3.2.1 Le principe d’une séparation des rôles entre le politique et le technique

L’arrêté conjoint d’octobre 1985 étant relativement vague, les modalités de fonctionnement du COPER et de l’APER durent être précisées dans la pratique. Le principe qui transparaissait déjà dans le texte ci-dessus et qui fut appliqué dans l’organisation concrète de ces deux structures, fut celui d’une répartition très nette des compétences entre instance politique et instance technique. Le modèle en la matière était explicitement celui de la communauté urbaine de Lyon et de son agence d’urbanisme575 ; à l’un le pouvoir décisionnel, à l’autre l’expertise, le diagnostique et les propositions.

Le COPER était clairement l’instance politique et décisionnelle. Il s’agissait d’une commission départementale réunissant au moins deux fois par an les responsables des structures supra-locales ou leurs représentants directs. L’ambition n’était pas toutefois de créer un nouveau pouvoir qui s’imposerait aux institutions départementales ou aux acteurs locaux, comme le souhaitait le projet de 1983 ou comme peuvent l’être les structures supra-communales à fiscalité propre. Il s’agissait simplement de mettre en place une instance de concertation pouvant servir, au cas par cas, de lieu de coordination. Aucune structure ne voulut abandonner ses attributions pour hypothéquer d’autant son autonomie. Les accords pris dans le cadre du COPER ne valent toujours aujourd’hui que dans la mesure où leurs signataires les appliquent.

L’Atelier quant à lui était l’instance technique. Il avait pour mission d’apporter des conseils aux projets locaux (collectivités locales et associations), de mettre à disposition des différents promoteurs des données susceptibles d’étayer leur choix, d’inciter à la recherche, de capitaliser et valoriser les expériences et les informations, de favoriser le travail inter-institutionnel et, enfin, de promouvoir une politique concertée de la petite enfance. L’APER n’avait et n’a toujours aucun statut légal. Différentes formes juridiques avaient pourtant été étudiées : régie, GIE ou encore association. ‘« Pour chaque possibilité, les avantages et les inconvénients avaient été soigneusement jaugés »’ 576, néanmoins il fut décidé de ne lui donner aucune existence juridique. Ce choix surprenant résulte et reflète toute la circonspection avec laquelle les structures supra-locales se sont engagées dans ce processus de construction d’une instance inter-institutionnelle. ‘« Aucune d’elles ne voulaient se laisser entraîner par un Atelier dont les conseils pouvaient contribuer à monter des mairies les unes contre les autres, la CAF contre le Conseil Général, etc. (...). Elles voulaient pouvoir le dissoudre en 24 heures, s’il y avait le moindre problème, ce qu’elles pouvaient faire en l’absence de toute existence légale »’ 577.

Cette prudence, pour le moins, se retrouve également dans la structuration donnée à l’Atelier. Ce dernier n’employait directement et à plein temps que deux salariés : un responsable (M. X. Franc) et une secrétaire. En tant que tel l’APER n’avait donc pas l’assise suffisante pour répondre aux missions qui lui étaient confiées578. Il devait nécessairement travailler avec les institutions supra-locales et locales, ce qui fut organiquement prévu. Outre ses deux permanents, l’APER était officiellement formé de deux autres composantes : un bureau d’étude et un comité ressource. Le bureau d’étude regroupait des responsables administratifs et techniques de l’ensemble des institutions adhérentes au COPER. Le comité ressources rassemblait pour sa part des professionnels de terrain de la petite enfance. Ces correspondants locaux et ces correspondants institutionnels restaient salariés par leur institution d’origine et ne travaillaient qu’épisodiquement dans le cadre de l’Atelier. Ils étaient censés porter et défendre les préoccupations et les objectifs plus spécifiques de leurs employeurs dans cette instance, ce qui était destiné pouvons-nous penser, à empêcher que l’APER ne développe à terme des logiques et des finalités propres.

Contrairement au projet de 1983, les signataires de l’arrêté de 1985 s’attachèrent en définitive à empêcher que l’Atelier ne devienne une entité autonome. En lui refusant tout statut juridique, ils lui déniaient une quelconque personnalité morale. En rendant obligatoire et même vitale la participation directe des institutions adhérentes au fonctionnement de l’APER, ils refusaient que ce dernier ne devienne un organisme extérieur aux grandes structures supra-locales. Grâce à cette organisation, ils entendaient en faire un lieu de travail inter-institutionnel, un espace en marge des institutions, mais dans une marge interne, dans une marge partagée entre les différentes institutions.

Notes
575.

M. X. Franc, ancien responsable de l’APER.

576.

Mme Rat-Patron, déléguée de la Fédération des Centres Sociaux.

577.

M. X. Franc, ancien responsable de l’APER.

578.

M. Y Mahé, directeur de l’APER.