2 – Contextes d’emploi du mot air

J’examinerai les exemples proposés par les différents dictionnaires dans le cadre de cette définition scientifique – qu’il s’agisse de syntagmes, d’expressions, figurées ou non, d’énoncés, de citations – afin de dégager les traits de sens qui se trouvent activés dans ces contextes, ainsi que les fonctions sémantiques qui s’y expriment.

De nombreux emplois ont trait à l’air-matière, considéré à travers différentes propriétés physiques, auxquelles se trouvent associés des noms savants d’instruments de mesure et d’analyse :

Parmi les noms d’instruments, on notera que certains, comme le thermomètre ou le baromètre,sont entrés dans l’usage courant, dans la mesure où les propriétés physiques de l’air qu’ils permettent d’enregistrer servent à une discipline scientifique qui se prête plus que toute autre à la vulgarisation, la météorologie.

L’air-matière peut également être vu comme quantifiable, dans des syntagmes tels que bulle d’air, colonne d’air, couche d’air, qui ne sont toutefois pas tous d’un registre spécifiquement scientifique. Je mettrai à part le terme technique coussin d’air, qui dénote une couche d’air utilisée dans des conditions et avec une finalité propres :

‘Coussin d’air : couche d’air insufflée à la base d’un véhicule terrestre ou marin, et qui lui permet de se maintenir au-dessus du sol ou de l’eau.’

et qui se sert de la métaphore du coussin pour matérialiser de manière expressive et familière l’épaisseur de cette couche d’air, signifier sa position à la base d’un véhicule, et sa fonction qui est d’assurer l’élévation du véhicule (de même que le coussin, objet rembourré, sert à supporter et à surélever une partie du corps). On peut peut-être même ajouter quelque connotation de confort et de moelleux...

Enfin, le mot air, toujours pris dans le sens d’air-matière,peut être pris dans des relations actancielles, dont l’interprétation est plus ou moins directe selon les structures de surface. Ainsi, les hyponymes du mot air précédemment cités, comme air brûlé, air comprimé, air inactif, air liquide, air ozoné, air secondaire (TLF, IC1b), impliquent que l’air a été l’objet de transformations, et ont en quelque sorte une valeur résultative. On pourrait ajouter ici air raréfié, si l’on entend par là, non un état naturel de l’air lié à l’altitude, mais une transformation obtenue par abaissement de la pression de l’air. Ces termes se trouvent eux-mêmes dans des contextes où les différents types d’air qu’ils dénotent font l’objet de nouvelles manipulations 150  :

‘35. ... la seule préparation de l’air comprimé [...]
38. La préparation industrielle [...] de l’air ozoné [...]
37. [...] on laisse ensuite rentrer de l’air inactif séché et filtré
40. [...] l’air de balayage introduit dans le cylindre [...]
39. [...] dans de l’air secondaire réchauffé à 700° dans des appareils Cowper.’

On trouve également dans le TLF un grand nombre de termes techniques désignant des appareils de toutes sortes, qui se construisent avec le mot air précédé de de ou de à. Ces deux prépositions induisent deux principales fonctions sémantiques :

  • les termes construits sur le modèle nom d’appareil +  d’air indiquent que l’air est l’objet du traitement qu’implique l’appareil : aspirateur d’air, chambre d’air, cloche d’air, éjecteur d’air (IC2b) ; 
  • les termes construits sur le modèle nom d’appareil +  à air indiquent que l’air est le matériau et l’instrument qui permet le fonctionnement de cet appareil : pessaire à air (42), harmonium à air (43), et en IC2a Rem. 1 : bateau à air, chambre à air, cloche à air, condensateur à air, écluse à air, etc.

Des désignations de ce type peuvent contenir les hyponymes précédents, comme tramways à air comprimé (TLF, 36) ou séchoir à air chaud (GR).

Dans certains contextes, l’air peut prendre un rôle agentif, qu’il s’agisse du mot air ou d’un dérivé hyponymique :

‘40. ... il faut que l’air de balayage introduit dans le cylindre [du moteur] agisse (...) à la manière d’un piston qui refoule devant lui les gaz... [je reprends ici la ponctuation du texte]
35. [....] l’air comprimé destiné à la transmission de force [...]’

Signalons enfin un contexte dans lequel le mot air prend plutôt le sens d’air-étendue, donc d’atmosphère :

‘Les hautes régions de l’air (GR).’

Toutefois, cette périphrase, ainsi que le synonyme qui la suit, éther, appartiennent plutôt à la physique ancienne, évoquée d’ailleurs dans l’énoncé qui précède :

‘L’air était pour les Anciens l’un des quatre éléments avec la terre, l’eau et le feu.’
Notes
150.

. Le chiffre introducteur est celui des citations du TLF d’où sont extraites ces séquences.