2.2 Une relative dé-spécialisation de l’institution de tutelle des assistantes maternelles

Ce relâchement aurait même pu être accentué de par les évolutions consécutives aux lois de décentralisation. Ces dernières ont en effet transféré la responsabilité de la Protection Maternelle et Infantile, et donc de l’encadrement des modes de garde aux Conseils Généraux. Or dans le Rhône, ce changement de statut s’est accompagné d’une transformation de l’organisation territoriale du service de PMI et de sa fusion dans un service aux missions bien plus vastes : le service Santé – Prévention. L’encadrement des modes de garde et notamment des assistantes maternelles n’est plus réalisé désormais par une structure spécialisée dans la petite enfance, mais par un service polyvalent. De fait, ce glissement du spécialiste au généraliste pourrait faire craindre, à terme, une perte ou un affaiblissement des compétences en matière de petite enfance d’une part et de contrôle des modes de garde d’autre part.

Avant les lois de décentralisation, les services de Protection Maternelle et Infantile (PMI) étaient intégrés aux Directions Départementales de l’Action Sanitaire et Sociale (DDASS). Depuis leur création, en 1945517, leurs missions consistaient dans le suivi médical des enfants de moins de 6 ans et des femmes enceintes, la planification familiale et le contrôle des différents modes de garde.

En 1970, les PMI étaient encore des structures extrêmement légères. Celle du Rhône n’employait que deux médecins titulaires et ses missions étaient assurées pour l’essentiel par des médecins vacataires. En 1975, les PMI commencèrent à se structurer davantage. Sous l’impulsion de l’Etat et plus particulièrement de la ministre de la Santé de l’époque, Mme Simone Veil, un grand nombre de médecins titulaires fut embauché. Dans le Rhône, quinze médecins furent ainsi recrutés dans le service central. Dans le même temps, l’organisation territoriale de ces services fut modifiée. Au sein de chaque département, des circonscriptions d’action sanitaire et sociale furent créées et dans chacune d’elles fut ouvert au moins un bureau local de la Protection Maternelle et Infantile518. Dans ces derniers, les consultations étaient assurées par des médecins le plus souvent encore et toujours vacataires.

En 1983, avec les lois de décentralisation519, la PMI passa légalement de la tutelle de la DDASS à celle du Conseil Général520. Cependant, durant plusieurs années, celle du Rhône est restée dans les faits rattachée à la DDASS : le Conseil Général se bornant à nommer son directeur et à valider les dossiers. Ce n’est qu’en 1990, que le service fut réellement assimilé à l’administration départementale. Il fut alors intégré dans un grand service Santé- Prévention qui a en charge, outre les missions traditionnelles de la PMI, d’autres responsabilités sanitaires dévolues aux départements, comme la vaccination de l’ensemble de la population, la lutte contre le tabagisme, la prévention de certains cancers, les personnes âgées ou encore les personnes dépendantes.

Les missions traditionnelles de la PMI ne sont donc pas abandonnées. Elles se retrouvent dans ce nouveau service, mais cette intégration dans une entité aux responsabilités nettement plus larges n’a pas été sans conséquence en terme de compétences professionnelles et d’organisation territoriale. Les circonscriptions d’action sanitaire et sociale ont été dissoutes. Dans chaque canton521, une unité territoriale a été créée. Dans chacune de ces dernières, une maison du département (MDR) a été ouverte, voire plusieurs dans les cantons les plus peuplés (une principale et des secondaires)522. Dans les MDR principales sont représentées l’ensemble des services du Conseil Général, alors que dans les MDR secondaires on ne trouve que quelques-uns de ces services seulement. Dans chaque MDR523, le service santé prévention est représenté par un médecin et une infirmière (titulaires ou vacataires) ainsi que par une assistante sociale. Ce sont eux qui ont concrètement en charge de mener à bien les missions du service Santé - Prévention : vaccination, lutte contre le tabagisme, dépistage de certains cancers, consultation des femmes enceintes et des enfants, agrément et contrôle des assistantes maternelles, suivi des établissements de garde, etc.

A la différence des anciennes consultations de PMI, ces antennes locales du service Santé – Prévention sont donc polyvalentes et nous percevons ici l’incidence que cela peut avoir en terme de compétence. En effet, le personnel médical et paramédical ne doit plus maintenant être spécialisé dans la petite enfance, mais doit être capable de répondre aux demandes de l’ensemble des populations susceptibles de se rendre dans ces MDR : enfants, adolescent, adultes, personnes âgées, femmes enceintes, handicapés. La transformation des bureaux de PMI en antennes du service Santé - Prévention implique, en somme, une substitution des médecins et infirmières spécialisées dans la petite enfance par des médecins et des infirmières généralistes. Certes, cette transformation n’est pas instantanée mais elle pourrait être relativement rapide du fait que les consultations sont généralement effectuées par des vacataires.

Cette évolution pourrait également affecter le corps des médecins titulaires. Depuis 1992, en effet, le titre de médecin de PMI a été supprimé et remplacé par celui de médecin de la fonction publique territoriale. Ce changement de titre signifie en fait, que les nouveaux médecins titulaires n’ont plus nécessairement besoin d’être spécialisés ou de se spécialiser par la suite en matière d’enfants en bas âges et de femmes enceintes ; toute la question étant de savoir si cette disposition implique que tous les nouveaux médecins auront et devront conserver un profil de généraliste ou si les Conseils Généraux recruteront des spécialistes de différents domaines afin de coordonner l’action départementale vers les différents publics dont ils ont la charge. Le département du Rhône, pour sa part, semble avoir opté pour la seconde solution et ‘« des médecins spécialisés en gériatrie [par exemple] devraient être recrutés pour s’occuper des actions envers les personnes âgées »’ 524.

A ce jour même si le service Santé – Prévention conserve dans ses bureaux centraux quelques spécialistes de la petite enfance, il s’avère cependant que l’évolution en cours sur le terrain et en l’occurrence dans les antennes des MDR est bien celle d’une transformation d’un service spécialisé en service polyvalent. Ce glissement d’importance, auquel s’ajoutent les questions de surcroît de travail avec des budgets et des moyens humains équivalents, pourrait faire craindre, en définitive, un affaiblissement des capacités du Conseil Général à contrôler, à encadrer et à former réellement les assistantes maternelles. Ce faisant, une aggravation des disparités au niveau de la qualité de l’accueil des enfants entre garde individuelle et garde collective risque aussi de se produire.

Notes
517.

Loi du 2 novembre 1945.

518.

PMI du Rhône, 1982 et 1983.

519.

Loi n°83-663 du 22/07/1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat.

520.

Pour une présentation globale des évolutions induite par les lois de décentralisation sur la PMI voir, Mille S., 1985.

521.

Sauf sur Lyon, où le découpage par arrondissement a été conservé et sur Villeurbanne et Vénissieux où le découpage communal a été préféré.

522.

Dans le canton de Limonest par exemple, la MDR principale a été ouverte à Ecully et deux autres secondaires à Limonest et Champagne-au-Mont-d’Or.

523.

188 Maisons du département avaient été ouvertes sur le département du Rhône en 1997.

524.

Dr Dubouchet – Service Santé - Prévention du Rhône.