitait pas à engager un grand nombre de chantiers. Malgré cette première réforme, la construction de nouvelles crèches resta relativement limitée et, en tout cas, largement insuffisante en regard de la croissance des besoins, à mesure de l’augmentation du taux d’activité féminin.

C’est dans ce contexte que les crèches d’appartement, parentales ou mini-crèches, furent créées, ce qui était une manière radicale de résoudre la question des coûts d’investissement.

Dès 1973, le gouvernement prit acte de la situation et modifia la répartition du financement469. Dorénavant et jusqu’à aujourd’hui encore, sa contribution et celle de la CAF est de 40% chacun, le solde restant à charge des collectivités locales. Cette quote-part étant toujours calculée en fonction d’un coût théorique, la contribution des municipalités et des départements est malgré tout toujours nettement supérieur à ce qui est en principe envisagé. Deux exemples étudiés par A. Norvez470 nous présentent (graphique ci-dessous) la structure réelle du financement de l’investissement des crèches dans la seconde moitié des années 1980.

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Graphique 66 : Financement de l'investissement de deux crèches à St-Quentin-en-Yvelines (1986 et 1988).

Le gestionnaire (le syndicat d’aménagement de la ville nouvelle) a supporté la première fois près des deux tiers (63%) du coût et la seconde fois le tiers seulement (36%). Cet écart important provient pour l’essentiel du prix du terrain, qui n’est pas inclus dans les dépenses subventionnables. Celui-ci était et est toujours entièrement à la charge du promoteur du projet. Somme toute, l’Etat et la CAF censés financer à eux deux 80% des coûts de création n’en supportent, en réalité, qu’entre 30% et 57%. Le département, quant à lui, n’est intervenu que marginalement, à hauteur de 7% dans les deux cas.

Au cours des années 1980 et 1990, les nouveaux établissements furent essentiellement des structures d’appartement, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent. Ceci a permis de réduire fortement les coûts d’investissement mais aussi de généraliser la structure de financement présentée dans le second exemple. Le montant total des travaux est moins important que par le passé et il n’est généralement plus question d’achat de terrain.

Notes
464.

Arrêté du 20/10/68 du ministère de la Santé et des Affaires Sociales.

465.

p. 13, Ministère de l’Equipement, 1976.

466.

Arrêté ministériel du 8/9/1970.

467.

p. 53, Ministère de l’Equipement, 1976.

468.

p. 14, Ministère de l’Equipement, 1976.

469.

Arrêté ministériel du 22/10/1973.

470.

p. 385, Norvez A., 1990.