2.3.2 Les Relais Assistantes Maternelles : nouvelle forme d’encadrement de la garde individuelle

La concurrence de l’AFEAMA majorée et du système du tiers-payant a provoqué le déclin des crèches familiales. Mais ce retournement subit de tendance ne signifie pas la fin de toute tentative d’homogénéisation des conditions d’accueil entre garde individuelle et garde collective. Un nouveau type de structures, ayant elles aussi pour vocation d’encadrer les assistantes maternelles, s’est développé ces dernières années. Il s’agit des relais assistantes maternelles.

Ces établissements ont été créés sur l’initiative de la CNAF en 1989, avant que les crèches familiales ne rencontrent certaines difficultés. Son objectif initial n’était donc pas de pallier aux problèmes de ces équipements, mais de rééquilibrer l’intervention de la Caisse par rapport à la garde individuelle. La CNAF avaient le sentiment justifié de concentrer ses efforts financiers sur une partie seulement des enfants gardés ; ceux qui l’étaient dans le cadre de structures : crèches collectives ou familiales, haltes-garderies, etc. Or, l’immense majorité était accueillie par des assistantes maternelles libérales, déclarées ou non, et ne bénéficiait que d’une portion mineure des financements destinés à l’accueil des enfants. La volonté de la CNAF était donc de mieux répartir ses aides entre les différentes formes de garde et d’accroître l’encadrement des assistantes maternelles, nonobstant celles employées par les crèches familiales539.

A la différence de ces dernières, les relais ne sont pas des structures de garde, mais un service destiné à réguler le marché de la garde individuelle (tarification, mise en rapport de l’offre et de la demande) et améliorer l’accueil des enfants chez les assistantes maternelles (formation). Quatre missions principales leurs sont assignées :

A la différence des crèches familiales, les parents restent employeurs des assistantes maternelles et continuent à percevoir l’AFEAMA majorée. En adhérant à un relais, ils peuvent en outre percevoir une allocation complémentaire destinée à éliminer les effets de seuil entre crèche familiale et assistante maternelle libérale. Cette allocation, dite allocation différentielle, est égale à la différence entre le coût d’une assistante maternelle libérale, après déduction des aides versées par la CAF (AFEAMA majorée) et la somme que les parents payeraient dans une crèche familiale où leur contribution est proportionnelle à leurs revenus. De fait, cette disposition ôte tout intérêt financier aux crèches familiales, même pour les familles aux ressources limitées. Ceci a contribué d’autant à mettre ces établissements en difficulté.

La participation aux relais repose sur une adhésion volontaire des parents et des assistantes maternelles. Cette adhésion se matérialise parfois par une cotisation financière (dans tous les cas modique), mais elle passe davantage par l’acceptation pleine et entière du fonctionnement du relais et, en l’occurrence, par la participation aux activités de formation et d’information prévues pour les assistantes maternelles et aux animations collectives destinées aux enfants. Au plan physique, un relais est une structure relativement légère généralement composée d’un bureau pour le personnel permanent, d’une salle de réunion pour regrouper les assistantes maternelles et d’une salle de jeu destinée aux enfants lors des animations. Au plan organisationnel, il est dirigé par une animatrice, secondée selon l’importance de la structure par d’autres permanents. Cette animatrice n’a aucun pouvoir hiérarchique sur les assistantes maternelles adhérentes et, encore moins bien sûr, sur les familles. Elle a uniquement pour mission de mettre en rapport l’offre et la demande et d’organiser des réunions d’information pour les parents et pour les assistantes maternelles, des stages de formation pour ces dernières et des temps collectifs pour les enfants gardés où pourront intervenir, selon les besoins, des conteurs, des psychologues, des psychomotriciens ou encore des éducatrices jeunes enfants.

Au niveau financier, enfin, les relais fonctionnent grâce à des subventions versées par la CAF et par les mairies. Avec la prestation de service relais assistantes maternelles, la Caisse locale prend à sa charge 40% des coûts de fonctionnement hors allocation différentielle et dans une limite de 222.993 F par an en 1995541. La mairie complète le budget en versant une subvention d’équilibre.

Pour cette dernière, la formule des relais assistantes maternelles est beaucoup plus intéressante financièrement, que celle des crèches familiales. Le coût de revient par an et par enfant n’est que de 3.038,75 F contre 9.282,67 F dans le second système542, car les salaires des assistantes maternelles sont directement pris en charge par les parents et par la CAF, via l’AFEAMA majorée. ‘« De ce fait, il est possible d’implanter un relais sur une commune de taille moyenne, alors que le coût de mise en oeuvre d’une crèche familiale peut être considéré comme dissuasif pour des budgets municipaux limités des petites communes »’ 543.

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Graphique 71 : Evolution du nombre de relais assistantes maternelles dans l'arrondissement de Lyon de 1990 à 1995.

Une enquête réalisée par la Caisse d’Allocations Familiales de Lyon en 1995 nous permet de préciser le fonctionnement et les réalisations des relais dans cet arrondissement. Il apparaît en premier lieu, que leur nombre a fortement augmenté au début des années 1990 (graphique ci-dessus), mais depuis 1993 le rythme de croissance n’est plus que de 4 ou 5 nouveaux établissements par an. Ce ralentissement apparent ne traduit pourtant pas un essoufflement du dispositif. L’essor très important en début de période a été provoqué par l’ouverture simultanée de 7 relais de quartier dans deux communes seulement (5 à Villeurbanne, 2 à Rillieux). Ramené en terme de nouveaux territoires touchés, le développement de ces structures est en fait relativement constant depuis 1992.

En 1995 (carte ci-dessous), trente relais existaient dans l’arrondissement. Ils couvraient 58 communes et un arrondissement de Lyon (le 9° arrondissement). Comme pour les contrats enfances, la couverture territoriale est beaucoup plus importante dans l’agglomération lyonnaise, que dans les secteurs périphériques. Mais comme pour les contrats enfances, il s’avère que de nouveaux relais tendent à se créer en zone rurale, quitte à prendre une dimension intercommunale. Le fait que la CAF soit à l’origine de ces structures n’est évidemment pas étranger à leur géographie, ni à leur structuration intercommunale sur les secteurs ruraux ou périurbains. La Caisse a clairement comme stratégie de couvrir en premier lieu les zones les plus fortement peuplées, puis en second lieu les secteurs où la population enfantine est moins nombreuse. Dans ce dernier cas, elle favorise tant que faire ce peut les coopérations intercommunales, afin de rentabiliser les infrastructures544.

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Carte 58 : Les relais Assistantes Maternelles de l'arrondissement de Lyon en 1995.

Dans plus des deux tiers des cas (graphique ci-dessous), ces relais sont dirigés par une professionnelle de la petite enfance, généralement une éducatrice jeunes enfants, plus rarement une puéricultrice. Il est à noter qu’une part substantielle de ces animatrices a une formation initiale qui n’est pas directement liée à ce champ (éducatrices spécialisées, assistantes sociales, animatrices socioculturelles, etc.). Toutefois plus de 80% d’entre elles ont suivi une formation lors de leur embauche, soit d’adaptation au poste (46,87% des animatrices en poste en 1996), soit complémentaire (34,38%)545.

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Graphique 72 : Qualification de l'animatrice des relais de l'arrondissement de Lyon en 1995.

En un an, ces trente structures ont répondu à 35.841 demandes d’information, 42,47% d’entre elles émanant de familles, 39,88% d’assistantes maternelles, le reste d’institutions ou de nourrices non déclarées. Ces questions portaient par ordre décroissant d’importance sur les différentes possibilités d’accueil des enfants dans le secteur couvert par le relais, sur des renseignements d’ordre administratifs (déclaration à l’URSSAF, AFEAMA, etc.) et juridiques (contrats de travail des assistantes maternelles), sur la gestion de conflits entre parents et assistantes maternelles et enfin, sur la formation de ces dernières. Outre ces demandes individuelles, les relais ont également tenu 219 réunions d’information collective avec les assistantes maternelles, 12 avec les parents et 184 avec les parents et les assistantes maternelles. Ils ont aussi organisé 3.495 accueils collectifs d’enfants, soit une moyenne 10 animations pédagogiques par mois et par relais (pique-niques, fêtes de Noël, carnaval, d’été, spectacles, sorties diverses, contes, etc.). Ils ont, enfin, mis en place 69 stages de formation, qui ont été suivis par 667 assistantes maternelles différentes. Somme toute, sur l’ensemble du territoire couvert par les relais, 35,56% des assistantes maternelles agréées (soit 1.084 sur un total de 3.048) étaient adhérentes à l’une ou l’autre de ces structures, ce qui montre l’importante capacité d’encadrement de ce système pourtant basé sur le volontariat.

Le coup d’arrêt porté au développement des crèches familiales n’a donc pas provoqué un affaiblissement des possibilités d’encadrement de la garde individuelle. L’idée d’un contrôle et d’une formation continues des assistantes maternelles, imaginée à la fin des années 1950, a été reprise et reformulée dans le système des relais, ce qui a permis de pérenniser cette action et même de l’amplifier. Sur les territoires où ils sont implantés, les relais assistantes maternelles structurent d’ores et déjà une part substantiellement plus importante de la garde individuelle que ne le faisaient et ne le font toujours les crèches familiales.

Notes
539.

Mme Rosnoblet – CAF de Lyon.

540.

Circulaire CNAF du 27/06/1989 sur l’accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles.

541.

APER, 1995-b.

542.

P. 26, CAF de Lyon, 1996-a.

543.

p. 27, CAF de Lyon, 1996-a.

544.

Mme Rosnoblet – CAF de Lyon.

545.

CAF de Lyon, 1996-b.