3.1.2 Le temps de la conception : la recherche – action sur les assistantes maternelles (1977-81)

L’idée de cette recherche - action fut prise et élaborée conjointement par M. X. Franc et Mme L. Duprat550. Une fois monté, ils présentèrent leur projet à leurs institutions de rattachement, qui acceptèrent de les soutenir. Leur dossier fut alors présenté au niveau national où il fut également retenu. Une convention fut signée, en définitive, entre les ministères de l’Education Nationale et de la santé, ainsi que la DDASS et la Fédération des Centres Sociaux du Rhône ; chacune de ces institutions pouvant avoir des intérêts particuliers à soutenir ce projet.

Par delà leurs nuances, les motivations de ces différentes institutions à soutenir le projet de Mme L. Duprat et M. X. Franc, étaient, de fait, extrêmement centrées sur la question de la formation des assistantes maternelles en tant que telle. Méthode, contenu, personnel, tels étaient les sujets qui les intéressaient principalement. Or la recherche - action se proposait d’envisager cette formation non pas isolément mais dans ses interactions avec les autres modes de garde. Pour le directeur du Centre Social d’Ecully et pour la formatrice du GRETA, il s’agissait d’emblée d’intégrer la question particulière de la formation des assistantes maternelles, dans celle plus générale de l’organisation des différents systèmes de garde. Leur postulat fondateur était qu’ ‘« à partir du moment où on forme les assistantes maternelles, cela veut dire qu’on les reconnaît en tant que mode de garde à part entière, qu’elles existent enfin au moins aux yeux des financeurs de ces formations et que leur position vis-à-vis des autres modes de garde doit être clarifiée »’ 554.

Leur hypothèse centrale était que ‘« le processus de professionnalisation des assistantes maternelles, auquel contribue implicitement toute institution, qui intervient sur l'organisation de la garde à domicile : la DDASS en valorisant l'agrément et en organisant des stages de formation, les collectivités locales en créant des crèches familiales, l'URSSAF en réclamant ses cotisations, etc., non seulement modifie la pratique des assistantes maternelles et leurs relations avec les parents, mais, à terme, remet aussi en cause le dispositif institutionnel actuel. En effet, l'école maternelle et les crèches s'appuient sans le savoir sur un ensemble d'assistantes maternelles : celles-ci jouent le rôle de volant de sécurité chargé d'assurer l'adéquation entre l'offre très rigide des équipements (le nombre de place est limité, les horaires, les jours d'ouverture sont fixés de manière unilatérale et ne sont pas négociables), et la demande très variable des parents. Le processus de professionnalisation exclut peu à peu cette fonction de régulation et la repousse aux marges; l'expérience des crèches familiales est à cet égard significative ».’ 555

Sur le fond, les attentes des financeurs de cette recherche – action et les visées de ses deux promoteurs étaient donc sensiblement différentes, ce qui ne veut pas dire nécessairement contradictoires. Il existait également une seconde dissimilitude. Les institutions de tutelle appréhendaient essentiellement la formation des assistantes maternelles comme un apprentissage relativement classique nécessitant simplement de sérier les besoins, les niveaux initiaux et ceux à atteindre, d’établir des méthodes et de réfléchir au contenu des programmes. Pour L. Duprat et X. Franc, cependant, la formation des assistantes maternelles ne devait pas et ne pouvait pas être réduite à une stricte question pédagogique reposant uniquement sur une interaction entre maître et élève. Elle possédait, à leur sens, une importante dimension sociale et politique. Sa réussite reposait sur une collaboration étroite entre l’ensemble des acteurs qui intervenaient dans le champ de la petite enfance. Loin d’être le domaine réservé de tel ou tel organisme, les deux promoteurs de la recherche – action estimaient plus précisément encore que la formation des assistantes maternelles devait être organisée au plan local par des groupes réunissant le personnel de terrain de l’ensemble des institutions ayant à voir avec la petite enfance et que ces groupes devaient être placés sous la responsabilité des municipalités.

Dans la pratique, cette recherche – action fut conduite dans trois sites de l’agglomération lyonnaise (Meyzieu, Feyzin, la Duchère), choisis en fonction de la volonté des acteurs locaux notamment municipaux, à travailler sur ce thème. Dans chaque site un groupe de travail fut constitué sous l’égide de la mairie. Chacun d’eux était formé par des travailleurs sociaux comme ceux de l’ASTI par exemple, le personnel des structures de garde collectives et les infirmières puéricultrices de la PMI, exerçant sur le secteur. L. Duprat et X. Franc coordonnaient, enfin, l’ensemble de ces collectifs. Trois axes furent plus particulièrement étudiés : le contenu et les méthodes des formations, la reconnaissance réelle et la prise en compte des assistantes maternelles comme mode de garde à part entière et les possibilités de fonctionnement de groupes locaux petite enfance, amorce d’une coordination locale de l’ensemble des modes de garde556. En 1981, la recherche – action s’acheva. Dans son rapport final, trois points majeurs furent soulignés.

Face à ces problèmes, les promoteurs de la recherche – action proposèrent de développer une politique globale en matière de petite enfance, intégrant et coordonnant l’ensemble des modes de garde, assistantes maternelles comprises. Ils avancèrent également l’idée d’une coordination entre l’ensemble des acteurs intervenant dans ce champ tant au plan local, que global. Les trois groupes de travail qui avaient été créés à l’occasion de cette recherche ayant relativement bien fonctionné, ils proposèrent, en premier lieu, la pérennisation et la généralisation de ces instances inter-institutionnelles sous la forme de groupes petite enfance communaux ou d’arrondissements dans le cas de Lyon. A ces groupes non seulement il revenait d’organiser les différentes modes de garde sur leur secteur, mais aussi bien sûr de concevoir et de mener une politique adaptée aux besoins et aux possibilités du lieu. Coordonnant ce dispositif, X. Franc et L. Duprat proposèrent en second lieu, de transposer au niveau départemental cette coopération inter-institutionnelle, en créant une structure similaire chargée de développer une politique petite enfance trans-locale, globale et cohérente ainsi que d’articuler les politiques et l’action des groupes locaux558.

En juin 1981, lorsque la recherche – action s’arrêta, l’idée d’instances non seulement de concertation, mais aussi de coordination entre l’ensemble des acteurs qui interviennent dans les modes de garde, était lancée. Visant à organiser l’ensemble des modes de garde et à les adapter au mieux aux besoins des enfants et des parents, l’ambition était clairement d’instaurer un système de régulation. Par une démarche ascendante, ce projet avait été conçu et porté par des professionnels de terrain jusqu’aux institutions elles-mêmes. Il avait été de même élargi de la stricte question de la formation des assistantes maternelles à celle de la conception et de la mise en oeuvre d’une politique d’ensemble en matière de modes de garde. Le projet était donc formulé mais il faudra attendre plusieurs années avant qu’il aboutisse : le temps que les institutions en présence en intègre l’idée.

Notes
550.

Mme Rat-Patron – Fédération des Centres Sociaux, Mme Lacrosat – Inspection Académique du Rhône, Dr Honegger – Service Santé - Prévention, M. X. Franc, ancien responsable de l’APER.

551.

Dr Honegger, Service Santé - Prévention.

552.

Mme Lacrosat, Inspection Académique du Rhône.

553.

Mme Rat-Patron, Fédération des Centres Sociaux.

554.

M. X. Franc, Ancien responsable de l’APER.

555.

P. 7, Franc X. et Duprat L., 1983.

556.

Franc X. et Duprat L., 1983.

557.

M. X. Franc - Ancien responsable de l’APER.

558.

M. X. Franc - Ancien responsable de l’APER.