4 – Apparence générale expressive

Les analyses menées jusqu’à présent ont eu comme point de départ les définitions 1 et 2 proposées par le PR, et m’ont conduite à distinguer deux significations du mot air relatives à l’apparence de la personne : l’expression du visage et l’apparence générale. Après l’étude qui précède portant sur l’apparence générale, je suis en mesure de proposer une reformulation plus complète des traits sémantiques qui les distinguent l’une de l’autre :

  1. apparence d’une personne + générale (espace) + habituelle (temps) + sociale
  2. apparence d’une personne + locale (espace) + plus ou moins durable (temps) + expressive (psychologique)

À l’opposition des traits relatifs à l’espace / temps (« générale » / « locale » et « habituelle » / « plus ou moins durable ») vient s’adjoin­dre la distinction entre les traits « expressive » et « sociale ». L’expression du visage, plutôt perçue comme mobile (ce qui n’exclut pas que le trait « durable » apparaisse dans certains emplois), renvoie à l’intériorité, à la psychologie du sujet, tandis que l’apparence générale représente de manière stable l’image sociale de la personne, la manière dont elle se présente à autrui. Si, dans le premier cas, on privilégie le visage, parfois aussi la voix, les gestes, c’est-à-dire tout ce qui contribue à faire connaître les dispositions intérieures de la personne, dans le cas de l’apparence sociale, c’est, à travers la tenue, le maintien, les manières, le corps entier qui est pris en compte, dans tout ce qui est susceptible de lui donner son image vis-à-vis d’autrui. Il peut arriver que les deux significations trouvent un champ d’observation commun, par exemple lorsque l’apparence expressive s’étend à la partie haute du corps (et plus encore si elle a le trait « durable ») et que l’apparence sociale se limite à la personne en buste. Mais dans un cas, l’on cherchera plutôt dans la voix et la gestuelle les signes d’une émotion, d’un sentiment, d’un caractère, alors que dans l’autre, on relèvera par exemple les indices physiques et vestimentaires qui peuvent révéler telle ou telle appartenance sociale. On peut même aller plus loin, si l’on considère qu’un même aspect peut faire l’objet de regards différents. Il en est ainsi des mouvements du corps qui peuvent être inclus dans l’une et l’autre apparence, dans la mesure où ils sont de nature à la fois expressive et sociale. Dans le premier cas, on parlera plutôt de gestes (le mot se trouve dans la définition de l’apparence expressive), alors que dans le second, ces mouvements seront considérés comme des manières. Ces deux significations du mot air distinguent donc assez clairement le sujet psychique d’un côté, et de l’autre, le sujet social.

Mais cette distinction s’avère insuffisante. Il y a en effet des exemples qu’il ne m’a pas été possible de rattacher à l’une ou l’autre de ces significations. Je livre le corpus de ces occurrences coriaces :

‘1. Il [l’abbé] quitta instantanément son aspect bonhomme, et prit son air sacerdotal...
g. de maupassant, Une Vie, 1883, p. 177 (TLF, 4).’ ‘2. Non. Sous le faux air virginal
Je vois l’être inepte et vénal,
Mais c’est le rôle seul que j’aime.
ch. cros, Le Coffret de Santal, Sonnet, 1873, p. 101 (TLF, 2).’ ‘3. ... il fallait être bien perspicace, ou averti autant que l’était Fleurissoire, pour découvrir sous la jovialité de son air, une discrète onction cardinale.
a. gide, Les Caves du Vatican, 1914, p. 800 (TLF, 44).’ ‘4. ... et tout, de Magnin, l’intéressait : son absence d’aisance, son apparente distraction, son air « sur les dents », son aspect de contremaître supérieur (il était, en fait, ingénieur de Centrale), l’énergie évidente et ordonnée qui s’agitait sous ses rondes lunettes ahuries.
a. malraux, L’Espoir, 1937, p. 528 (TLF, 38).’ ‘5. ... [considérez ... les personnages] ... leur ligne irréprochable, leur air figé, leur expression de foi fixe et profonde...
h. taine, Philosophie de l’art, t. 2, 1865, p. 17 (TLF, 11).’ ‘6. L’air de la réussite, quand il est porté d’une certaine manière, rendrait un âne enragé.
a. camus, La Chute, 1956, p. 1514 (TLF, 19).’ ‘7. Il retenait longtemps dans son bureau les clients qui venaient le voir, parlait beaucoup, revenait sur un point déjà examiné comme pour racheter son air de jeunesse et son défaut d’expérience par la grâce d’une conversation aimable et une grande attention à chaque affaire.
j. chardonne, L’Épithalame, 1921, p. 159 (TLF, 18).’ ‘8. L’air tiède et le soleil donnaient aux hommes des airs de fête, aux femmes des airs d’amour, faisaient cabrioler les gamins et les marmitons blancs (...)
maupassant, Fort comme la mort, I, III, éd. 1889, p. 90 (GR, 14. 1).’ ‘9. Des gens impossibles, malgré leurs airs dignes (Martin du Gard) (GLLF).’ ‘10. Mais j’aimais mieux avoir l’air de celui qui sait que de celui qui questionne.
m. proust, À la Recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 1097 (TLF, 29).’

Je précise que j’ai introduit les citations 8 et 9, qui contiennent le mot airs au pluriel, dans la mesure où je donne un sens distributif (plus qu’une valeur d’emphase) à cette marque de nombre. D’autre part, la citation 10 contient la séquence avoir l’air, retenue ici en tant que structure attributive, puisque cette lecture ne peut être écartée.

On pourrait ajouter à ce corpus certaines collocations du mot air proposées par le GR, et qui m’avaient paru un peu égarées parmi les caractérisations de nature psychologique. Les voici :

Il n’y a qu’un air de vérité que je ne retiendrai pas, cette caractérisation ne me paraissant pas appropriée à l’air d’une personne (la collocation la plus usuelle serait un accent de vérité, citée dans le PR). Je parlerai plutôt d’un air de sincérité.

Certaines de ces collocations sont présentes dans notre corpus (un air de fête, un air de jeunesse). Les autres peuvent en être rapprochées. Ainsi un air noble, un air de grandeur, et, dans une moindre mesure, un air affecté, font penser à l’adjectif dignes de la citation 9. L’air d’extrava­gance, comme l’air de fête, évoquent un état qui s’associe à un fait, un événement, qui sort du cadre de vie, des normes habituelles. L’air maladif a en commun avec l’air de jeunesse, de renvoyer à un état physique de la personne. Je me contenterai de souligner ces similitudes sans intégrer ces syntagmes dans mon étude, celle-ci devant s’appuyer, comme nous allons le voir, sur une étude fine du contexte.

Voyons donc le corpus de citations. La plupart des contextes nous amènent à considérer l’apparence générale de la personne, par défaut d’abord, puisqu’il n’y a quasiment pas d’indication relative au visage 278 , mais aussi à travers un certain nombre d’indices positifs. Ainsi le mot air se trouve mis en relation, en 1 et en 4, avec aspect, qui dénote l’apparence générale. Dans le premier cas, la relation synonymique est clairement établie par la succession des verbes quitta et prit. En 4, les deux mots sont au voisinage l’un de l’autre – le mot aspect qui vient en seconde position empêchant, me semble-t-il, de ce fait le rapprochement (et la contamination), en fin d’énumération, de l’air et du regard (l’énergie évidente et ordonnée qui s’agitait sous ses rondes lunettes ahuries). En 2, le mot air s’oppose, par le trait « extériorité », à être, qui engage toute la personne (intérieure). De plus, la préposition sous implique la saisie d’une certaine étendue : il me semble que, s’il s’agissait de l’expression du visage, on dirait plutôt derrière son air joyeux (se lisait une grande tristesse), par exemple. C’est cette préposition qu’on retrouve en 3 (sous la jovialité de son air), où l’on doit rétablir l’interprétation « sous son air jovial ». En 5, l’évocation de la ligne (du corps) précède le mot air, de surcroît dans un contexte pictural qui impose une saisie « en pied » des personnages. Quant au syntagme qui suit, leur expression de foi fixe et profonde (la fixité de l’expression faisant écho au figement de l’air), il peut d’autant plus concerner la personne entière qu’il s’agit d’une attitude de piété. Dans la citation 8, c’est tout le contexte qui se présente en plan éloigné, avec une description qui s’ouvre sur l’air tiède et le soleil, la mise en scène d’une pluralité de personnages, sans compter l’évocation de cabrioles qui mobilisent la totalité du corps. Il serait curieux que, dans une telle vue d’ensemble, on se donnât les moyens de scruter avec minutie l’expression des visages... En 7, les verbes montrent le personnage en action, dans ses rapports avec autrui (il retenait les clients, parlait, revenait sur un point), ce qui incite à se représenter une image « en pied ». Restent les citations 6, 9 et 10 qui ne contiennent pas d’indices décisifs. Dans les trois cas, on peut toutefois s’appuyer sur le fait que rien dans le contexte n’incite à retenir préférentiellement la signification restreinte « expression du visage ». C’est le critère par défaut que j’évoquais au début. En 6 et 9, on peut invoquer le trait « durable » qui se dégage du contexte (j’y reviendrai), moins favorable à l’expression du visage. Quant aux caractérisations ((l’air) de la réussite, (leurs airs) dignes), qui ne manquent pas d’ambiguïté comme nous le verrons, elles ont un côté « social » qui peut intéresser la totalité de l’apparence de la personne. L’exemple 10 est sans conteste le plus retors. La difficulté se présente de choisir entre l’une ou l’autre interprétation du mot air : expression du visage ou apparence générale ? Les syntagmes nominaux prépositionnels ne renvoyant pas à un type social, et le contexte balançant entre les traits « durable » et « non durable », il n’y a pas d’indice fiable, sinon la référence indéterminée du pronom démonstratif, qui fait qu’on a peut-être plus de mal à se représenter l’expression du visage d’une personne abstraite que son apparence générale...

Venons-en aux caractérisations du mot air, qui prennent la forme suivante :

Ajoutons que dans la citation 3, la combinatoire syntaxique se trouve inversée, puisque la caractérisation prend la forme d’un nom abstrait auquel le mot air se trouve subordonné (la jovialité de son air).

Voyons maintenant ce que donne un classement sémantique. Certaines caractérisations relèvent du champ social (au sens large du terme). Les deux adjectifs sacerdotal et virginal, en tant qu’adjectifs de relation, renvoient à un type social, défini par la fonction (prêtre) et le comportement sexuel (vierge). Ces adjectifs sont proches de syntagmes nominaux prépositionnels contenant un nom de personne, du type (un air) de prêtre, de vierge. On peut citer aussi le syntagme nominal prépositionnel de la réussite, qui exprime l’évaluation positive d’une activité professionnelle ou sociale. L’adjectif dignes se rapproche par certains aspects de l’expression comme il faut : il n’exclut pas les manières, le comportement de la personne. Enfin la qualification de jeunesse renvoie à une classe d’âge. L’expression adjectivale sur les dents (« être sur le qui-vive, très occupé » (PR)), touche au comportement, à l’activité, alors que l’adjectif figé dénote l’immobilité, la fixité (il s’agit ici de personnages de tableaux). Les autres caractérisations sont de nature psychologique, qu’il s’agisse de la gaieté (jovialité, de fête), de l’amour, du respect de soi (on retrouve ici l’adjectif dignes). Les syntagmes nominaux prépositionnels (de celui qui sait, de celui qui questionne) sont relatifs à l’activité de l’esprit et à l’attitude langagière. À première vue, on peut conclure à l’hétérogénéité des caractérisations présentes dans ce corpus. Mais une analyse plus fine permet de déceler le fil conducteur qui les relie. Si l’on revient sur les caractérisations dites « sociales », on s’aperçoit qu’elles ont une forte implication psychologique. Les adjectifs de relation sacerdotal et virginal jouent en effet à la fois sur la référence sociale et (par métonymie) sur les caractéristiques qui s’y attachent : or les figures retenues (le prêtre, la vierge) sont particulièrement chargées d’implications morales, de résonances intérieures. En contexte, ces adjectifs s’opposent d’ailleurs à des caractérisations psychologiques. À l’aspect bonhomme de 1 fait place un air sacerdotal qu’on peut imaginer empreint de gravité, de solennité religieuse. En 2, le faux air virginal, qui ne peut masquer les vices de l’être intérieur (inepte et vénal), évoque une illusoire pureté. Prenons l’exemple 6 : comment peut-on porter l’air de la réussite (c’est-à-dire l’« avoir sur soi » (PR)) autrement qu’en manifestant le sentiment de satisfaction (pris en mauvaise part dans ce contexte) qui l’accompagne ? Quant à l’air de jeunesse (7), associé au défaut d’expérience, il ne se contente pas de délimiter un temps de vie, mais fait soupçonner une immaturité que le personnage s’efforce précisément de racheter 279 . Passons à l’expression sur les dents en 4 : elle traduit, en même temps que le comportement affairé du personnage, la disposition intérieure, faite d’attente et d’anxiété, de celui qui s’apprête toujours à faire front. Le contexte contient d’ailleurs d’autres indications sur la personnalité de l’individu (absence d’aisance, distraction, énergie évidente et ordonnée). L’air figé de la citation 5, relayé par l’expression de foi fixe et profonde, est aussi là pour évoquer une attitude intérieure des personnages, qui peut être, selon l’interprétation qu’on en fait, l’attente, la prière, la contemplation, que sais-je encore ? Enfin l’adjectif dignes joue naturellement sur les deux tableaux, à travers la double composante sociale et morale qui le caractérise. Toutes les caractéri­sations de ce corpus renvoient donc bien à des traits de caractère, à des dispositions intérieures. Dans cette mesure, l’on peut dire que l’apparence générale de la personne est expressive. En tant que telle, elle ne peut qu’impliquer l’expression du visage, mais sans lui donner un rôle de premier plan. Tout se passe comme si l’expressivité pouvait se répandre de façon diffuse sur la personne entière... Dans cette mesure d’ailleurs, un certain nombre des caractérisations retenues dans l’étude de l’expression du visage pourraient également convenir ici, en particulier celles relatives à l’état psychologique et à la relation à autrui.

La phrase de Maupassant précédemment citée fournit une assez bonne illustration de l’analyse qui vient d’être faite :

‘Sa robe noire, étroite, la faisait très mince, lui donnait l’air tout jeune, un air grave pourtant que démentait sa tête souriante, toute éclairée par ses cheveux blonds. (GR, 11. 1)
maupassant, Fort comme la mort, I, 1, éd. 1889, p. 20 (GR, 11. 1).’

Comme on l’a vu en étudiant la première occurrence, le vêtement dessine une silhouette mince qui donne au personnage son air tout jeune. Il s’agit de l’apparence générale « sociale », qui laisse deviner l’âge approximatif de la jeune femme, dont elle souligne la jeunesse, rendant ainsi sensibles les impressions positives qui s’y attachent. Aussitôt après, le mot air est repris, et caractérisé par l’adjectif grave. Il s’agit donc toujours de l’apparence générale, mais vue cette fois dans son caractère expressif. Cette interprétation se trouve même confortée ici par le fait que la tête souriante de la jeune femme dément cette gravité, exprime tout autre chose. Il est donc impossible (en admettant que, nonobstant le phénomène de reprise, on fût tenté de le faire !) de donner à cette seconde occurrence du mot air la signification restreinte d’« expression du visage ». Cet exemple suggère très bien, par la souplesse de construction que permet l’apposition, ce que les deux airs ont en commun (ils renvoient à l’apparence générale), et comment on peut glisser de l’un à l’autre, en mettant en contraste une apparence sociale (déjà évocatrice) et une apparence expressive.

Cette apparence se présente, dans la plupart des exemples, comme durable. C’est le cas en 2, où l’air est opposé à l’être, en 3, où il recouvre une onction constitutive de l’individu, en 4 et en 7, où l’on campe le portrait de personnages, ainsi qu’en 9, où la description est plus succincte. Je retiens aussi l’exemple 1, dans lequel l’aspect bonhomme et l’air sacerdotal, même s’ils peuvent se substituer l’un à l’autre, sont des appa­rences habituelles du personnage, qui en change selon les circonstances. La citation 6 dénonce, de manière générale, l’air de la réussite. Même posée dans l’abstrait, cette apparence a le trait « durable », qu’impliquent la situation de référence (une réussite sociale ou professionnelle s’inscrit dans une certaine durée) et le verbe d’état (porter). Plus rarement, l’air peut être lié à une situation particulière. Ainsi en 8, l’apparence des personnages leur est donnée par l’atmosphère (l’air tiède et le soleil) dans laquelle se déroule la scène. Les deux citations restantes sont plus ambiguës. En 10, le contenu des relatives peut convenir aussi bien à une situation de communication limitée dans le temps qu’à un mode relationnel plus ou moins permanent. La citation 5 doit être mise à part. L’on peut penser que l’artiste a voulu fixer une posture des personnages dans une situation donnée, mais comme, en tant que personnages de tableau, ils n’en auront jamais d’autre, cette apparence prend un caractère de permanence, sinon d’atemporalité...

Venons-en aux structures dans lesquelles se trouve le mot air dans ce corpus. J’en donnerai le classement suivant :

  •  la structure de base avec avoir, qui se présente à travers deux variantes : la variante causative (avec le verbe donner) en 8, et la variante avec prendre (1), qui joue aussi sur un changement de déterminant, le possessif prenant la place de l’article indéfini ;
  •  la nominalisation, avec les syntagmes du type déterminant possessif + air, son air (3, 4 et 7), leur air (5), leurs airs (9) ; on peut aussi ajouter l’occurrence de 2, dans laquelle l’article défini, on l’a vu, introduit une anaphore associative et équivaut à « son air » ; on peut ajouter le syntagme nominal à valeur générique l’air de la réussite (6), si l’on admet qu’il représente une structure de nominalisation par effacement (soit * l’air de la réussite de on), cet effacement étant réitéré au niveau du complément d’agent du verbe passif est porté (* par on) ; quant à la citation 10, elle présente un cas de nominalisation enchâssée, le mot air étant suivi d’un syntagme pronominal prépositionnel renvoyant à une personne indéterminée (l’air de celui qui sait, celui qui questionne).

Ce corpus privilégie la nominalisation : la forme simple (l’air de quelqu’un) est la plus représentée, puisque la nominalisation enchâssée n’est illustrée que dans la citation 10 (dont l’interprétation reste incertaine). Il n’est pas sans intérêt de rappeler que cette structure était également dominante dans le corpus relatif à l’« expression durable ». Or le trait « durable » caractérise également toutes les nominalisations (de forme simple) 280 , présentes dans le corpus que nous venons d’étudier. Il semble donc bien qu’il y ait une affinité entre ce trait et le choix d’une structure qui donne comme préconstruite la relation d’appartenance de l’air à la personne. Mais il convient d’ajouter une caractéristique spécifique de ce corpus. C’est que ces structures de nominalisation incluent régulièrement le constituant adjectival du mot air, dans des syntagmes du type son air « sur les dents », leurs airs dignes. Notons que cette qualification se retrouve dans la construction inversée la jovialité de son air (une occurrence dans le corpus). Les caractérisations ne sont donc pas posées en discours, et ne font pas l’objet d’une prédication qui les détacherait du mot air. L’air se trouve rattaché à la personne en même temps que le trait psychologique qui le caractérise, ce qui correspond assez bien au fait que ce trait fait partie intégrante de la personne, est une constante de son caractère. Il ne reste donc que deux citations pour illustrer la structure de base avec avoir. On la trouve en 8, dans l’un des rares contextes (sinon l’unique) où le mot air, on l’a vu, a le trait « non durable ». Ce trait est souligné par la construction causative, qui met en jeu des agents naturels (air, soleil) dont l’influence ne peut être que limitée dans le temps. Or on se souvient peut-être que cette structure simple, et la structure complexe qui en dérive (verbe + avec / d’un air + constituant adjectival), sont précisément les structures de prédilection des contextes dans lesquels le mot air signifie « expression non durable ». L’affinité du trait « non durable » avec ce type de structure se trouve donc confirmée ici. L’exemple 1 est un peu plus complexe. L’air est une apparence durable de la personne, ce qui explique la présence du déterminant possessif, mais il présente la même mobilité, soulignée par l’adverbe instantanément de la proposition précédente, qu’une expression non durable. C’est ce trait que met en valeur la structure de base, avec l’emploi du verbe prendre. Ajoutons enfin que, si elle n’est pas représentée dans ce corps, la construction avec l’attribut de l’objet reste possible (par exemple, il a l’air sacerdotal, il a l’air « sur les dents »).

La mise en place de cette signification d’« apparence générale expressive » m’a paru nécessaire pour rendre compte d’un certain nombre d’occurrences du mot air, qui ne s’accommodaient pas de la distinction, relativement tranchée, entre l’apparence générale sociale et l’apparence du visage expressive. Tenant l’équilibre entre ces deux apparences, empruntant des traits de l’une et de l’autre, cette nouvelle signification n’est pas exempte de tensions et d’instabilité. D’un côté, on peut la définir comme une apparence générale, plutôt durable, et de l’autre, comme une apparence expressive, qui manifeste le caractère, les dispositions intérieures de la personne. Cet assemblage de traits venus de deux pôles sémantiques quasiment opposés impose un certain nombre de réajustements. Ainsi la perception de l’apparence générale ne sera pas exactement la même selon qu’on passe d’une signification à l’autre. Dans le cas de l’apparence sociale, le corps, on l’a vu, est très présent, et comme mis en scène à travers l’habillement, le maintien, les manières. Avec l’apparence générale expressive, dans la mesure où l’on s’attache davantage aux indices psychologiques, on peut penser que les traits les plus matériels sont moins prégnants. Ainsi le maintien, les gestes, les mouvements de la personne auront tendance à l’emporter sur la tenue vestimentaire, et l’expression du visage devra naturellement être prise en compte. Cette signification n’est plus alors très éloignée de l’« expression durable », qui, dans certains emplois du mot air, englobait la partie haute du corps... Elle peut même se rapprocher, dans les rares cas où elle prend le trait « non durable », de l’expression mobile du visage. D’un autre côté, cette apparence générale peut conserver une composante sociale, tournée vers l’extérieur, et l’expression du visage pourra faire partie des manières destinées à la vue d’autrui. Notre corpus illustre assez bien cet équilibre instable. Ainsi avec les citations 4 et 7, l’air est un élément qui contribue à faire connaître le caractère du personnage, à mieux cerner sa personnalité, et l’apparence générale est avant tout liée à l’expressivité. C’est encore le cas, lorsque l’air, dans une situation particulière, comme en 8 ou dans le contexte pictural de 5, manifeste l’humeur ou la disposition intérieure des personnages. Mais dans les autres citations, il s’agit aussi, sinon plus, d’une apparence qui destine ce qu’elle exprime à la vue d’autrui. C’est le cas en 10, si l’on comprend que le sujet se donne l’air qui traduit l’attitude qui lui est la plus avantageuse dans sa relation à autrui. En 9, si la dignité correspond au sentiment de respect que l’on porte à soi-même, elle vise aussi, à travers l’apparence et les manières, à inspirer aux autres ce même sentiment 281 . L’air de la réussite (6) – porté comme un vêtement, une parure, une décoration – est là pour être vu, pour faire montre d’un statut social et du contentement qu’on en tire. À un point tel que la réaction ne se fait pas attendre, hyperboliquement assumée par l’être le moins subtil qui soit, l’âne qui en devient enragé ! Passons à l’ecclésiastique de la citation 1, qui entend se donner une apparence conforme au ministère qu’il exerce. Cette apparence est à la fois sociale (il compose son maintien et son visage) et expressive (elle dénote une attitude intérieure, une présence morale), l’adjectif de relation jouant très bien, on l’a vu, sur ce double aspect. Mais l’expression n’est pas là pour révéler des sentiments personnels ; elle fait partie du personnage social qui implique une contenance à la fois extérieure et intérieure. L’apparence est d’autant plus tournée vers autrui que ce qu’elle exprime n’atteint pas certains plans plus profonds de l’être, ou même s’oppose à sa vraie nature. Il s’agit d’une apparence de surface, qui ne fait plus corps pour ainsi dire avec la personne, comme en témoigne la préposition sous qui précède le mot air dans les citations 2 et 3. En 3, la jovialité de l’air recouvre une autre manière d’être plus intérieure, qui, elle, ne se donne pas à voir (une discrète onction cardinale). En 2, l’apparence est à la fois sociale et morale (on retrouve dans virginal la valeur de l’adjectif de relation), mais tout cela n’est qu’un comportement extérieur (un rôle), qui permet de travestir la vérité de l’être. On notera que dans les deux cas, il est fait mention d’un témoin qui voit, qui découvre, et dont on souligne en 3 le discernement (perspicace, averti).

Ayant essayé de démêler les fils sémantiques de cette troisième signification du mot air – obtenue par le croisement des deux autres – que j’appelle l’apparence générale expressive et dont il n’y a trace dans aucune définition de dictionnaire, je suis évidemment curieuse de savoir si on peut lui reconnaître d’autres applications dans le corpus d’exemples.

Je crois qu’on peut d’abord lui rattacher l’expression :

‘Un air de ne pas y toucher (TLF).’ ‘Pauliet était habile et avec son air de n’y pas toucher il avait l’art de poser les questions.
p.-j. jouve, La Scène capitale, 1935, p. 219 (TLF, 31).’

Dans ces constructions, le syntagme infinitival prépositionnel, à valeur métaphorique (qu’on retrouve dans le composé nominal sainte nitouche), tend à prendre une fonction de caractérisation. Le PR lui donne comme définition « faussement ingénu ». Peut-être cela vient-il du substrat de la lecture littérale de la construction infinitive (avec le verbe toucher), ou encore du figement de la séquence, mais il me semble qu’on ne saurait réduire ici le mot air à la seule expression du visage, et que la personne est vue dans son apparence générale. Ainsi, dans la citation du TLF, on se représente tout à la fois l’expression, la voix, les gestes, peut-être même les paroles, du personnage. La caractérisation se veut psychologique, mais ce qui s’exprime est entièrement tourné vers autrui et destiné à donner le change. On reconnaît là un trait caractéristique de certaines occurrences de notre corpus. Cette apparence peut être durable ou occasionnelle. Dans la citation proposée, elle est liée à des situations de parole répétées, dans lesquelles se manifeste une aptitude qui fait partie du personnage (comme le suggère le déterminant possessif).

En revanche, quitte à « avoir l’air » de couper les cheveux en quatre, il ne me semble pas possible de proposer cette interprétation pour les expressions :

‘Sans avoir l’air d’y toucher : discrètement (PR).’ ‘N’avoir pas l’air d’y toucher : dissimuler ses sentiments exacts sous une apparence anodine (GLLF).’

La différence avec les constructions précédentes réside dans l’emploi de la négation, qui, au lieu de porter sur l’infinitif (de n’y pas toucher), vient se placer devant la séquence avoir l’air (sans avoir l’air, n’avoir pas l’air). Cela contribue, me semble-t-il, à affaiblir la saillance lexicale du mot air, et à l’associer plus étroitement au verbe avoir. On notera que les dictionnaires, soit apportent une interprétation synthétique de l’expression (PR), soit donnent le simple synonyme apparence, relégué de surcroît dans une séquence secondaire de la définition. Ces expressions auront plutôt leur place dans l’étude consacrée à la locution avoir l’air.

L’expression (n’avoir) l’air de rien peut également, dans certains de ses emplois, être rattachée à la signification d’« apparence expressive ». Malheureusement, elle se présente comme polysémique, et ne peut relever d’un traitement sémantique (et syntaxique) homogène. Il convient donc au préalable de démêler les différentes interprétations et structures qu’elle est susceptible de recouvrir. Je livre la totalité du corpus :

‘N’avoir l’air de rien : paraître ne pas penser à une chose, alors même qu’on y pense (GLLF).’ ‘L’air de rien : sans rien manifester (de ses intentions) (GR).’ ‘Un air de rien qui ne trompe personne : un air indifférent, sans intentions précises (GR).’ ‘(N’avoir) l’air de rien. « Ne pas se faire remarquer. Il n’a l’air de rien, mais il pense à tout. » (dub.) ( TLF ). ’ ‘Sans avoir l’air de rien [...] : discrètement (PR).’

Nous voilà de nouveau en présence de cette incontournable (et exaspérante) séquence avoir l’air, et de son ambivalence toujours renou­velée... On remarque d’abord que l’expression n’avoir l’air de rien donne lieu à deux types d’interprétation, soit :

‘N’avoir l’air de rien : paraître ne pas penser à une chose, alors même qu’on y pense (GLLF).’ ‘(N’avoir) l’air de rien.« Ne pas se faire remarquer. Il n’a l’air de rien, mais il pense à tout. » (dub.) ( TLF ). ’ ‘Sans avoir l’air de rien [...] : discrètement (PR).’

De toute façon, la personne a une apparence qui ne correspond pas à la réalité. Mais dans le premier cas, on est en présence de quelqu’un qui cache sous une apparence de désintérêt, d’indifférence, des dispositions, des intentions contraires. Cette interprétation correspond à la définition ci-dessus du GLLF, mais aussi aux définitions proposées par le GR pour l’air de rien, un air de rien qui ne trompe personne. Dans l’autre cas, la personne a de la réserve, de la retenue, elle n’attire pas l’attention, alors qu’elle a une valeur réelle (ainsi on peut dire : Il n’a l’air de rien, mais il pense à tout). L’une cherche à dissimuler, alors que l’autre ne cherche pas à se mettre en valeur. Dans les deux cas, le syntagme pronominal prépositionnel de rien doit être pris dans un sens figuré, dérivé du trait négatif qu’il contient. Dans la première interprétation, les traits « psychologique » et « intentionnalité » sont dominants. On peut penser que la personne agit sur son air, de façon précisément à le rendre inexpressif. La lecture qui convient ici est celle qui confère au mot air son autonomie sémantique et syntaxique. Le syntagme pronominal prépositionnel de rien, rapportant l’air à une valeur nulle, signifie que cet air ne peut être caractérisé, qu’on ne peut rien en dire. Ce qui conduit facilement à l’interprétation métonymique selon laquelle cet air est absent, indifférent. On peut donc considérer ce constituant comme l’équivalent d’un adjectif. La structure n’avoir l’air de rien se laisse alors analyser comme une construction attributive du type avoir + l’air + attribut (de rien). Dans la seconde interprétation, les traits « psychologique » et « intentionnalité » s’effacent. La personne donne l’impression qu’elle ne peut être comparée, assimilée à rien (nouvel avatar de la valeur nulle), et donc qu’elle est insignifiante, dépourvue d’intérêt. Le syntagme pronominal prépositionnel de rien est appliqué à la personne entière par l’intermédiaire de la locution avoir l’air. Le trait de « subjectivité » qui s’attache à cette locution est d’autant plus présent, que l’expression donne lieu à un retournement argumentatif qui introduit en opposition le jugement de réalité (Il n’a l’air de rien, mais...). Je propose donc de traiter de façon disjointe les deux structures, en ne retenant ici que la construction attributive dans laquelle le mot air garde son statut de lexème plein. Les expressions qui relèvent de la seconde interprétation feront partie des emplois locutionnels du mot air, dont nous traiterons ultérieurement.

Je regroupe donc ici seulement les expressions qui relèvent de la première interprétation :

‘N’avoir l’air de rien : paraître ne pas penser à une chose, alors même qu’on y pense (GLLF).’ ‘L’air de rien : sans rien manifester (de ses intentions) (GR).’ ‘Un air de rien qui ne trompe personne : un air indifférent, sans intentions précises (GR).’

Le mot air contient le trait « expressivité », puisqu’il dénote une apparence qui fait paraître un – ou plutôt une absence de – sentiment. Et le trait « extériorité » est ici d’autant plus fort que cette apparence s’oppose à la réalité de l’état intérieur de la personne. On peut hésiter entre l’apparence générale expressive et l’expression du visage. Il me semble que la forte lexicalisation de ces séquences joue plutôt en faveur de la première signification, plus floue, moins restrictive. Il n’empêche que la signification d’expression du visage reste disponible pour peu qu’un contexte favorable vienne l’activer, comme celui de la citation suivante :

‘Maman, qui se vante d’avoir des antennes, s’arrête pour observer, d’un air de rien gros comme une maison, espérant passer inaperçue avec son manteau bleu ciel, son canotier rouge et ses diamants.
Benoîte et Flora groult, Journal à quatre mains, p. 27 (GR, 26. 1).’

où l’expression d’un air de rien est complément de manière du verbe observer – sans compter l’ajout d’une caractérisation pittoresque et oxymorique (gros comme une maison) qui contribue à la défiger et à lui donner une forme plus libre.

L’expression n’avoir l’air de rien peut également être appliquée aux réalités non animées, mais dans ce cas, c’est la seconde interprétation qui l’emporte, puisqu’en principe les choses ne sont pas plus capables d’absence de sentiment... que de sentiment. Les exemples concernés entreront donc dans le corpus réservé à la locution avoir l’air.

En plus des expressions que je viens d’étudier, il me semble que la signification d’« apparence expressive » pourrait encore rendre compte très correctement des emplois du mot airs au pluriel, qui fournit un petit contingent de syntagmes et de citations, que je regroupe ci-dessous :

  • Grands airs(souvent en mauvaise part) : attitude hautaine se voulant pleine de distinction (TLF).
  • Airs d’importance, air de supériorité (TLF).
  • Se donner de grands airs (TLF).
  • Prendre de grands airs : faire l’important, le grand seigneur (PR).
  • Se donner des airs, prendre de grands airs : prendre une attitude de supériorité, de hauteur, qui ne convient pas nécessairement (GLLF).
  • Prendre, se donner des airs, de grands airs, des airs d’importance, de supériorité... => Affecter, affectation, embarras (faire des). Il se donne des airs d’aristocrate, de martyr (GR).
  • Se donner des airs, prendre des airs (TLF).
‘1. M. de Metternich (ambassadeur d’Autriche) affectait les airs d’un homme des anciennes cours modernes.
É. DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 122 (TLF, 55).’ ‘2. Avec cela, on fait le fier, on se donne des airs.
voltaire, L’Homme aux 40 écus (GR, 24).’ ‘3. J’avais beau affecter des airs dégagés, préparer mes entrées avec soin, étudier mes poses, je sentais encore le novice, le conscrit. Pour tromper mon inexpérience, je pris des airs écrasants vis-à-vis des huissiers.
l. reybaud, Jérôme Paturot, 1842, p. 338 (TLF, 49).’ ‘4. Les élèves de l’école supérieure de Villeneuve (...) affectent bien encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous...
colette, Claudine à l’école, 1900, p. 228 (TLF, 50).’ ‘5. Bref, je voulais dominer en toutes choses. C’est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels.
a. camus, La Chute, p. 65 (GR, 24. 1, TLF, 57).’ ‘6. Ces dames avaient alors recours à de grands airs, rappelaient négligemment les noms illustres qu’elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d’un passe-droit.
g. de staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, 1817, p. 77 (TLF, 51).’ ‘7. ... mais elle reprenait, comme honteuse, son orgueil de femme décente et ses airs de vertu, ni plus ni moins qu’une Anglaise, et aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité, car Crevel l’avait de prime abord avalée vertueuse.
h. de balzac, La Cousine Bette, 1847, p. 144 (TLF, 53).’ ‘8. Si tu m’aimes en amant, fuis donc ces airs de mari qui étouffent l’amour et font bien mal à l’amitié.
g. de staël, Lettre de jeunesse, 1786, p. 81 (TLF, 54).’ ‘9. Vous êtes extraordinaire, vous me permettrez de vous le dire, avec vos airs de me mettre à la porte d’une maison qui n’est pas la vôtre ; et si je veux bien me rendre à vos ordres, eu égard à votre état d’exaltation, vous ne sauriez moins faire, convenez-en, que de céder à ma prière.
g. courteline, Boubouroche, 1893, II, 3, p. 72 (TLF, 56).’ ‘10. ... ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l’autel même de la liberté : ...
marat, Les Pamphlets, C’est un beau rêve, gare au réveil, 1790, p. 234 (TLF, 52).’

On remarquera que le corpus contient un nombre non négligeable de citations antérieures à 1850, dont deux appartiennent au XVIIIe siècle (en 8 et en 2, L’Homme aux quarante écus étant même de 1768). Ce corpus hétérogène quant aux datations regroupe toutefois des occurrences homogènes au plan sémantique, comme nous allons voir. La seule qui apparaisse plus datée, en ce qu’elle fait mention d’un milieu aristocratique à nos yeux révolus, est la citation 1, qui n’est pourtant pas la plus ancienne. Je l’ai conservée d’extrême justesse, parce qu’elle ne « détone » pas vraiment, mais peut-être une étude du contexte large livrerait-elle des harmoniques de sens, ou même une interprétation, quelque peu différentes. Quant au corpus d’expressions nominales et verbales contenant le mot airs, il donne lieu à des définitions et des suites synonymiques qui correspondent à l’interprétation qu’on peut en avoir intuitivement. J’intègre donc le tout dans mon étude, et je commence par les définitions de certaines des expressions, qui devraient me permettre de préciser la signification du mot airs dans son emploi pluriel.

Je rappelle ces définitions :

  • Grands airs(souvent en mauvaise part) : attitude hautaine se voulant pleine de distinction (TLF).
  • Prendre de grands airs : faire l’important, le grand seigneur (PR).
  • Se donner des airs, prendre de grands airs : prendre une attitude de supériorité, de hauteur, qui ne convient pas nécessairement (GLLF).

Dans le TLF et le GLLF, le mot airs est défini par attitude, lui-même ainsi défini dans le PR :

  • Attitude : manière de se tenir (et par ext. comportement) qui correspond à une certaine disposition psychologique.

Ce sens du mot attitude dérive d’un sens premier qui dénote la manière de tenir son corps, le maintien. Ce terme générique est d’abord repris dans la définition ci-dessus, puis il est relayé par le mot comportement, qui, plus dynamique et plus abstrait, ouvre plus largement le champ aux mouvements du corps et à l’activité de la personne. L’attitude nous fait donc voir la personne physique en action, ce que le mot airs exprime avec la valeur répétitive et la force concrète que lui donne la marque de pluriel : on se représente plus distinctement le maintien, les gestes, les mouvements, les éventuelles mimiques, qu’à travers l’approche globale qu’impose le singulier. C’est donc bien l’apparence générale qui est concernée. Mais la seconde partie de la définition fournit un complément intéressant, dans la mesure où ce comportement se trouve corrélé à une disposition psychologique. En cela, l’apparence peut être dite expressive. On est bien en présence de la signification d’« apparence générale expressive ».

Précisons le contexte. Les expressions nominales qui contiennent le mot airs entrent dans des constructions du type se donner, prendre (des airs, de grands airs, etc.), qui sont des variantes de la structure de base avec avoir. La variante causative (se donner) permet de mettre en évidence le trait « intentionnalité », qu’on attribuera aussi au verbe prendre. Ce trait se retrouve dans certains lexèmes contenus dans les définitions que les dictionnaires donnent de ces expressions verbales, comme par exemple le verbe faire (« imiter intentionnellement, chercher à passer pour » (PR)), dans faire l’important, le grand seigneur (PR). On peut également le déceler dans les synonymes proposés par le GR, affecter / affectation, faire des embarras (au sens de « chercher à se faire remarquer » (PR)) 282 . Il est même présent dans la définition de l’expression nominale grands airs, proposée par le TLF (avec le syntagme verbal se voulant pleine de distinction), ce qui montre que le mot airs l’implique de toute façon, par ce pluriel d’emphase sur lequel je reviendrai. Si la personne compose son apparence expressive, c’est qu’elle vise un destinataire, auquel elle entend manifester le sentiment, la disposition où elle se trouve par rapport à lui. L’apparence expressive a donc ici une forte composante sociale, relationnelle. Le sentiment qui s’exprime est contenu dans les caractérisations du mot air, ou dans certains termes définitionnels qui impliquent tous une notion de « dé-mesure », de dépassement d’une norme – que ce soit dans le domaine de l’espace (volume et taille), si l’on revient à l’origine du sens métaphorique de mots tels que grands, hauteur, dans celui des valeurs (avec le mot distinction, les syntagmes prépositionnels de supériorité, d’importance, la locution verbale faire l’important), ou en relation avec des figures emblématiques d’une hiérarchie sociale (le grand seigneur, l’aristocrate) ou spirituelle (de martyr). Ce sentiment exagéré de soi conduit à l’abaissement, à la dévalorisation d’autrui, au mépris, que dénotent expressivement les mots hautain et hauteur. C’est ce sentiment que l’on fait passer dans une apparence voulue, elle-même excessive, amplifiée. La marque du pluriel, démultipliant en quelque sorte l’apparence, produit cet effet d’emphase, comme s’il s’agissait, au sens quasi littéral du terme, d’en mettre « plein la vue », ce qui explique que le mot airs puisse en lui-même suggérer l’affectation, l’ostentation, que soulignent des synonymes tels que affecter / affectation. Il s’agit de montrer avec outrance qu’on se distingue, qu’on se place au-dessus, qu’on domine les autres. Ce qui ne peut manquer d’être mal reçu par le ou les destinataire(s) : d’où la valeur de péjoration, inscrite avec une relative discrétion dans la définition du GLLF (qui ne convient pas nécessairement), et commentée explicitement par le TLF (souvent en mauvaise part).

On peut se demander si cette apparence est durable ou non durable. Le pluriel du mot airs, en évoquant les manifestations concrètes et les aspects multiples de cette apparence, donne une image « en situation » de la personne, que soulignent, dans les constructions verbales, les verbes prendre et se donner, qui dénotent l’entrée dans un état. Toutefois cette interprétation doit être tempérée, par la prise en compte des dispositions psychologiques que révèle l’attitude de la personne. On ne considère pas en principe le sentiment de supériorité, le mépris d’autrui comme des états passagers qui trouveraient à s’exprimer dans des occasions particu­lières. On les voit plutôt comme des traits constants de la personnalité, qui se manifestent régulièrement dans les relations à autrui. Sauf indication contraire, les grands airs qu’on se donne en telle ou telle circonstance seront naturellement rattachés par celui qui les reçoit à un comportement habituel, témoignant d’un état d’esprit relativement permanent.

Avant d’en venir à l’étude du corpus, je mentionnerai une expression qui, me semble-t-il, justifie un traitement un peu à part. Il s’agit des airs penchés. Je regroupe les informations données par les dictionnaires :

  • Des airs penchés. Avoir, prendre un air penché, des airs penchés : un air pensif, rêveur (PR).
  • Avoir, prendre des airs penchés : affecter certaines attitudes pour se rendre intéressant (GR).
  • Prendre, avoir des airs penchés : prendre certaines attitudes dans le but de plaire, de séduire (TLF).

On retrouve dans les définitions du GR et du TLF le terme générique attitudes (au pluriel), et les traits d’intentionnalité, avec les verbes prendre (dans le but), et affecter (qui souligne l’ostentation). Mais il s’agit moins ici de montrer sa supériorité, de prendre les autres de haut, que de chercher à attirer l’attention, l’intérêt, la faveur. Et même si cette attitude peut être révélatrice d’une disposition de fond, elle me semble avant tout liée aux occasions qu’on trouve de se faire remarquer ou de déployer sa séduction. La représentation du personnage en situation me semble l’emporter ici sur l’idée qu’on peut se faire de son comportement habituel. L’interprétation du PR est à première vue différente, puisque les airs penchés dénotent une disposition intérieure, une activité mentale apparemment coupée d’autrui (pensif, rêveur). On pourrait penser qu’on a plutôt à faire ici au sens d’« expression du visage », d’autant que l’expression se rencontre aussi au singulier. Mais les choses sont plus complexes. Il semble en effet que cet air absent est bel et bien une attitude qu’on se donne – ce qui permet de retrouver l’intentionnalité, l’ostentation – dans l’intention de simuler et d’échapper à autrui. C’est ce qui ressort assez clairement de l’unique citation qui se rattache à cette expression (le mot air étant au singulier) :

‘Les hommes et les femmes sont si mauvais, si incorrigibles, que je marche toujours avec un petit air penché.
j. renard, Journal, 1905, p. 1000 (TLF, 3).’

On ne voit guère quelles raisons pourraient pousser le personnage à adopter une attitude de séduction vis-à-vis d’une humanité aussi décourageante 283 ... C’est plutôt l’interprétation du PR qui convient ici, à condition d’admettre que l’air penché a pour but d’éviter toute relation, tout contact avec autrui. On notera d’ailleurs que ce dictionnaire fait précéder les expressions qu’il cite de la mention souvent iron., ce qui tend à montrer qu’il ne convient pas d’en faire une lecture littérale. Là encore, la disposition d’esprit qu’on veut faire accroire est étroitement liée à des situations limitées dans le temps, même si celles-ci se répètent invariablement (toujours). Dans la citation de J. Renard, l’air penché se trouve d’ailleurs en fonction de complément circonstanciel de manière, ce qui, on l’a vu, représente une structure tout à fait typique d’emploi du mot air au sens d’« expression non durable ». Les expressions relatives à / aux air(s) penché(s) se rattachent au corpus précédent par l’intentionnalité, l’ostentation qu’elles impliquent, mais elles présentent des caractéristiques propres, liées à l’interprétation psychologique et temporelle qu’on peut en faire.

Je passe maintenant à l’étude du corpus.

On retrouve dans trois citations certaines des expressions que nous venons d’étudier, telles quelles : les expressions verbales prendre des airs (5), se donner des airs (2), et en 6, l’expression nominale grands airs, précédée d’une variante expressive du verbe prendre, la locution avoir recours à. Dans la majorité des autres citations, les verbes introducteurs viennent s’inscrire dans le paradigme ouvert par prendre et se donner : il s’agit de reprendre (7), de fuir (qui équivaut au verbe prendre nié) (8), et surtout d’affecter (en 1, 3 et 4). D’autre part, les caractérisations et le contexte vont dans le sens de l’interprétation que nous avons dégagée à partir des expressions. Nous les prendrons en compte, surtout lorsque les citations contiennent des emplois plus libres du mot airs, comme en 9 et en 10.

Certains contextes donnent des indications sur l’attitude, le comportement des personnages. C’est le cas en 3, 6 et 9. Ces indications sont relatives au maintien (étudier mes poses), aux mouvements (préparer mes entrées avec soin), au comportement vis-à-vis d’autrui (mettre à la porte d’une maison), à ce qu’on dit et à la manière de le dire (rappelaient négligemment les noms illustres qu’elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d’un passe-droit). Elles illustrent assez bien ce que nous avions dit sur la pluralité concrète des attitudes que recouvre le mot airs. Les citations 4 et 5 contiennent des notations plus indirectes ou plus floues. En 4, les élèves qui « snobent » leurs camarades sont vus en mouvement (en passant près de nous). En 5, le fait de montrer [son] habileté physique (sans autre précision) fait partie du comportement du personnage. Mais en tous les cas, l’apparence générale 284 et l’aspect physique sont pris en compte.

Passons aux caractérisations, qui sont représentées par les formes suivantes :

  • adjectif : faux (10), grands (6), dégagés, écrasants (3), prudes, dégoûtés (4) ;
  • syntagme nominal prépositionnel avec un nom abstrait non actualisé : de vertu (7), de fraternité (10) ;
  • syntagme nominal prépositionnel avec un nom de personne non actualisé : de mari (8) ;
  • syntagme nominal prépositionnel avec un nom de personne actualisé : d’un homme des anciennes cours modernes (1).

Le syntagme infinitival prépositionnel de 9 pose problème. On pourrait l’interpréter comme une caractérisation (équivalant à (vos airs) de propriétaire), mais il me semble également proche d’une apposition, qu’on pourrait paraphraser ainsi « avec vos airs, qui consistent à me mettre à la porte d’une maison qui n’est pas la vôtre ».

La plupart de ces caractérisations expriment une notion de supériorité, que ce soit au plan social (où elle s’incarne dans un type aristocratique un homme des anciennes cours modernes), au plan moral (vertu, prudes), ou dans les relations aux autres (dégagés, dégoûtés, grands, écrasants). La hauteur, le mépris s’y ajoutent, comme dans les adjectifs dégoûtés, grands, écrasants. Souvent, le contexte vient en renfort pour souligner ou expliciter l’attitude du personnage. Dans les citations 2 et 5, la proposition qui précède l’emploi des expressions se donner des airs, prendre des airs, annonce la suffisance du personnage (on fait le fier) ou explique son attitude par le désir de domination (je voulais dominer en toutes choses). En 7, la vertu est associée à l’orgueil, et conduit à rabaisser l’autre (aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité). La citation 9, dans laquelle l’occurrence du mot airs échappe, à première vue, au moule commun, offre en compensation un contexte particulièrement riche. Le personnage est présenté dans une attitude de domination (me mettre à la porte d’une maison, vos ordres) d’autant plus impudente que la situation ne la justifie pas (la maison n’étant pas la sienne !), et de démesure (vous êtes extraordinaire, votre état d’exaltation). Enfin, le trait d’ostentation, partout présent puisqu’il vient s’inscrire dans le mot airs lui-même, est encore souligné par l’emploi de verbes introducteurs comme se donner, avoir recours à, et surtout affecter (on trouve également montrer dans le contexte de 5). C’est parfois le seul trait qui reste, dans les rares contextes où l’attitude du personnage ne correspond pas nécessairement à un sentiment de supériorité ou de hauteur. Ainsi en 10, où il est simplement question de faux airs de fraternité (sans construction verbale), la tromperie qu’on dénonce implique une attitude démonstrative, qui multiplie et exagère les marques d’amitié. Dans la citation 8, où la caractérisation (airs) de mari est pleine de reproches latents 285 , on peut penser que ce comportement marital, dont le contexte dénonce les effets indésirables ((ces airs) qui étouffent l’amour et font bien mal à l’amitié), est d’autant plus pesant qu’il est profus dans ses manifestations...

Si l’on reprend maintenant le corpus en prêtant attention au caractère durable ou non durable des airs qu’on s’y donne, on se rend compte que la plupart des citations illustrent assez bien ce que nous avancions plus haut. Les temps verbaux ont en effet une valeur de répétition, qu’il s’agisse de l’imparfait (en 1, 3, 5, 7), du présent (2, 4, 8), ou même du passé simple (je pris des airs écrasants, en 3), qui ont pour effet de donner aux comportements un caractère habituel. Ce trait est particulièrement appuyé en 7, avec le préfixe du verbe reprendre et le déterminant possessif (ses airs) qui font de ces manières une constante de la personne. Quand ces comportements sont liés au désir de montrer aux autres sa distinction ou son importance sociale, son assurance, son désir de dominer, sa hauteur, sa vertu, ou quand il s’agit d’une relation conjugale, on peut penser que cette habitude s’installe dans le temps, et que l’apparence que la personne donne d’elle est durable. Plus rarement, il arrive que la répétition d’une attitude soit en relation avec un type de situation, comme en 6 où les grands airs ont coutume d’accompagner d’aristocratiques et condescendantes revendications. Dans ce cas, ils n’engagent pas un trait de caractère, et ne caractérisent pas nécessairement de façon durable l’apparence de la personne. Dans la citation 10, les airs de fraternité qu’on a pu déployer dans l’intention de séduire sont d’autant plus limités dans le temps, et peu représentatifs des personnages, qu’ils relèvent d’une stratégie destinée à tromper. Enfin dans la citation 9, l’attitude est saisie dans une situation particulière de conflit, où les airs sont ceux d’un individu, despotique et excité, qui met l’autre à la porte. Quelles que soient les implications psychologiques et relationnelles de cette situation, l’apparence se limite ici au temps de l’échange.

Un mot enfin sur les structures présentes dans ce corpus. Elles sont de plusieurs sortes :

  •  la structure de base avec avoir, dans laquelle on ne trouve que des hyponymes, tels que prendre (5), reprendre (7), se donner (2), affecter (3, 4), avoir recours à (6), ou le verbe fuir qui joue le rôle d’antonyme en 8. Ce dernier exemple présente également une variante dans l’actualisation du mot airs, qui n’est pas précédé de l’article indéfini ; ce fait s’explique par l’emploi du verbe fuir, qui présuppose l’existence des airs qu’il convient d’éviter (on ne dira pas * fuis des airs de mari, mais fuis les airs de mari). Dans le contexte, le démonstratif souligne (quasi déictiquement) la détermination, et prépare l’explication contenue dans la relative ;
  •  la nominalisation, sous sa forme simple (vos airs en 9, leurs airs en 10), et enchâssée (les airs d’un homme des anciennes cours modernes, en 1).

La structure dominante est donc du type avoir un air (+ constituant adjectival), comme dans les contextes où le mot air a le sens « expression non durable ». Cette convergence peut s’expliquer par le fait que le pluriel du mot airs nous oblige au départ à saisir l’attitude de la personne « sur le vif » pour ainsi dire, à travers des manifestations concrètes limitées dans le temps, même si celles-ci entrent dans le cadre d’un comportement habituel qui traduit un certain état d’esprit. Les variantes lexicales de cette structure sont toutefois différentes d’une signification à l’autre. Les verbes retenus ici traduisent nettement l’intention, l’ostentation, alors qu’avec la signification « expression du visage », ils se contentent de souligner la mobilité de l’expression. On notera qu’un même verbe, comme prendre, sera interprété différemment d’un emploi à l’autre. Dans le cas de l’expression non durable, ce verbe soulignait simplement le changement d’état, la mobilité de l’expression. Ici il est au contraire chargé d’intentionnalité. Quant aux nominalisations de forme simple (vos airs, leurs airs), elles relèvent de conditions d’emploi particulières. Les deux contextes expriment la distance, la dépréciation. Par cette construction, dans laquelle l’apparence forme un tout avec la personne, on peut en quelque sorte repousser cette image « en bloc », le déterminant possessif prenant une valeur péjorative. Dans le cas de la nominalisation enchâssée, l’attitude est rapportée à un idéal d’aristocratie contenu dans le syntagme nominal prépositionnel. L’apparence a donc ici des caractéristiques plus sociales que psychologiques. Même si la personne, en s’appropriant ces airs, entend montrer une certaine supériorité, le souci de l’image sociale semble plus fort ici que la disposition intérieure où l’on se trouve. Et le personnage paraît peut-être moins imbu de lui-même que dans les autres exemples...

Notes
278.

. Je reviendrai sur la citation 4, qui fait mention du regard du personnage en fin d’énumération, et sur la 5, qui contient le mot expression.

279.

. On peut s’étonner de voir traitées disjointement deux caractérisations dont l’une est dérivée de l’autre, telles que jeune (dans lui donnait l’air tout jeune, citation 11. 1 du GR) et de jeunesse (dans son air de jeunesse ici même) – puisque j’ai rattaché l’air jeune à l’apparence générale sociale et que je mets l’air de jeunesse en rapport avec l’apparence générale expressive. Mais ce serait méconnaître le rôle que joue la forme dans l’affinage du sens. Ainsi l’adjectif, qui ouvre la qualité sur autre chose qu’elle-même (le support nominal), a une valeur référentielle plus forte (on est plus proche du sens propre) que le nom dérivé, qui, autonomisant la qualité, en donne une forme en quelque sorte quintessenciée, plus riche en images associées et en pouvoir d’évo­cation. Ainsi avec l’air jeune, on voit plutôt l’aspect physique de la personne, et l’apparence est évaluée en fonction d’un critère social lié à la classe d’âge, alors qu’avec l’air de jeunesse, on pense davantage à des caractéristiques plus intérieures propres à la jeunesse, qui se manifesteraient dans l’apparence. Ce ne sont toutefois que des tendances qui se trouvent ou non activées par le contexte. Pris en eux-mêmes, les syntagmes un air jeune, un air de jeunesse (placés par le GR dans les caractérisations psychologiques) restent proches l’un de l’autre.

280.

. Je mets à part la nominalisation qui entre dans le contexte pictural de la citation 5. D’autre part, la présence d’une nominalisation enchâssée en 10 pourrait militer en faveur du trait « durable » (et conforter l’interprétation d’« apparence générale »).

281.

. Le PR donne les définitions suivantes :

Digne : qui a de la dignité, a le respect de soi-même, ou affecte de l’avoir dans ses manières.

Dignité : allure, comportement qui traduit ce sentiment [respect de soi]. Avoir de la dignité dans ses manières, une gravité qui inspire le respect.

282.

. Cette expression ne rend toutefois pas l’intention de dominer, qui, on va le voir, est prégnante dans les expressions qui contiennent le mot airs. Elle dénote plutôt le comportement de celui qui fait des manières dans une situation où l’on attendrait plus de simplicité, plus de naturel.

283.

. Cette phrase est citée par le TLF, mais à un endroit qui la désolidarise complètement de la définition des airs penchés.

284.

. Dans une situation de parole, comme en 6, c’est plutôt la partie haute du corps qui est privilégiée.

285.

. Sur lesquels on ne peut se prononcer avec certitude... On ne peut toutefois exclure que soit comptée au nombre des griefs l’expression trop marquée d’un sentiment de supériorité, d’un désir de domination, qui fait partie du stéréotype social.