2 – Expression du visage

2. 1. Expression non durable

Les exemples 256 qui illustrent cette signification peuvent être ramenés principalement à deux types de structures, la structure simple avec avoir (et sa nominalisation) d’une part, et d’autre part la structure complexe avec base verbale, soit :

  • quelqu’un a un air [+ constituant adjectival] / l’air de quelqu’un
  • quelqu’un + verbe + avec / d’un air [+ constituant adjectival]
    •  quelqu’un a un air [+ constituant adjectival] / l’air de quelqu’un
‘1. Néanmoins l’air de Lourdois n’était pas naturel, pensa-t-il, il y a quelque anguille sous roche.
h. de balzac, César Birotteau, 1837, p. 230 (TLF, 14).’ ‘2. Davis se présenta, prit son air des mauvais jourspour toucher la main que lui tendait l’ingénieur, puis dit à Grayson : — ils grognent là-dedans, mais ils ne démarrent pas.
É. PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, p. 76 (TLF, 27).’ ‘3. Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs » ; ...
j. renard, Journal, 1897, p. 394 (TLF, 33).’ ‘4. Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie (...)
A. de musset, Poésies nouvelles, « À Ninon » (PR, GR, 14).’ ‘5. Et tout le temps que je parlais, c’étaient entre eux des hochements de tête, de petits rires fins, des clignements d’yeux, des airs entendus (...)
A. daudet, Lettres de mon moulin, XII, p. 120 (PR, GR, 9).’ ‘6. — Eh bien, et votre mari ? Qu’est-ce qu’il devient ? Elle changea d’air immédiatement, inclina la tête avec une gravité douloureuse.
m. druon, Les Grandes familles, t. 1, 1948, p. 178 (TLF, 45).’

Dans ces citations, on reconnaît la signification « expression du visage » à partir de divers indices. Toute ambiguïté est évidemment levée lorsque l’air est attribué par synecdoque au visage lui-même, comme en 3 avec le mot physionomie (qui a plutôt le sens « ensemble des traits » (PR)) : la partie du corps mène en quelque sorte sa vie propre, détachée de son possesseur... En 5, le mot airs est au voisinage de mots qui dénotent des mouvements de la tête ou de certains traits du visage. Il en est de même en 6 avec le mouvement de tête inclina la tête, et en 4, où l’adjectif jolie se dit plutôt du visage. Notons que dans les citations 5 et 6, le contexte de parole privilégie l’observation de cette partie du corps. Enfin la caractérisation du mot air joue un rôle important : si elle vient par surcroît en 3 et en 5 (air « ailleurs », airs entendus), elle peut être l’indice déterminant en l’absence d’autres éléments contextuels, comme en 1 et 2 (naturel, des mauvais jours).

En revanche, la caractérisation ne permet pas véritablement d’établir le trait « non durable ». Si certaines dispositions apparaissent comme plus passagères que d’autres (l’air des mauvais jours par exemple), dans la plupart des cas, rien n’empêche qu’un trait psychologique quel qu’il soit se pérennise et puisse marquer durablement l’expression d’un visage. Il convient donc de rechercher ce trait dans le reste du contexte. Notons qu’il joue lui aussi en faveur de la signification retenue, dans la mesure où l’on se représente plutôt l’expression d’un visage comme mobile et sujette au changement. On peut relever les verbes prendre et changer qui expriment le passage d’un état à un autre 257 , de surcroît dans une situation temporelle de référence ponctuelle, limitée dans la durée (comme en 2, 3 et 6). Ajoutons le rôle joué en 5 par le pluriel du mot air(s), qui exprime la réciprocité mais aussi la répétition des mimiques. La citation 2 présente un cas un peu particulier, puisque l’air est à la fois une expression observée dans le temps de la rencontre, et (en raison de l’emploi du déterminant possessif) une expression que le personnage a l’habitude de prendre.

En ce qui concerne les structures dans lesquelles entre le mot air, on peut noter la nominalisation de la citation 1 (l’air de Lourdois) et remarquer que la phrase de base avec avoir ne se présente pas telle quelle, mais avec des variantes. Ainsi les verbes prendre et changer, qui contribuent en contexte à souligner le trait « non durable », remplacent le verbe avoir en 2, 3 et 6. Notons en 2 la variante dans l’actualisation du mot air (son air) qui, par la relation d’appartenance qu’elle établit avec la personne, permet de donner à l’expression un caractère habituel, répétitif. Quant aux constructions « expressives » des citations 4 et 5, elles visent, en effaçant la nécessaire relation de détermination, à poser l’existence d’un air indépendant de la personne. Mais en fait la citation 4 peut être paraphrasée par « quand vous avez un air de doute et de mélancolie, vous êtes bien plus jolie », et la 5 équivaut à « ils avaient des airs entendus ».

  •  quelqu’un + verbe + avec / d’un air [+ constituant adjectival]
‘1. Camille regarda sa mère d’un air où se mêlaient la convoitise et l’inquiétude.
p. drieu la rochelle, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 21 (TLF, 42).’ ‘2. Les invités se regardaient avec un air, comme des gens au chaud dans une maison au bord de la mer un soir de tempête, qui n’aiment pas penser aux tourbillons que fabrique la nuit.
p. nizan, La Conspiration, 1938, p. 39 (TLF, 35).’ ‘3. Elle dépose son ouvrage sur la table, à côté de la grosse pelote noire, et demeure immobile, à le dévisager en silence, avec un air d’attente, ou d’anxiété, ou de peur.
a. robbe-grillet, Dans le labyrinthe, p. 194 (GR, 14. 2).’ ‘4. Pierrette dit d’un petit air canaille :
— J’espérais qu’il y aurait du champagne.
r. queneau, Loin de Rueil, 1944, p. 117 (TLF, 13).’ ‘5. — Eh bien ! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l’air dont il eût appelé le chirurgien pour l’opération la plus douloureuse, j’accède à votre demande.
stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 61 (TLF, 41).’ ‘6. Il faut voir de quel air il dit cela : gagner honorablement sa vie !
A. daudet, Le Petit Chose, I, IV (GR, 3).’ ‘7. Elle baissa les paupières avant de répondre, avec un air un peu grande sœur, très fille-du-monde, qui signifiait : « Mais voyons, c’est une question qui ne se pose pas », ...
h. de montherlant, Le Démon du bien, 1937 (TLF, 16).’ ‘8. Et lui présentant à la face une main mutilée, d’un air à épouvanter, il lui jeta le : « ton temps viendra ! » de Chenerailles.
h. pourrat, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 71 (TLF, 34).’ ‘9. Elle m’écoutait de l’air d’une personne qui s’amuse beaucoup (Maupassant). (GLLF)’ ‘10. J’ai l’air d’un propriétaire d’écurie de courses, d’un cercleux, d’un vieux marcheur, Justin s’était pris à tourner autour de notre ami, l’œil mi-clos, la lèvre inférieure, qu’il avait grosse et fendue, avancée d’un air méditatif. — Mais non, mais non, disait-il. C’est parfait. Tu n’as pas l’air d’un grand-duc. [je souligne l’occurrence concernée]
g. duhamel, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, p. 26 (TLF, 26).’ ‘11. ... mais il chantait si bien, en levant la tête vers le ciel d’un air désolé, que le froid m’entrait jusque dans les cheveux de l’entendre [...].
erckmann-chatrian, Histoire d’un paysan, t. 2, 1870, pp. 42-43 (TLF, 12).’ ‘12. Elle [la comtesse] ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée.
g. de maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, L’Inutile beauté, 1890, p. 1146 (TLF, 23).’

La signification « expression du visage » est liée à la caractérisation du mot air et / ou au lexème verbal auquel se rattache le syntagme nominal prépositionnel contenant le mot air, en fonction de complément de manière. Dans ce corpus, elle a nécessairement le trait « non durable », dans la mesure où l’air accompagne une action limitée dans le temps (ce qui évite d’avoir à questionner d’autres constituants plus ou moins fiables !). Quand la caractérisation renvoie directement à une disposition intérieure (désir, émotion, sentiment), le mot air prend naturellement la signification en question.

Ce type de caractérisation s’exprime à travers les différents constituants adjectivaux que nous avions relevés dans l’étude distributionnelle :

  •  l’adjectif : (un air) méditatif (10), désolé (11) ;
  •  le syntagme nominal prépositionnel du type de + nom abstrait sans article : (un air) d’attente, d’anxiété, de peur (3) ;
  •  le nom sans déterminant adjectivé : (un air) un peu grande sœur (7) ;
  •  le syntagme nominal prépositionnel du type de + nom de personne sans article, à valeur adjective : (un air) de reine irritée (12) ;
  •  le syntagme nominal prépositionnel du type de + article indéfini + nom de personne : (l’air) d’une personne qui s’amuse beaucoup (9) ;
  •  la subordonnée relative : avec un air où se mêlaient la convoitise et l’inquiétude (1).

L’adjectif méditatif en 10 dénote une disposition d’esprit, tandis que désolé en 11 et les syntagmes nominaux prépositionnels adjectivés du type (un air) d’attente, d’anxiété, de peur (3), renvoient à un état affectif. Avec un peu grande sœur (7), le nom de parenté sans déterminant précédé d’un quantifieur libère immédiatement, par contiguïté métonymique, certaines caractéristiques psychologiques qu’on peut associer à cette figure féminine (l’affection un peu condescendante par exemple). En 9, où le mot air est suivi d’un syntagme nominal prépositionnel qui renvoie à un type humain ((l’air) d’une personne qui s’amuse beaucoup ), le nom de personne est le mot... personne lui-même, qui nécessite un apport de caractérisation, et c’est la relative déterminative qui s’amuse beaucoup qui apporte le trait psychologique : il s’agit d’une disposition occasionnelle, qui permet de se représenter cette personne abstraite à travers un aspect très limité dans le temps. La totalité du syntagme est en voie d’adjectivation, comme dans l’air d’un laquais, par suite de l’affaiblissement de la fonction référentielle, et la propriété typique est particulièrement saillante. L’on est proche d’une complémentation du type (un air) de personne, de femme amusée, et peut-être même, en raison de la pauvreté lexicale du nom personne, d’un syntagme tel que (un air) d’amusement. Avec un air de reine irritée (12), le nom de personne, ayant un sens lexical spécifique, est suivi d’une expansion adjectivale facultative : c’est cet adjectif qui dénote l’état affectif (irritée). Mais le syntagme (un air) de reine, non actualisé, penche aussi fortement, on l’a vu, du côté de la caractérisation. Si bien que la combinatoire des deux lexèmes (reine irritée) évoque moins un type humain, que les caractéristiques qui s’en dégagent, faites de hauteur et de colère mêlées. Enfin en 1 (où se mêlaient la convoitise et l’inquiétude), on trouve deux noms abstraits de sentiments, qui auraient pu donner lieu à une construction du type (un air) de convoitise et d’inquiétude. La relative permet de souligner le caractère plus ou moins ambigu de cette association. Certaines caractérisations ne dénotent pas directement un trait affectif ou psychologique, mais l’impliquent. C’est le cas en 8 (d’un air à épouvanter), où l’infinitif prépositionnel à valeur d’adjectif (synonyme d’épouvantable) laisse deviner, derrière l’extrême réaction de peur, la violence des sentiments exprimés (que confirme la brusquerie de l’attitude verbale dénotée par le verbe jeter). Quant à l’exclamatif de 6, il traduit une intensité qu’on peut attribuer à l’expression de sentiments que le contexte doit permettre de préciser. Dans la construction un peu particulière de 2, c’est l’absence de caractérisation même qui souligne une particularité difficile à saisir en un seul mot, et qui est développée par la comparaison qui suit : de la situation décrite se dégage un vécu intérieur fait de sentiments aussi peu louables que le repli sur soi, l’indifférence et même la lâcheté. Enfin la relative de 5 (de l’air dont il eût appelé le chirurgien pour l’opération la plus douloureuse), décrit l’air de M. de Rênal par référence à une autre situation imaginée, dont on peut penser qu’elle suscite le sentiment de résignation le plus pénible qui soit.

Deux caractérisations semblent relever plutôt d’une évaluation sociale que psychologique : canaille (4) et fille-du-monde (7). On se rend compte que cette interprétation n’est pas incompatible avec le sens d’« expression du visage », dans la mesure où la caractérisation peut être investie affectivement. C’est le cas avec l’adjectif canaille, qui dénote une vulgarité plus ou moins teintée de complaisance, et pour le nom adjectivé fille-du-monde, qui implique la délicatesse des sentiments, des réactions. De plus, le syntagme très fille-du-monde présente la même structure, et se trouve mis sur le même plan que un peu grande sœur, qui renvoie, on vient de le voir, à une disposition affective. Et l’air ainsi caractérisé donne lieu à une interprétation explicite contenue dans la relative (qui signifiait : « Mais voyons, c’est une question qui ne se pose pas »), qui en donne le sens profond : l’intention de reproche du personnage. Indépendamment de ces données, il y a le contexte verbal (le verbe répondre qui sert de base au complément de manière, et surtout la mimique dénotée par le syntagme verbal qui précède, baissa les paupières). C’est précisément le rôle des supports verbaux que nous allons maintenant inventorier.

J’ai ordonné les citations en fonction de la nature sémantique de ces supports, et de leur plus ou moins grande affinité avec la signification « expression du visage ». On trouve d’abord (1, 2, 3) les verbes qui appartiennent au champ lexical du regard ((se) regarder, dévisager), et donnent directement à voir le visage, et particulièrement les yeux, qu’on peut considérer comme le lieu privilégié de l’expressivité. Ensuite viennent les verbes qui décrivent une situation de parole, qu’il s’agisse de l’activité langagière elle-même, avec les verbes dire (4, 5, 6), répondre (7), jeter au sens d’« émettre (un son, des paroles) avec une certaine force, une certaine brusquerie (PR) » (8), ou de la réception qui en est faite, avec écouter (9). De nos jours en effet, la parole est considérée comme le moyen d’expression par excellence, et une attention toute particulière est accordée à l’accompagnement physique de la parole, dans ce qu’il peut révéler de l’investissement du sujet 258 . Dans cette perspective, le visage, qui est la partie du corps qui traduit le plus immédiatement les affects, ne peut être qu’au centre de l’observation. Mais toute parole engage nécessairement, dans le temps même de sa réalisation, l’interlo­cuteur qu’elle vise et dont la réaction se manifeste corrélativement à travers l’expression du visage. En dehors de ces champs privilégiés du regard et de la parole, on peut relever des occurrences ponctuelles. Les citations 10 et 11 contiennent une sorte de plan rapproché sur le visage, qui s’effectue en 11 à travers le syntagme lever la tête (et le verbe chanter qui précède). Le grossissement est encore plus net en 10 avec le mouvement de la bouche (avancer la lèvre). En 12 en revanche, le contexte est moins déterminant, car la posture (demeurait étendue) concerne le corps tout entier. L’on peut seulement dire que cette posture n’est pas incompatible avec une notation relative à l’expression du personnage, dont l’immobilité, le silence aussi, ne peuvent être qu’en accord avec l’irritation « souveraine » qu’exprime le visage...

Il reste enfin un petit nombre d’occurrences qu’on ne peut négliger, et qui illustrent indiscutablement l’emploi de la construction avoir l’air + adjectif (accordé avec le mot air) :

‘1. Après le spectacle, elle avait l’air heureux. (GR)’ ‘2. Tous ont l’air triste (Flaubert). (PR)’ ‘3. Elle avait l’air très fâché (Hugo). (GLLF)’ ‘4. Et, en voulant arrêter mes larmes, elle avait l’air aussi inquiet que si c’eût été des flots de sang (Proust). (GLLF)’ ‘5. Maman souriait, mais elle avait l’air soucieux et fatigué (Duhamel). (GLLF)’

La plupart de ces exemples proviennent du GLLF, qui les présente, on s’en souvient peut-être, en dehors de l’article, dans un tardif commentaire sur la séquence avoir l’air. Le PR et le GR n’en offrent qu’un chacun, et l’on n’en trouve aucun dans le TLF. Tout cela incite à penser que cette structure n’est pas aussi représentative que les deux autres de la signification « expression non durable du visage ».

Le trait « expression » est avant tout lié aux caractérisations du mot air, de nature psychologique (dans la citation 5, la première proposition attire l’attention sur le visage (Maman souriait). Et cette expression est non durable, dans la mesure où ces caractérisations dénotent plutôt des dispositions, des états (fâché, fatigué, inquiet, soucieux, triste, heureux), dont le contexte vient souligner le caractère limité dans le temps 259 . Ce peut être par une indication temporelle (après le spectacle en 1, en voulant arrêter mes larmes en 4, maman souriait en 5), par un adverbe intensif (très, en 3), et même par le trait de pluralité du pronom tous en 2 (on ne peut guère imaginer qu’un ensemble de personnes aient l’air triste en permanence !).

On peut penser que la structure attributive retenue dans ces exemples n’est pas la mieux appropriée à cette signification d’« expression non durable », dans la mesure où elle attache, par l’article défini, le mot air au support, alors qu’il ne représente pas une constante de la personne, et le dissocie de la caractérisation, à laquelle il est lié dans le temps. De ce point de vue, la structure quelqu’un a un air + constituant adjectival (ex. : elle avait un air soucieux), qui individualise un air parmi d’autres, en le considérant sous l’angle de sa qualification, semble mieux adaptée au caractère transitoire de l’expression qui se manifeste sur un visage. La relative inadéquation de cette structure explique peut-être la rareté des exemples qui l’illustrent. Mais on peut, de ce fait, lui reconnaître une certaine expressivité. En déliant le mot air du constituant adjectival, et en établissant entre eux une relation de prédication, elle présente le premier comme présupposé, et confère à la caractérisation le statut de l’information de premier plan. Ainsi se trouve mis en relief l’état psychologique de la personne, et, suggéré, l’intérêt qu’on y prend (ce qui est sensible dans des contextes tels que ceux des citations 4 et 5).

On peut aligner, me semble-t-il, sur ce modèle avoir l’air + adjectif, des syntagmes verbaux tels que :

‘se donner, prendre l’air sévère (GR)’

dans lesquels les verbes se donner et prendre auraient également une construction avec attribut de l’objet. Là encore, la caractérisation psychologique et le sémantisme des verbes conduisent assez naturellement à la signification « expression du visage » 260 .

Par acquit de conscience, je citerai enfin une construction que le TLF extrait d’un dictionnaire d’argot :

‘Se donner ou avoir de l’air, avoir un air chagrin.
g. delesalle, Dict. argot-français et français-argot, 1896, p. 8 (TLF, 46).’

dans laquelle le mot air, précédé de l’article partitif, fait corps en quelque sorte avec une caractérisation implicite, puisque l’équivalent donné au syntagme de l’air est « un air chagrin ». En raison du sémantisme de l’adjectif, et de la collocation verbale (se donner), le sens retenu ici a toute chance d’être « expression du visage non durable ».

Notes
256.

. À partir de maintenant, nous adoptons définitivement la présentation suivante : chaque citation est introduite par un numéro, qui remplace l’éventuelle numérotation d’origine, rappelée après la référence d’auteur, entre parenthèses (à la suite de la mention du dictionnaire).

257.

. On remarquera que des syntagmes verbaux comme se donner, prendre un air sévère (GR), qui conjuguent à la fois une caractérisation psychologique et un verbe de changement, même donnés hors contextes, conduisent assez naturellement à interpré­ter le mot air dans le sens d’« expression du visage non durable ».

258.

. La prise en compte du matériau non verbal par les spécialistes de l’analyse conversationnelle est là pour en témoigner (voir C. Kerbrat-Orecchioni, 1990, p. 133 et suiv.) !

259.

. On notera que, même dans un énoncé aussi sobre que Il avait l’air content (GR), et en l’absence de marque d’accord, la caractérisation peut justifier, à elle seule, l’interprétation.

260.

. Voir la note 75.