Conclusion générale

Les modes de garde nous ont offert un exemple de services aux ménages qui se sont diffusés vers les périphéries lyonnaises au fur et à mesure de la périurbanisation des populations. Ce cas est sans doute singulier sous bien des égards. Il nous montre cependant que le redéploiement urbain n’implique pas obligatoirement la fin de l’agglomération mère, ni celle des noyaux urbains secondaires du moins dans le cas lyonnais.

En se périurbanisant, les familles ont eu plus que jamais besoin de modes de garde, mais elles se sont installées dans des secteurs qui en étaient généralement dépourvues ou dans lesquels l’offre préexistante était loin d’être suffisante. Face à cette relative pénurie, elles n’ont pas fait garder leurs enfants dans les secteurs où elles habitaient auparavant et en l’occurrence dans le coeur de l’agglomération lyonnaise. Elles ont fait pression pour que des modes de garde soient développés non loin de leurs nouvelles zones d’habitation. Les institutions qui concourent à la production de ces services n’ont pas non plus envisagé que les enfants puissent être gardés à des distances importantes de leur foyer. Familles et institutions de tutelles se sont entendus de façon implicite pour que l’adéquation entre l’offre et la demande soit également une adéquation spatiale et à travers cela que la proximité spatiale continue à structurer les rapports dans ce champ.

Leurs pratiques se sont ainsi conjuguées pour diffuser les modes de garde hors de l’agglomération lyonnaise. Elles se sont aussi rejoints quant à leurs nouveaux lieux d’implantation. Pas un seul instant, les familles et les institutions qui financent et encadrent les modes de garde n’ont envisagé de les implanter dans quelques pôles périphériques. Aucune crèche d’entreprise n’a été ouverte dans les nouvelles zones d’activité de la grande périphérie lyonnaise. Aucune non plus n’a été créée dans une plate-forme commerciale. Les familles comme les Caisses d’Allocations Familiales et le Service Santé – Prévention se sont tournés, ont fait pression et ont réussi à ce que les municipalités prennent en charge directement ou indirectement le développement des modes de garde. Les établissements collectifs et les structures qui coordonnent les assistantes maternelles se sont ainsi développés dans les centres urbains secondaires ; tout comme ils existent dans l’agglomération lyonnaise non dans les zones industrielles ou dans les centres commerciaux mais bien dans les quartiers. Par leurs pratiques tous ont privilégié les centres par rapport aux pôles et en cela contribué à renforcer la centralité et non la polarité. Dans leur esprit, l’inverse n’était d’ailleurs même pas envisageable.

Ceci nous fait percevoir en définitive, que le redéploiement urbain a certes généré le développement de polarités périphériques et une montée impressionnante de la mobilité quotidienne, mais que cet état de fait doit être relativisé. Il n’induit pas pour autant une disparition radicale des centralités et des relations de proximité. A notre sens, nous assistons bien plus à une inversion des rapports entre mobilité et proximité spatiale, ainsi qu’à un partage des tâches entre centres urbains secondaires et pôles périphériques, ces deux propositions étant substantiellement liées.

D’aucuns penseront que les bourgs et les petites villes de la région lyonnaise ne sont peut-être pas morts mais que les dynamiques en cours les appauvrissent singulièrement. L’avenir que nous leur dessinons pourrait paraître effectivement un peu maigre au niveau fonctionnel. Quelle gloire y a-t-il à n’être qu’un centre de services de proximité ? Il nous semble pourtant qu’il y a de la noblesse à s’occuper des besoins essentiels des individus. Si ces fonctions n’ont pas le prestige détenu par d’autres, si elles ne peuvent être la base d’un développement ou simplement d’une activité économique, elles sont néanmoins vitales au fonctionnement quotidien de la société urbaine, même si elles sont parfois mésestimées, si ce n’est dévalorisées.