1. 1. La Provence : Grignan, Aix et Salon

Tome 1 : 1671-1675

‘1. Parlons un peu de votre sang que vous dites qui n’est point échauffé. J’en suis bien aise pour une raison, et j’en suis fâchée pour une autre ; c’est qu’il y a moins de remède. Et puisque c’est l’air, et qu’il faudrait changer de place aux brouillards et mettre au-dessus de votre tête ce qui est au-dessous de vos pieds, je ne vois pas trop bien quel remède je pourrais apporter à ce malheur. J’en sais un pourtant, dont j’espère que vous vous servirez quand j’irai en Provence. C’est un grand déplaisir que votre beau teint ne puisse pas soutenir l’air de Provence. (t. 1, l. 196, p. 333)’ ‘2. Je suis assurée, ma chère enfant, que pour me tirer de peine, vous me manderez que l’air d’Aix vous a toute raccommodée, que vous n’êtes plus si maigre qu’à Grignan ; je n’en croirai rien du tout. Je joins à mon inquiétude le bruit de la rue, dont vous êtes désaccoutumée, et qui vous empêche de dormir. (t. 1, l. 330, p. 598)

À Aix, Mme de Grignan habitait dans l’ancien palais du roi René, entre la place des Prêcheurs et la place Sainte-Madeleine, jointes par la rue du Palais, fort passante (note 6 de la p. 598, l. 330, t. 1, p. 1339).’ ‘3. Pour l’air d’ici, il n’y a qu’à respirer pour être grasse. Il est humide et épais ; il est admirable pour rétablir ce que l’air de Provence a desséché. (t. 1, l. 333, p. 603)’ ‘4. Mandez-moi comme vous vous portez de l’air de Grignan, s’il vous a déjà bien dévorée, si vous avez le teint gâté, si vous dormez mal, enfin comme vous êtes, et comme je me dois représenter votre jolie personne. (t. 1, l. 392, p. 733)

La lettre est datée du 14 juin 1675. Mme de Grignan a quitté Paris. Elle s’est séparée de sa mère le 24 mai à Fontainebleau. ’ ‘5. Mlle de Méri désapprouve fort le fiel de bœuf1 ; elle dit qu’avec l’air de Grignan, c’est pour vous mettre en poudre. Je suis fort de son avis. Il faudrait au contraire humecter et vous rafraîchir le teint, et mettre un masque quand vous allez à l’air. (t. 1, l. 395, p. 741-742)

1. Le fiel de bœuf servait aux soins de beauté et à la conservation du teint (voir note 5 de la l. 395, p. 741, p. 1429).’ ‘6. Je ne sais si Mme de Coulanges ne vous aura point mandé une conversation d’un après-dîner de chez Gourville, où étaient Mme Scarron et l’abbé Têtu, sur les personnes qui ont le goût au-dessus ou au-dessous de leur esprit. Nous nous jetâmes dans des subtilités où nous n’entendions plus rien. Si l’air de Provence, qui subtilise encore toutes choses, vous augmente nos visions là-dessus, vous serez dans les nues. (t. 1, l. 325, p. 592)

Lettre de Mme de La Fayette à Mme de Sévigné qui est à Grignan. ’

Tome 2 : 1677-1680

‘7. Dieu veuille [...] que l’air de Grignan ne vous soit point contraire ! (t. 2, l. 584, p. 478)’ ‘8. [...] si vous aimez ma santé, songez à la vôtre, et observez ce que fait l’air de Grignan. Si ce n’est pas du mieux, c’est du mal. (t. 2, l. 585, p. 481)’ ‘9. J’avais tort de craindre que l’air de Provence ne vous fît une maladie considérable ! Vous ne dormiez ni ne mangiez, et vous voir disparaître devant mes yeux devait être une bagatelle qui n’attirât pas seulement mon attention ! (t. 2, l. 590, p. 494)

La lettre est datée du 19 juillet 1677. Mme de Grignan a quitté Paris pour la Provence le 8 juin 1677.’ ‘10. [...] je n’ai que la ressource de votre bonne santé pour me tirer de cet embarras. Mais, Dieu merci, l’air et le repos de Grignan ont fait ce miracle ; j’en ai une joie proportionnée à mon amitié. (t. 2, l. 590, p. 494)
Il s’agit de la même lettre que précédemment.’ ‘11. Il est vrai que je suis ravie de penser au miracle que Dieu a fait en vous guérissant par ce pénible voyage, et ce terrible air de Grignan qui devait vous faire mourir. (t. 2, l. 592, p. 503)
La lettre est datée du 28 juillet 1677.’ ‘12. [...] il faut que Dieu ait donné une bénédiction nouvelle à celui [l’air]de Grignan, car de mon temps, on ne l’eût jamais soupçonné de restaurer, de rafraîchir et d’humecter une jeune personne. Que Dieu soit loué à jamais de la santé que vous y avez trouvée ! Sans raisonner ni tirer aucune conséquence, je m’en tiens là, et je puis dire qu’il n’est pas moins bon pour ma vie que pour la vôtre, puisqu’il vous a tirée du pitoyable état où vous étiez quand je vous dis adieu. (t. 2, l. 603, p. 537)

La lettre est datée du 26 août 1677.’ ‘13. Quoi que vous puissiez dire, l’air de Grignan vous est mortel et vous a mise en l’état où vous êtes. Vous éviterez d’y passer l’été, en partant au mois de septembre ; vous donneriez ce temps à du repos ou à des bains. (t. 2, l. 642, p. 607)’ ‘14. J’ai demandé à M. Fagon1 si l’air subtil lui était contraire ; il a dit qu’il l’était beaucoup. Je lui ai dit l’envie que j’avais eue de la retenir ici pendant les chaleurs, et qu’elle ne partît que cet automne pour passer l’hiver à Aix, dont l’air est bon, que vous ne souhaitiez au monde que sa santé [...] (t. 2, l. 643, p. 608)

La lettre est datée du 27 mai 1678, et elle est adressée à M. de Grignan. Mme de Grignan est à Paris.
1. Guy Crescent Fagon, très célèbre médecin selon Mme de Sévigné (p. 608), sera le médecin de la famille royale à partir de 1680 (voir note 1 de la p. 608, p. 1392).’ ‘15. La pensée d’aller passer l’hiver à Aix donne plus de peine que le séjour de Grignan. D’un autre côté, l’air de Grignan est terrible pour elle. (t. 2, l. 686, p. 673)
La lettre, datée du 12 septembre 1679, est adressée au comte de Guitaut.’ ‘16. Mais cette colique, mon pauvre Monsieur, me donne bien de l’inquiétude. Cela vient d’une âcreté de sang qui cause tous ses maux, et quand je pense combien elle se soucie peu de l’apaiser, de le rafraîchir, et qu’elle va trouver l’air de Grignan, je vous assure qu’il s’en faut bien que je ne sois en repos. (t. 2, l. 692, p. 684)

La lettre, datée du 26 septembre 1679, est adressée au comte de Guitaut. Mme de Grignan a quitté Paris pour la Provence le 13 septembre 1679.’ ‘17. [...] vous devez comprendre aussi ce que c’est que d’y joindre la crainte de vous voir malade < et dévorée par un air subtil, comme l’est celuide Grignan. > (t. 2, l. 712, p. 745-746)’ ‘18. Ah ! ma très chère bonne, vous avez bien mal à votre pauvre poitrine ; l’air de Salon vous a redonné cette douleur et cette pesanteur au côté gauche, qui nous donne tant d’inquiétude. (t. 2, l. 723, p. 784)

Mme de Grignan faisait des voyages à Salon où l’archevêque d’Arles, oncle du comte de Grignan,avait une très belle demeure dans le château, actuelle­ment le palais de l’Empéri (voir note 5 de la p. 609, l. 337, t. 1, p. 1346). ’ ‘19. J’ai vu M. de Gordes1. Il m’a dit bien sincèrement que, dans le bateau, vous étiez très abattue et très languissante et qu’à Aix vous étiez bien mieux, mais avec la même naïveté, il assure que tout l’air de Provence est trop subtil et trop vif et trop desséchant pour l’état où vous êtes. Quand on se porte bien, tout est bon, mais quand on est attaquée de la poitrine, qu’on est maigre, qu’on est délicate, on s’ymet en état de ne pouvoir plus se rétablir [...] Il m’étonna en me disant à quel point cet air vous est contraire. (t. 2, l. 731, p. 819-820)

1. Qui venait de Provence (note 2 de la p. 819, p. 1475).’ ‘20. Je prie M. de Grignan de considérer ce que vous fait l’air de Grignan et de croire que vous n’êtes plus en état d’essayer de vous yaccoutumer ; cet essai vous coûterait trop cher. (t. 2, l. 751, p. 892-893)’ ‘21. Elle a quelques rougeurs au visage ; c’est cet air terrible de Grignan. (t. 2, l. 765, p. 935-936)

La lettre est adressée au comte de Guitaut.’ ‘22. Je prie Dieu, ma très chère, que la vôtre [santé] se confirme et qu’elle soit comme vous la représentez, que tous vos maux ne soient plus ni en acte ni en puissance et que je puisse revoir ma chère enfant comme je la souhaite, belle, aima­ble, grasse, forte. Eh, mon Dieu ! l’air de Grignan fera-t-il tous ces miracles ? (t. 2, l. 768, p. 951)’ ‘23. Il nous suffit d’apprendre qu’effectivement ma fille se porte mieux et que, par un effet tout contraire à celui que nous craignions, l’air de Provence lui a plutôt fait du bien que du mal. (t. 2, l. 787, p. 1019)

La lettre est adressée au comte de Guitaut.’

Tome 3 : 1681-1695

‘24. Je l’ai trouvée mieux que quand elle partit, et cet air de Provence, qui la devait dévorer, ne l’a point dévorée. (t. 3, l. 824, p. 58-59)

La lettre est adressée à Bussy-Rabutin.’ ‘25. J’admire que votre santé se puisse conserver au milieu de vos inquiétudes ; il y a du miracle. Tâchez, ma chère bonne, de le continuer ; ne vous échauffez point à l’excès par de cruelles nuits, par ne point manger, mais est-on maîtresse de son imagination ? Je suis affligée que vous soyez amaigrie ; je crains sur cela l’air de Grignan. J’aime tout en vous, et même votre beauté [...]. Cependant ayez pitié de votre portrait1 ; ne le rendez point celui d’un autre. Ne nous trompez point ; soyez toujours comme nous le voyons. Rafraîchissez-vous à La Garde. (t. 3, l. 1011, p. 369-370)

La lettre est du 18 octobre 1688. Le fils de Mme de Grignan, Louis-Provence, qui est âgé de dix-sept ans, est au siège de Philisbourg. Les troupes s’étaient mises en mouvement le 30 septembre (voir note 3 de la p. 360, de la l. 1004 de Bussy-Rabutin, t. 3, p. 1321).

1. Mme de Sévigné fait allusion à un portrait de sa fille qui se trouve à Carnavalet. « Nous sommes entourés de vos portraits. La princesse est fort belle [...] », dit-elle dans une précédente lettre (t. 3, l. 1007, p. 364).’ ‘26. Je voudrais être assurée que vous fussiez aussi bien que moi, et que l’air de Provence ne vous dévorât point. Mandez-moi sincèrement votre état, et si avec tant d’inquiétudes et de mauvaises nuits, vous n’êtes pas fort emmaigrie. (t. 3, l. 1022, p. 393)’ ‘27. Nous vous conjurons de penser à votre santé préférablement à tout. Le café est disgracié ici, et par conséquent je n’en prends plus [...]. Nous voulons vous persuader qu’il vous échauffe, joint à l’air que vous respirez ; nous voudrions vous jeter un peu dans les bouillons de poulet. (t. 3, l. 1029, p. 407)’ ‘28. Il nous prend une inquiétude à Monsieur le Chevalier1 et à moi depuis que nous savons l’heure que vous recevez nos lettres : c’est de comprendre, ma chère bonne, que, les lisant avant votre coucher, nous vous empêchons de dormir, tendrement, justement trois fois la semaine2. Avouez-nous la vérité. Quand vous ne voudriez pas nous le dire, nous n’en croirions pas autre chose, car il est absolument impossible qu’après avoir lu nos volumes, quand même il n’y aurait rien de fâcheux ni de désagréable, vous ne trouviez à penser et à rêver dans les nouvelles qu’on vous mande. Il n’en faut pas tant pour ôter le sommeil à une personne aussi éveillée que vous. Joignez cela avec la vivacité de votre sang, et à l’air subtil de Provence, vous trouverez que les personnes du monde qui vous aiment le plus vous font malade et vous assassinent réglément trois fois la semaine. (t. 3, l. 1079, p. 529)

1. Joseph dit Adhémar, le chevalier de Grignan, frère du comte.
2. Les trois jours d’arrivée du courrier (note 2 de la p. 529, p. 1409). ’ ‘29. Mais comprenez bien l’impatience que j’ai de < recevoir vos lettres, et de savoir si vous avez été saignée, > et comment cette bonne tête, qui ne vous avait jamais fait aucun mal et dont vous vous louiez tant au milieu de vos autres maux, se trouve de l’air de Grignan ? Que je hais ces sortes de vapeurs d’épuisement ! Qu’elles sont difficiles à guérir quand le remède est de s’hébéter, de ne point penser, d’être dans l’inaction ! (t. 3, l. 1101, p. 582)’ ‘30. Je crains aussi que l’air de Grignan ne vous gourmande et ne vous tourbillonne. Ah ! < que cela est fâcheux ! Je crains déjà que vous ne soyez emmaigrie et dévorée. Ah ! > plût à Dieu que < votre air > fût comme celui-ci, qui est parfait ! (t. 3, l. 1102, p. 584)’ ‘31. Cependant il est certain que l’on vous dit vrai quand on vous assure que le retour du printemps est pernicieux pour Mme de Grignan, dans l’air subtil qu’elle respire. Mon oracle1 est bien de cet avis. (t. 3, l. 1359, p. 1133)
Lettre de Mme de Coulanges à Mme de Sévigné, qui est à Grignan. Mme de Coulanges était l’épouse de Philippe Emmanuel de Coulanges, cousin de Mme de Sévigné.
1. Le médecin Helvétius (note 3 de la p. 1133, p. 1674).’

On trouve dans ce corpus 344 l’air de Provence (qui désigne le plus souvent l’air de Grignan), l’air de Grignan, l’air d’Aix (2, 14) et l’air de Salon (18). Il est à remarquer qu’on ne trouve jamais un énoncé du type la Provence a un air subtil, ce qui incite à privilégier l’origine par rapport à l’appartenance, en ce qui concerne la valeur de la préposition. Ces syntagmes nominaux qui suggèrent déjà par eux-mêmes une relation stable entre l’air et le lieu, entrent dans des contextes qui confirment le trait de permanence de cet élément-climat. On trouve souvent le présent, mais aussi le passé composé, qui implique des conséquences durables dans le présent, et plus rarement, le futur (22) qui évoque également une action durable à venir. En 16, le futur proche (elle va trouver l’air de Grignan) renvoie au déplacement de Mme de Grignan, mais n’exclut pas la permanence de l’air en place. Ces valeurs sont parfois transposées dans des modes ou des modalités virtuelles (le subjonctif, l’imparfait à valeur conditionnelle de 11 et 24). On notera que la première occurrence de la citation 1 (l’air) fait l’économie du complément de lieu. Il semble que, venant au fait, par une sorte de raccourci de sa pensée, Mme de Sévigné emploie ce syntagme simple en lieu et place du syntagme l’air de Grignan. Et ce qui pourrait conforter cette interprétation, c’est que la seconde occurrence du mot air (l’air de Provence), qui vient en reprise du même thème, présente cette structure. Je ne m’attarderai pas sur le problème linguistique que pose ce type d’emploi, dans la mesure où il représente ici un cas isolé, mais j’aurai l’occasion d’y revenir dans le corpus suivant. Ajoutons que l’on se trouve dans un contexte au présent (puisque c’est l’air), qui, de plus, apporte un commentaire qui tend à confirmer l’interprétation d’élément-climat. Mme de Sévigné déplore le fait qu’en raison de la position élevée du château de Grignan 345 , les brouillards, au lieu d’être au-dessus de la tête de Mme de Grignan, se trouvent au-dessous de ses pieds, l’exposant ainsi directement au soleil de Provence. Il s’agit donc bien des conditions atmosphériques constantes propres à ce lieu. On pourrait parler en quelque sorte d’un microclimat... Dans la citation 30 (seconde occurrence), l’air est rapporté, non au lieu, mais à la personne qui s’y trouve (votre air). Cette occurrence est distincte de la précédente, l’air de Grignan, qui, en raison des collocations verbales (gourmande et tourbillonne), me semble plutôt désigner la bise qui souffle avec violence. Cette bise est donnée comme l’une des caractéristiques de l’air, en tant qu’élément-climat, auquel fait référence le syntagme nominal votre air. Enfin, dans les citations 27 et 31, la référence à la personne se fait de façon plus précise, à travers la fonction de respiration de l’air. Mais les syntagmes l’air que vous respirez et l’air subtil qu’elle respire renvoient là encore, le présent ayant valeur de permanence, à l’élément-climat du lieu où se trouve Mme de Grignan.

La caractérisation du mot air s’exprime à travers l’emploi d’adjectifs, mais elle n’est pas toujours explicite. Sémantiquement, elle peut être de deux sortes. Soit l’adjectif dénote des qualités qui définissent la nature de l’élément (subtil), soit il traduit une évaluation plus ou moins subjective (bon, terrible).

Les structures qui mettent en relation le mot air et la caractérisation peuvent prendre plusieurs formes :

  •  l’air + adjectif : l’air subtil de Provence (28) ;
  •  l’air + être + adjectif : l’air de Provence est subtil (19) ;
  •  l’air + être + un air + adjectif : l’air de Provence est un air subtil.

Cette dernière structure est obtenue par transformation d’une séquence telle que comme l’est celui de Grignan (17), le clitique le pouvant pronominaliser aussi bien l’adjectif subtil pris isolément, que le syntagme nominal indéfini un air subtil 346 . Si ce syntagme prend une valeur attributive dans ce type de construction, il peut aussi être utilisé pour référer à l’air d’un lieu. C’est le cas, toujours dans la citation 17, si l’on prend en compte la construction dévorée par un air subtil, qui précède la comparative 347 . L’individualisation de l’air en tant qu’élément-climat, à partir de telle ou telle propriété, implique la localisation de cet élément dans l’espace et dans le temps. On retrouve ici le principe de solidarité entre la détermination et la caractérisation, que nous avions dégagé dans notre étude d’air-fluide gazeux. Les deux processus, même s’il n’est pas nécessaire qu’ils soient présents de façon conjointe, s’impliquent réciproquement.

Essayons maintenant d’établir le parcours sémantique du mot air, à travers les différents lexèmes qu’il rencontre en chemin...

Je suivrai d’abord l’air de Provence / de Grignan. Au plus près du dénoté, on trouve les adjectifs qui décrivent la substance même de l’air. C’est l’adjectif subtil qui est présent dans ce corpus, dans les différentes structures que nous venons de voir :

  • l’air subtil de Provence (28)
  • l’air de Provence est trop subtil et trop vif et trop desséchant (19)
  • l’air de Provence est subtil / est un air subtil (17) [paraphrases de comme l’est celui de Grignan]
  • un air subtil (17)

Il n’est pas facile de cerner la signification ancienne de cet adjectif, ainsi défini par le GR :

‘Subtil : Sc. nat. Vieilli. Très fragile, presque imperceptible (avec une idée de pureté, dans un sens voisin de sublime).’

Plus précisément, il convient de replacer cette qualité dans le cadre de la théorie des éléments, selon laquelle l’air est un mélange des quatre éléments, dominé par l’élément-air.

Citons cet extrait de la lettre du P. Étienne Noël à Pascal :

‘Présupposons que comme le sang qui est dans les veines d’un corps vivant est mélangé de bile, de pituite, de mélancolie et de sang, qui pour sa plus notable quantité donne au mélange le nom de sang, de même l’air que nous respirons est mélangé de feu, d’eau, de terre, et d’air, qui pour sa plus grande quantité lui donne le nom d’air. C’est le sens commun des physiciens, qui enseignent que les éléments sont mélangés 348 . ’

La qualité subtile participerait plutôt de la nature de l’élément-feu.

Deux adjectifs viennent s’adjoindre (en 19), vif et desséchant. Ce dernier, qui est un déverbal, présente comme une qualité de l’air l’action qu’il peut exercer sur les êtres, et témoigne de la continuité qui s’établit entre la caractérisation et les structures actancielles du mot air.

Quelle est l’action de l’air ? Si l’on veut engager ce sujet de façon plaisante, on dira, avec Mme de La Fayette (6), que l’air de Provence subtilise toutes choses, y compris l’esprit des gens. Jouant sur la double interprétation de ce lexème, elle imagine que les propriétés de l’air puissent être transposées au plan intellectuel, propulsant ainsi Mme de Sévigné dans les hauteurs conjointes d’une atmosphère (métaphorique) et du raffinement intellectuel (dans les nues).

Mais revenons à des considérations plus sérieuses... L’action de l’air est relative à la santé de Mme de Grignan, et elle se trouve développée par de nombreux verbes et constructions verbales. Au plan lexical, on peut distinguer deux niveaux : celui de l’information générale (avec l’emploi d’archilexèmes, comme faire, de termes génériques tels que état, santé / maladie), et celui, plus instructif, de la description de symptômes particuliers. Au plan syntaxique et actanciel, le mot air est le plus souvent sujet du verbe, et agent de l’action. Mais, par un retournement de la structure, la personne (ou la partie du corps concernée) peut aussi être donnée comme le siège d’un état, dont l’air est la cause (4, 29). Dans certains cas, cette relation de cause à effet peut se dégager du contexte, sans être exprimée de façon explicite (21, 25). Plus rarement, la personne (ou la partie du corps concernée) est l’agent d’une action dont l’air est l’objet (seconde occurrence de 1).

Voici le corpus des emplois les plus généraux 349  :

  • L’air est l’agent de l’action
    • ce que fait l’air de Grignan (20)
    • [...] si vous aimez ma santé, songez à la vôtre, et observez ce que fait l’air de Grignan. Si ce n’est pas du mieux, c’est du mal. (8)
    • par un effet tout contraire à celui que nous craignions, l’air de Provence lui a plutôt fait du bien que du mal (23)
    • l’air et le repos de Grignan ont fait ce miracle [la bonne santé de Mme de Grignan] (10)
    • J’avais tort de craindre que l’air de Grignan ne vous fît une maladie considérable ! (9)
    • il [l’air] vous a tirée du pitoyable état où vous étiez quand je vous dis adieu (12)
    • l’air de Grignan [...] vous a mise en l’état où vous êtes (13)
    • on ne l’eût jamais soupçonné de restaurer [...] une jeune personne (12)
  • La personne est le siège d’un état
    • comme vous vous portez de l’air de Grignan (4)
    • Que Dieu soit loué à jamais de la santé que vous y [dans l’air de Grignan] avez trouvée ! (12)

L’action de l’air peut être envisagée en elle-même, de façon neutre (ce que fait l’air de Grignan, en 20 et 8), mais le plus souvent, elle fait l’objet d’une évaluation, qui peut être positive, avec a fait du bien (23), (fait) du mieux (8), ont fait ce miracle (10), vous a tirée du pitoyable état où vous étiez (12), restaurer 350 (12), ou négative, avec (fait) du mal (8, 23), fît une maladie considérable (9), vous a mise en l’état où vous êtes (13). En 4 et en 12, c’est l’état de santé de Mme de Grignan qui est mis au premier plan, avec comme vous vous portez, vous avez trouvé la santé. Le mot air entre dans deux constructions qui ne sont plus usitées : dans uncomplément de cause (ou de moyen) du verbe se porter, introduit par de 351 , et dans un complément de lieu (j’y reviendrai).

Passons à la description spécifique des effets de l’air. Je m’attacherai d’abord aux aspects négatifs :

  • L’air est l’agent de l’action
    • ce que l’air de Provence a desséché (3)
    • s’il [l’air] vous a déjà bien dévorée (4)
    • vous voir malade et dévorée par un air subtil, comme l’est celui de Grignan (17)
    • cet air de Provence, qui la devait dévorer (24)
    • je voudrais être assurée [...] que l’air de Provence ne vous dévorât point (26)
    • Je suis affligée que vous soyez amaigrie ; je crains sur cela l’air de Grignan. (25) 352

Je précise les définitions de certains lexèmes verbaux :

‘Dessécher : Rendre sec ce qui était humide. Par extension, amaigrir, réduire à un état de consomption.’ ‘Consomption 353 : Terme de médecine. Diminution lente et progressive des forces et du volume de toutes les parties molles du corps, par l’influence de quelque maladie 354 .’ ‘Dévorer : Consumer, détruire. Par extension, faire maigrir, altérer le teint, l’apparence 355 .’

On voit l’importance du « sec », de la maigreur, qui conduit à l’affaiblissement, à la destruction. Cet état physique se manifeste particulièrement à travers le teint de la personne :

  • L’air est l’agent de l’action
    • avec l’air de Grignan, c’est pour vous mettre en poudre (5)
  • La personne est le siège d’un état
    • Elle a quelques rougeurs au visage ; c’est cet air terrible de Grignan (21)
    • Mandez-moi comme vous vous portez de l’air de Grignan [...], si vous avez le teint gâté [...] (4)
  • La personne / une partie du corps est le siège d’un état
    • C’est un grand déplaisir que votre beau teint ne puisse pas soutenir l’air de Provence (1)

Je précise certaines définitions :

‘Rougeur : Il se dit des taches rouges qui viennent sur la peau, au visage. Terme de médecine. Coloration qui est un des phénomènes constants de l’inflammation. ’ ‘En poudre : abîmé 356 . ’ ‘Poudre : légères particules de terre desséchée qui couvrent le sol ou s’élèvent en l’air.’

On retrouve le trait « sécheresse » (lié à la terre dans la théorie des éléments), associé à la chaleur (l’inflammation qui se manifeste par les rougeurs). Littré parle, dans de semblables conditions, d’un teint échauffé, qu’il définit ainsi :

‘Teint échauffé : teint marqué de taches rouges, de boutons, signes d’échauffement. « Il a le teint échauffé », La Bruy. VI.’

l’échauffement étant lui-même un terme médical :

‘Échauffement : augmentation de chaleur dans l’économie animale, caractérisée par un sentiment d’ardeur, par de la soif, par la constipation, par des ébullitions et des démangeaisons dans tout le corps, par un teint animé 357 .’

On notera que la dégradation de la santé est liée à l’altération de la beauté, comme le montre la citation 25, dans laquelle Mme de Sévigné prie sa fille de rester la belle princesse qui figure sur un portrait de Carnavalet.

D’autres effets sont à craindre, comme la perte de sommeil et le mal de tête :

  • La personne / une partie du corps est le siège d’un état
    • Mandez-moi comme vous vous portez de l’air de Grignan [...], si vous dormez mal [...] (4)
    • et comment cette bonne tête, qui ne vous avait jamais fait aucun mal et dont vous vous louiez tant au milieu de vos autres maux, se trouve de l’air de Grignan (29)

On retrouve ici une construction verbale (se trouve de) similaire à celle de 4 (vous vous portez de).

Précisons que le mal de tête est une incommodité qui frappe les beaux esprits et peut conduire à la mort. Le surlendemain, Mme de Sévigné, revenant sur ce thème, évoque l’exemple célèbre de Pascal :

‘Mais, ma chère enfant, je suis fâchée de votre mal de tête ! Que pensez-vous de me dire de ressembler à M. Pascal. Vous me faites mourir. Il est vrai que c’est une belle chose que d’écrire comme lui ; rien n’est si divin. Mais la cruelle chose que d’avoir une tête aussi délicate et aussi épuisée que la sienne, qui a fait le tourment de sa vie et l’a coupée enfin au milieu de sa course ! Il n’est pas toujours question des propositions d’Euclide pour se casser la tête ; un certain point d’épuisement fait le même effet. (t. 3, l. 1102, p. 584) 358

Car la mort est toujours à craindre :

  • L’air est l’agent de l’action
    • ce terrible air de Grignan qui devait vous faire mourir (11)

Le bilan de tels effets ne peut conduire qu’à une évaluation négative :

  • l’air de Grignan vous est mortel (13)
  • l’air de Grignan est terrible pour elle (15)
  • à quel point cet air vous est contraire (19)
  • plût à Dieu que votre air fût comme celui-ci, qui est parfait (30)

Celle-ci est implicite, à travers le souhait et la comparaison que formule Mme de Sévigné en 30. En 13,15 et 19, où cette évaluation est mise en relation avec Mme de Grignan, elle fait craindre le pire pour sa santé. Cet air ne lui convient pas, en raison des qualités qui lui sont propres et de l’état physique de Mme de Grignan :

‘[...] il assure que tout l’air de Provence est trop subtil, trop vif, trop desséchant pour l’état où vous êtes. Quand on se porte bien, tout est bon, mais quand on est attaquée de la poitrine, qu’on est maigre, qu’on est délicate, on s’y met en état de ne plus pouvoir se rétablir. (19)’

Pour bien comprendre cette relation, il faut examiner de plus près nos citations, et faire appel éventuellement à d’autres contextes. Dans une lettre du 9 juillet 1677 359 , après avoir parlé du desséchement de Mme de La Fayette, Mme de Sévigné fait allusion à ceux qui ont le sang si extrêmement subtil, au premier chef sa fille, et le 18 septembre 1679 360 , elle évoque ce pauvre sang, déjà si subtil... On peut se reporter à la lettre du 26 juillet 1671 361 , qui soupçonne, derrière d’apparentes piqûres de moustiques, un sang échauffé, celle du 6 octobre 1679 362 , qui évoque une poitrine échauffée et un sang irrité. Le lendemain même 7 octobre 1679 363 , Mme de Sévigné parle de sang en furie et brûlé à l’excès, le 2 février 1680 364 , du feu [qui] s’est jeté dans votre bouche et sur votre visage. Le 8 octobre 1684, elle dépeint avec véhémence l’esquinancie (angine) de Mme de Grignan :

‘[...] la furie de votre sang, qui vous a fait si souvent du ravage, m’empêche de rire quand il se jette ainsi dans votre gorge (t. 3, l. 892, p. 149).’

Dans notre corpus, il est question de la vivacité de votre sang (28) 365 , de l’âcreté de sang qui cause tous ses maux (16) :

‘Âcre : Qui exerce une action piquante et corrosive. Humeurs âcres.’

Mme de Grignan est en quelque sorte à l’image de l’élément-climat dans lequel elle se trouve. Si l’air de Grignan est subtil, vif (n’oublions pas la bise que nous ferons souffler bientôt...), chaud et sec, Mme de Grignan a un sang subtil, échauffé, vif, elle est maigre et délicate. Voici un passage qui résume assez bien les maux qui l’assaillent :

‘Tant que vous serez maigre, ma fille, vous ne serez point guérie, et soit par le sang échauffé et subtilisé, soit par la poitrine, vous devez toujours craindre le desséchement. (t. 2, l. 595, p. 512)’

et auquel on peut ajouter la ronde de synonymes non moins réjouissante de cet autre extrait :

‘[...] quand je vous verrai comme vous devez être, étant jeune, et non pas usée, consumée, dépérie, < échauffée, > épuisée, desséchée [...] (t. 2, l. 592, p. 503)’

C’est cette rencontre de propriétés identiques qui est néfaste.

L’air de Grignan n’a toutefois pas que des effets négatifs. Il arrive que son action soit présentée sous un jour favorable. Certaines citations vien­nent préciser ces données premières :

  • L’air est l’agent de l’action
    • Je l’ai trouvée mieux que quand elle partit, et cet air de Provence, qui la devait dévorer, ne l’a point dévorée. (24)
    • [...] revoir ma chère enfant comme je la souhaite, belle, aimable, grasse, forte. Eh, mon Dieu ! l’air de Grignan fera-t-il tous ces miracles ? (22)
    • [...] il faut que Dieu ait donné une bénédiction nouvelle à celui [l’air]de Grignan, car de mon temps, on ne l’eût jamais soupçonné de restaurer, de rafraîchir et d’humecter une jeune personne. (12)

On notera que, dans la citation 11, l’air est en quelque sorte un instrument entre les mains de Dieu :

  • Dieu est l’agent de l’action (l’air est l’instrument)
    • Il est vrai que je suis ravie de penser au miracle que Dieu a fait en vous guérissant par ce pénible voyage, et ce terrible air de Grignan qui devait vous faire mourir. (11)

Il s’ensuit une évaluation positive :

  • [...] que l’air de Grignan ne vous soit point contraire 366  ! (7)
  • il [l’air de Grignan] n’est pas moins bon pour ma vie que pour la vôtre (12).

Soit les effets précédents sont niés (ne l’a point dévorée en 24), soit ils font place à leurs contraires. L’air ne dessèche plus, n’amaigrit plus, n’affaiblit plus. Si Dieu guérit, l’air humecte et rafraîchit, il rend sa fille grasse et forte (l’embonpoint étant, comme son nom l’indique 367 un signe de santé), et donc belle et aimable (la beauté étant liée à la santé) : c’est du moins le souhait qu’elle formule. Le « rafraîchissement » est le conseil souverain que Mme de Sévigné donne à sa fille à de nombreuses reprises 368 . Cette recommandation consacre le triomphe du froid et de l’humide sur le sec et le chaud, et s’inscrit dans les conceptions de la médecine de l’époque, qui se fondait sur la lutte d’éléments opposés 369 . Si l’air de Grignan présente de telles qualités, il ne peut qu’être bon pour Mme de Grignan.

Mais l’on voit que Mme de Sévigné n’y croit guère. Chaque fois qu’elle évoque l’éventualité d’une influence bénéfique, elle manifeste doute et étonnement :

  • [...] que je puisse revoir ma chère enfant comme je la souhaite, belle, aimable, grasse, forte. Eh, mon Dieu ! l’air de Grignan fera-t-il tous ces miracles ? (22)
  • Mais, Dieu merci, l’air et le repos de Grignan ont fait ce miracle [...] (10)
  • Il est vrai que je suis ravie de penser au miracle que Dieu a fait en vous guérissant par ce pénible voyage, et ce terrible air de Grignan qui devait vous faire mourir. (11)
  • [...] il faut que Dieu ait donné une bénédiction nouvelle à celui [air] de Grignan, car de mon temps, on ne l’eût jamais soupçonné de restaurer, de rafraîchir et d’humecter une jeune personne. Que Dieu soit loué à jamais de la santé que vous y avez trouvé ! Sans raisonner ni tirer aucune conséquence, je m’en tiens là, et je puis dire qu’il n’est pas moins bon pour ma vie que pour la vôtre, puisqu’il vous a tirée du pitoyable état où vous étiez quand je vous dis adieu. (12)
  • par un effet tout contraire à celui que nous craignions, l’air de Provence lui a plutôt fait du bien que du mal (23)
  • et cet air de Provence, qui la devait dévorer, ne l’a point dévorée (24)

que ce soit par la tournure de la phrase (interrogation en 22), le rappel d’un certain ordre des choses (en 23, 24, qui devait vous faire mourir en 11) et les convictions qui s’y réfèrent (on ne l’eût jamais soupçonné en 12), l’abandon de toute logique (sans raisonner ni tirer aucune consé­quence en 12), les allusions aux miracles et à l’action divine (22, 10, 11, 12). On remarquera qu’en 11, l’être suprême est d’autant plus méritant qu’il en rajoute dans la difficulté, en cumulant deux facteurs négatifs (ce pénible voyage et ce terrible air de Grignan). En fait, cette action bienfaisante de l’air de Grignan n’entre pas dans la représentation systématique que Mme de Sévigné se fait de la relation entre l’état de santé de sa fille et l’élément-climat dans lequel elle se trouve.

Si l’air exerce une action sur l’homme, il n’est pas seul en cause. D’autres facteurs contribuent à restaurer ou à dégrader la santé, selon les mêmes lois mettant en jeu les relations entre les éléments. Ils peuvent entrer en interaction avec l’influence climatique. Notre corpus fournit un certain nombre d’indications, que d’autres contextes développent amplement.

Le premier de ces facteurs reste très lié à l’air. C’est la saison dans laquelle on se trouve. Si l’élément-climat de Grignan est chaud et sec, il est certain que ces qualités gagneront en intensité pendant l’été. Il est donc recommandé d’éviter cette saison quand on est soi-même échauffé. C’est le conseil que Mme de Sévigné donne à sa fille dans deux lettres de mai 1678 qui se font suite :

‘Quoi que vous puissiez dire, l’air de Grignan vous est mortel et vous a mise en l’état où vous êtes. Vous éviterez d’y passer l’été, en partant au mois de septembre ; vous donneriez ce temps à du repos ou à des bains. (13)’ ‘Je lui [à M. Fagon] ai dit l’envie que j’avais eue de la retenir ici [à Paris] pendant les chaleurs, et qu’elle ne partît que cet automne [...] (14) ’

Les autres facteurs sont liés au mode de vie de la personne. L’alimentation est l’une des préoccupations premières. Et d’abord, le fait de man­ger. Mme de Sévigné s’inquiète du fait que sa fille ne mange pas assez :

‘J’avais tort de craindre que l’air de Provence ne vous fît une maladie considérable ! Vous ne dormiez ni ne mangiez [...] (9)’ ‘ne vous échauffez point à l’excès [...], par ne point manger (25) 370 .’

Elle craint que cela ne l’échauffe (25), et, bien sûr, que l’air de Provence ne vienne encore aggraver cet état de choses (ne vous fît une maladie considérable). Le conseil de manger davantage (t. 2, l. 728, p. 808) nous semble naturel, eu égard à la maigreur de sa fille qu’elle ne cesse de dénoncer. Mais, au-delà de cette évidence, il s’inscrit dans une logique médicale qui fait de la nourriture un véritable remède :

‘Il [le médecin Fagon] dit que votre grand régime devait être dans les aliments, que c’était un remède que la nourriture, que c’était le seul qui le soutînt, que cela adoucissait le sang, réparait les dissipations 371 , rafraîchissait la poitrine, redonnait des forces [...] (t. 2, l. 717, p. 765)’ ‘dont on voit qu’il est susceptible d’apporter à Mme de Grignan l’apaisement, le rafraîchissement, les forces qui lui manquent 372 . À cette recommandation fondamentale, viennent s’ajouter des considérations relatives aux aliments et aux boissons. En premier, il faut citer le lait, dont les vertus rafraîchissantes sont louées à de multiples reprises 373 . ’

R. Duchêne rappelle 374 que le lait de vache, de chèvre ou d’ânesse, était à cette époque la base de nombreux régimes thérapeutiques, et il cite, à ce propos, cet extrait d’une lettre de l’abbé Bourdelot, médecin « hygiéniste » pourrait-on dire, à Condé qui l’avait pris à son service :

‘Quand les corps sont remplis de lait, qui est une substance douce, cette substance se porte à la partie douloureuse, qui sert d’un cataplasme interne tel que celui de mie de pain et de lait qui apaise la douleur des goutteux. (lettre du 10 novembre 1670)’

Vous voilà donc dans le lait, ma pauvre bonne, dit Mme de Sévigné à sa fille dans une lettre datée du 7 février 1680 375 . Mais cette immersion n’était pas sans problème. Mme de Grignan en effet n’aimait pas le lait. Ce qui nous vaut les doléances de sa mère 376 , et surtout une judicieuse explication de cette impossible alliance des contraires :

‘Il se peut [...] que votre sang soit encore trop échauffé, pour pouvoir s’unir à la fraîcheur du lait, car s’il vous était bon, vous seriez guérie. Le frère Ange 377 comprit parfaitement l’effet de cette contrariété, qui fait comme de l’eau sur une pelle trop chaude. (t. 2, l. 736, p. 838-839)’

la trop grande chaleur de sang de Mme de Grignan étant ce qui repousse cette fraîcheur pourtant salutaire...

C’est dans ce contexte médical qu’il faut comprendre la très intéressante comparaison que Mme de Grignan elle-même établit entre l’air et le lait, dans une lettre qu’elle écrit de Livry (tant vanté par Mme de Sévigné), le 20 mai 1678 à son mari :

‘La Garde vous fait faire une housse ; je l’ai prié d’en prendre le soin pendant que je suis ici à respirer un air qui me fera autant de bien que du lait. (lettre citée dans la note 4 de la p. 607, l. 642, t. 2, p. 1389-1392 [cette phrase est à la p. 1391]). ’

Devant les résistances de sa fille, Mme de Sévigné ne reste pas pour autant en panne... sèche (pourrait-on dire), puisqu’elle lui recommande également, en association avec le lait – ou, puisqu’il le faut, en remplacement de ce dernier – des bouillons, des orges, des semences froides 378 , toujours en vue de cet impossible rafraîchissement... En revanche, elle lui déconseille le chocolat et le café. Ces deux boissons, d’introduction récen­te, étaient vues à l’époque comme des remèdes 379 . Le café était considéré comme échauffant, et Mme de Sévigné le craint pour sa fille 380 . Elle tente d’en convaincre Mme de Grignan dans la citation 27, qui met en avant la coalition échauffante que forment ces deux agents négatifs que sont le café et l’air (il vous échauffe, joint à l’air), qu’elle oppose à un remède rafraîchissant, dans cette formule saisissante :

‘nous voudrions vous jeter un peu dans les bouillons de poulet (27). ’ ‘J’ajoute en passant que les fraises firent en 1677 le plus grand bien à Mme de Sévigné elle-même 381 ... ’

L’importance du sommeil est également soulignée :

‘Vous ne dormiez ni ne mangiez [...] (9)’ ‘[...] ne vous échauffez point à l’excès par de cruelles nuits, par ne point manger, mais est-on maîtresse de son imagination ? (25)’ ‘et si avec tant d’inquiétudes et de mauvaises nuits, vous n’êtes pas fort emmaigrie (26) ’ ‘[...] il est absolument impossible qu’après avoir lu nos volumes, quand même il n’y aurait rien de fâcheux ni de désagréable, vous ne trouviez à penser et à rêver dans les nouvelles qu’on vous mande. Il n’en faut pas tant pour ôter le sommeil à une personne aussi éveillée que vous. Joignez cela avec la vivacité de votre sang, et à l’air subtil de Provence, vous trouverez que les personnes du monde qui vous aiment le plus vous font malade et vous assassinent réglément trois fois la semaine. (28)’

Ne pas manger et ne pas dormir se trouvent associés dans la même réprobation (9), le manque de sommeil (exprimé métonymiquement par les cruelles, mauvaises nuits) conduisant lui aussi à l’échauffement et à l’amaigrissement (25, 26). L’air de Grignan peut contribuer à ces mauvaises nuits, comme on l’a vu en 4. Mais il y a aussi les inquiétudes (25, 26) et l’imagination (25), quand on sait son fils sur un champ de bataille, et même les pensées qui suivent, dans un esprit trop éveillé, la lecture des volumes maternels (28). Et voilà que Mme de Sévigné, devenue, dans un monde où tout se tient, l’alliée involontaire de ces agents négatifs que sont l’air subtil, le sang trop vif et l’absence de sommeil, mène quasiment sa fille aux portes de la mort !

À cela vient s’ajouter la crainte que Mme de Grignan se fatigue à écrire à sa mère. Ce thème, qui apparaît dans la lettre du 23 juin 1677 (Je voudrais, ma bonne, que vous écrivissiez moins) 382 , sera développé avec insistance dans les lettres de 1679-1680 383 . Mme de Sévigné use d’images très fortes, mettant en jeu la vie et la mort :

‘Corbinelli se tue quand il veut ; il n’a qu’à écrire. Qu’il soit huit jours sans regarder son écritoire, il ressuscite. (t. 2, l. 721, p. 777-778) 384

Elle assimile l’écritoire 385 qu’elle a offerte à sa fille à une épée 386 , à un poignard 387 . Si elle dénonce cette activité nocive (sans en tirer toutefois de leçon pour elle-même !), c’est avec l’appui des autorités médicales du temps :

‘[...] qu’il [Fagon] lui conseillait la tranquillité, le repos, les régimes doux, et surtout de ne point écrire [...] (t. 2, l. 643, p. 608) ’ ‘Je ne veux point que vous m’écriviez de si grandes lettres [...] Duchesne me disait l’autre jour que rien n’était pis que d’écrire beaucoup. (t. 2, l. 709, p. 733).’

Il semble bien que ce soit la position physique de la personne qui se trouve en cause :

‘Vous me faites un grand plaisir, ma très chère, de vous reposer et d’être bien à votre aise, couchée et appuyée sur de bons carreaux [coussins] pendant que vous me parlez. Cette posture me contente parce qu’elle vous repose et, au contraire, quand je me représente cette situation contraire [la position assise], qui vous tue la poitrine et qui vous épuise, cela me fait un mal étrange. (t. 2, l. 782, p. 1000).’ ‘[...] faites-moi écrire par M. du Plessis [...] et je serai ravie de penser que, toute couchée et tout à votre aise, vous causerez avec moi, et que vous ne serez point contrainte, deux heures durant, dans une posture qui tue la poitrine. (t. 3, l. 893, p. 152)’

On trouve une précision sur cette position dans l’extrait suivant :

‘Après cela 388 , épuisez-vous, jouez-vous à n’oser plus baisser la tête sans douleur, et forcez-vous, malgré elle, à écrire et à lire, et vous trouverez que vous ne serez plus bonne à rien, car on devient une femme de verre 389 . (t. 3, l. 1094, p. 570)’

De manière générale, la fatigue est proscrite, et le repos est prôné comme un remède souverain. Il s’oppose aux tâches d’écriture, au mouvement, au dérèglement 390 ... et à M. de Grignan, qui promène, qui fait trotter sa femme, au mépris de la santé d’icelle (et des conseils de sa mère) 391  ! En revanche, le repos est dans le même camp que les bains (vous donneriez ce temps à du repos ou à des bains, dit Mme de Sévigné dans la citation 13 de notre corpus), le soin de se rafraîchir 392 , le régime 393 , et l’air (qui, par miracle, peut être celui de Grignan, comme dans la citation 10).

L’entretien du corps passe aussi par ce qu’on appellerait aujourd’hui les produits de beauté. On notera avec intérêt, si l’on se reporte à la citation 5 du corpus, que le choix d’un onguent pour le teint doit se faire en accord avec la qualité de l’air du lieu où l’on se trouve. Ainsi le fiel de bœuf, desséchant par lui-même, aura des effets extrêmes (vous mettre en poudre) s’il se trouve associé à l’air de Grignan. Mme de Grignan doit au contraire humecter et rafraîchir son teint, et protéger son visage du contact avec l’air (mettre un masque).

L’étude de ce corpus montre donc que l’air-climat d’un lieu (éventuellement la saison), la personne qui s’y trouve et son mode de vie, forment un tout, qui, régi par les qualités premières du chaud et du froid, du sec et de l’humide, détermine l’état de santé de cette personne.

Mettons dans l’air de Provence, pour confirmer l’expérience, une autre personne que la comtesse – ce pauvre chevalier de Grignan, son beau-frère, qui souffrait de rhumatisme et dut, pour cette raison, quitter le service en 1688 :

‘32. Il semble que l’air et la vie de Grignan devraient redonner la santé à Monsieur le Chevalier. Il est entouré de la meilleure compagnie qu’il puisse souhaiter, sans être interrompu de ces cruelles visites, de ces paquets de chenilles, qui lui donnaient la goutte. Point de froid, une bise qui prend le nom d’air natal pour ne le point effrayer. Enfin je ne comprends pas l’opiniâtreté et la noirceur de ses vapeurs de tenir contre tant de bonnes choses. Cependant il les a : cela n’est que trop vrai. (t. 3, l. 1128, p. 643)’

L’air de Grignan est ici défini par des composantes climatiques telles que le chaud (point de froid) et la bise. Ces composantes sont vues ici sous un jour favorable (avec une pointe d’humour sur le vent, adouci par la dénomination d’air natal 394 ). Cet élément-climat 395 devrait convenir au Chevalier (lui redonner la santé), qui fait partie de ces gens qui craignent les froids de Paris (t. 3, l. 1162, p. 739). Aussi Mme de Sévigné ne comprend pas la persistance des symptômes qu’il éprouve (les vapeurs 396 , qui font preuve d’une malignité sans pareille). On retrouve dans ce contexte le rôle important que joue le mode de vie (la vie de Grignan), avec, cette fois, la prise en compte de l’environnement humain de la personne. La meilleure compagnie qui soit l’attend à Grignan, et s’oppose aux cruelles visites, aux pittoresques chenilles, qui vont jusqu’à lui donner des poussées inflammatoires de goutte (ne dit-on pas de nos jours, figurément, que quelqu’un vous donne des boutons) ! Le côté plaisant de cette remarque ne doit pas la faire prendre à la légère. Mme de Sévigné prend en compte les conséquences physiques des contrariétés, comme le montre ce passage d’une lettre de quelques jours antérieure à celle-ci :

‘Ménageons donc ses [du Chevalier] vapeurs. Ne lui dites rien qui le puisse fâcher, point de contestation, point de dispute. Son sang est trop aisé à s’émouvoir. Il s’allume et circule violemment ; c’est le fondement de tous ses maux. (t. 3, l. 1125, p. 635)’

Je n’entrerai pas plus avant dans la vie du chevalier de Grignan, mais avant de le quitter, je tiens encore à dire un mot sur ses rapports avec le quinquina, bien qu’il n’en soit pas fait mention ici. La surprise de Mme de Sévigné devant les heureux effets de ce remède illustre parfaitement ce qui a été dit plus haut sur la mésalliance que produit (du moins, que doit produire) la rencontre de qualités identiques :

‘Quelle joie, ma chère enfant, que le quinquina ait fait ses miracles ordinaires ! Je vous avoue que je tremblais en ouvrant votre lettre, car tout est à craindre d’un tempérament comme celui de Monsieur le Chevalier. Quel bonheur qu’un remède si chaud se soit accommodé avec la chaleur de son sang ! (t. 3, l. 1158, p. 725)’

Un mois plus tard, les faits semblent lui donner raison, ainsi qu’à la sagesse des dictons...

‘Je suis en peine de la santé de Monsieur le Chevalier, et de l’effet du quinquina, redonné dans sa dose ordinaire ; sa chaleur contre celle du sang du Chevalier me fait souvenir de ce qu’on dit quelquefois : quand brave rencontre brave, brave demeure. Nous espérons que ce brave quinquina fera demeurer tout court ce brave sang. Dieu le veuille ! Il est bien difficile à dompter. (t. 3, l. 1166, p. 753)’

Si j’ai choisi l’air de Grignan comme premier objet d’étude, c’est qu’il occupe une place privilégiée dans les lettres de Mme de Sévigné, et permet ainsi de mettre pleinement en lumière ce système qui unit les lieux et les êtres, et dont l’air constitue un élément primordial. Ce qui est valable pour Grignan l’est bien sûr pour d’autres lieux que je vais pren­dre en compte, mais qui fourniront un champ d’observation plus fragmentaire.

Si l’on reste dans le sud de la France, notre corpus offre des aperçus sur l’air d’Aix et de Salon.

Rappelons nos deux citations sur Aix :

‘2. Je suis assurée, ma chère enfant, que pour me tirer de peine, vous me manderez que l’air d’Aix vous a toute raccommodée, que vous n’êtes plus si maigre qu’à Grignan ; je n’en croirai rien du tout. Je joins à mon inquiétude le bruit de la rue, dont vous êtes désaccoutumée, et qui vous empêche de dormir. (2)’ ‘14. J’ai demandé à M. Fagon si l’air subtil lui était contraire ; il a dit qu’il l’était beaucoup. Je lui ai dit l’envie que j’avais eue de la retenir ici pendant les chaleurs, et qu’elle ne partît que cet automne pour passer l’hiver à Aix, dont l’air est bon, que vous ne souhaitiez au monde que sa santé [...] (14)’

Dans la première (la lettre est du 11 octobre 1673), l’air d’Aix n’est guère plus en faveur que celui de Grignan. Il ne raccommode 397 pas sa fille, ne la tire pas de son état de maigreur. Vient s’ajouter l’insomnie, due au bruit de la rue. Dans la citation suivante (environ cinq ans plus tard) où Mme de Sévigné rappelle la nocivité de l’air subtil (l’air de Grignan), l’air d’Aix est évalué positivement (il est bon). Mais l’on remarquera que Mme de Sévigné recommande ce séjour en rapport avec la saison d’hiver 398 .

Quant à l’air de Salon, il a pour effet particulier (et néfaste) d’aggraver le mal de poitrine dont souffrait la comtesse (cette douleur et cette pesanteur au côté gauche), et qui constituait un leitmotiv des lettres de Mme de Sévigné.

Quittons le Midi. Là encore, je suivrai un parcours géographique, me conduisant à travers régions, villes et domaines. Je commencerai par les lieux les plus souvent cités.

Notes
344.

. Les occurrences des citations 16 et 18 présentent une ambiguïté d’interprétation, le mot air pouvant aussi être interprété dans le sens de « vent ». Je les reprendrai donc dans le cadre de l’étude consacrée à cette autre signification.

345.

. Rappelons que le château de Grignan avait été construit sur un mamelon qui domine de 33 mètres toute la plaine environnante.

346.

. Sur les clitiques attributs, on se reportera à N. Dupont, 1991.

347.

. Même si la détermination est présente après coup, dans la comparative (celui [l’air] de Grignan), le syntagme nominal indéfini (un air subtil) pourrait être employé seul. C’est le cas dans d’autres contextes que nous verrons plus loin.

348.

. Lettre du P. Étienne Noël à Monsieur Pascal, in Pascal, Œuvres complètes, 1998, t. 1, p. 373.

349.

. Dans chaque analyse de corpus, je soulignerai les mots ou séquences concernés.

350.

. Restaurer : remettre en bon état, en vigueur.

351.

. Sur l’emploi de de pour exprimer la cause, on se reportera à A. Haase, 1965, § 109, qui cite d’ailleurs une phrase de Mme de Sévigné : Je me porte très bien de ma petite médecine (Sév. IV, 70).

352.

. On comprend ici : je crains [l’action, l’effet] de l’air de Grignan.

353.

. Si nécessaire, je précise, comme ici, le sens des mots importants rencontrés dans les définitions elles-mêmes.

354.

. Le PR donne un sens proche, qu’il date de 1677 et considère comme vieilli :

Amaigrissement et dépérissement observés dans toute maladie grave et prolongée.

355.

. Littré illustre cette définition par la citation 4 de Mme de Sévigné (qui présente toutefois une forme réduite par rapport à celle de notre édition).

356.

. Littré illustre cette expression par la citation 5 de Mme de Sévigné, mais le synonyme qu’il choisit ne fait pas suffisamment ressortir la signification littérale du mot poudre, que je précise. R. Duchêne rapproche cette expression des participes passés pulvérisé et brésillé, au sens de « réduit en poudre à force de sécheresse » (voir note 1 de la p. 163, l. 448, t. 2, p. 1168).

357.

. L’action échauffante de l’air de Grignan est plus ou moins sous-entendue dans la citation 27 (il [le café] vous échauffe, joint à l’air que vous respirez). L’échauffement est également évoqué dans la citation 1, mais l’argumentation du passage n’est pas très claire. Logiquement, l’air devrait être la cause de l’échauffement du sang de Mme de Grignan, considéré comme une mauvaise chose. Or il est question de malheur, de remède, alors que, précédemment, Mme de Sévigné vient de dire que le sang de sa fille n’était point échauffé. Je pense qu’il faut rétablir un raisonnement très elliptique du type : « en ce qui concerne l’échauffement, toujours à craindre, de votre sang, il n’y a pas de remède, en raison des conditions atmosphériques où vous vous trouvez ».

358.

. Il a déjà été question des maux de tête de Pascal dans le tome 1, l. 192, p. 323, ainsi que, toujours dans le tome 1, l. 204, p. 356 et l. 205, p. 356 . Dans cette dernière, elle déplore en ces termes la mort, à trente-cinq ans, de l’abbé Montigny, évêque de Saint-Pol-de-Léon (voir note 1 de la p. 356, l. 204, p. 1172) : Il avait un des plus beaux esprits du monde pour les sciences. C’est ce qui l’a tué, comme Pascal ; il s’est épuisé.

359.

. T. 2, l. 587, p. 485.

360.

. T. 2, l. 689, p. 679.

361.

. T. 1, l. 186, p. 306.

362.

. T. 2, l. 696, p. 696.

363.

. T. 2, l. 697, p. 698.

364.

. T. 2, l. 732, p. 825.

365.

. On trouve dans le tome 2, Le sang court-il toujours trop vite dans notre cœur ? (l. 580, p. 467), un sang raisonnable, qui n’irait point plus vite qu’un autre (l. 588, p. 485-486), le mouvement [de votre sang] (l. 708, p. 729), de quelle rapidité votre sang passait dans vos artères et dans vos veines (l. 710, p. 739), l’intempérie de votre sang (l. 736, p. 839).

366.

. Contraire : nuisible.

367.

. Embonpoint : bon état du corps ; se dit surtout des personnes un peu grasses.

368.

. Je choisirai mes références dans le tome 2 qui contient le plus grand nombre d’occurrences (R. Duchêne situe entre 1677 et 1680 les craintes de Mme de Sévigné relatives à l’air de Grignan). Voici les différentes formes du rafraîchissement : l. 581, p. 468 (rafraîchir), l. 587, p. 485 (se rafraîchisse), l. 588, p. 485 (rafraîchirait), l. 607, p. 545 (rafraîchi, rafraîchissement), l. 643, p. 608 (rafraîchissants), l. 692, p. 684 (rafraîchir, rafraîchirait), l. 693, p. 687 (rafraîchir), l. 696, p. 696 (rafraîchir), l. 700, p. 706 (rafraîchissez-vous), l. 704, p. 716 (rafraîchir), l. 710, p. 738 (rafraîchir), et p. 739 (vous avez été rafraîchie), l. 712, p. 743 (rafraîchir), l. 717, p. 765 (rafraîchissait), l. 728, p. 807 (rafraîchît), l. 732, p. 825 (en rafraîchissant), l. 736, p. 838 (fraîcheur) et p. 839 (rafraîchissants). Dans notre corpus, on se reportera aux citations 16 (rafraîchir) et 25 (rafraîchissez-vous). Les verbes apaiser, adoucir, calmer, sont souvent associés à rafraîchir.

369.

. On se reportera à la note 1 de la p. 738, l. 710, t. 2, p. 1442) de R. Duchêne, qui ajoute que le langage médical « demeure le plus souvent au niveau de la métaphore » (on trouve, dans le contexte auquel se rapporte cette note, des mots comme embraser, feu). Ce n’est pas tout à fait sûr, et il est fort possible que cette interprétation reflète la difficulté où nous sommes d’appréhender la représentation du monde, gouvernée par les quatre éléments, telle qu’elle existait au XVIIesiècle.

370.

. On peut se reporter à d’autres lettres du tome 2, par exemple, l. 580, p. 467 (Dormons-nous ? Mangeons-nous ?), l. 696, p. 696 (dormant peu, mangeant peu).

371.

. Dissipation : action d’évaporer, déperdition [cette signification est illustrée par la présente citation de Mme de Sévigné].

372.

. Ajoutons que pour Fagon comme pour Duchesne (autre médecin), la nourriture aide à la digestion :

Quand la digestion est trop longue, il faut manger : cela consomme un reste qui ne fait que se pourrir et fumer si vous ne le réchauffez par des aliments [...] (t. 2, l. 721, p. 778).

373.

. Citons, toujours dans le tome 2, les lettres suivantes : l. 588, p. 485 ; l. 631, p. 592 ; l. 643, p. 608 ; l. 670, p. 649 ; l. 693, p. 687 ; l. 704, p. 716 et p. 718 ; l. 706, p. 724 ; l. 707, p. 726 ; l. 727, p. 802 ; l. 728, p. 808 ; l. 736, p. 838-839 ; l. 794, p. 1042.

374.

. Voir note 1 de la p. 486, l. 588, t. 2, p. 1329.

375.

. T. 2, l. 733, p. 829.

376.

. Dans le tome 2, on se reportera aux lettres suivantes : l. 631, p. 591-592 ( Elle [...] refuse le seul remède qui la pourrait guérir), l. 643, p. 608 (l’aversion qu’elle y [au lait] a), l. 706, p. 724 (Je ne vous dis pas d’en prendre [du lait d’ânesse], puisqu’il vous est contraire, qu’il vous dégoûte et vous déplaît, mais je me plains, comme d’un très grand malheur, que vous soyez privée d’un si sûr et si salutaire remède), l. 708, p. 729 (puisque ce remède vous est contraire), l. 742, p. 861 (Pourquoi disiez-vous que le lait était un poison ?).

377.

. Le frère Ange était un capucin qui résidait au faubourg Saint-Jacques et avait inventé de nombreuses préparations (voir note 6 de la p. 833, l. 734, t. 2, p. 1482). R. Du­chêne ajoute (voir note 1 de la p. 839, l. 736, t. 2, p. 1484), que la comparaison qui suit est tout à fait dans le style médical de l’époque, et qu’elle est peut-être directement reprise au frère Ange.

378.

. On se reportera, dans le tome 2, aux lettres suivantes : l. 643, p. 608 (des bouillons rafraîchissants), l. 693, p. 687 (des bouillons, des orges, et même de ce lait), l. 704, p. 718 (les bouillons et le lait), l. 707, p. 726 (du lait et des bouillons), l. 708, p. 729 (des orges, des bouillons de poulet avec des semences froides, sur avis médical de Duchesne). D’après R. Duchêne (voir note 4 de la p. 729, l. 708, t. 2, p. 1439), il existait deux grands types de semences froides : les semences froides majeures (graines de concombre, melon, citrouille et courge) et les semences froides mineures (graines de laitue, endive, chicorée et pourpier).

379.

. Sur le chocolat, on se reportera à la note 3 de la p. 220, l. 156, t. 1, p. 1055-1056, et sur le café, à la note 1 de la p. 290, l. 509, t. 2, p. 1229-1230. Sur le thé, considéré lui aussi comme un médicament (et plutôt desséchant), on se référera à la note 5 de la p. 148, l. 891, t. 3, p. 1227-1228.

380.

. On se reportera, dans le tome 2, à la l. 708, p. 729 : Il [Duchesne] croit que le café vous est contraire, qu’il précipite votre sang, qu’il l’échauffe, qu’il en redouble le mouvement [...]. Dans une lettre de 1688 (t. 3, l. 1017, p. 382), Mme de Sévigné ira jusqu’à dire que Le café est tout à fait disgracié, et qu’elle n’en prend plus.

381.

. J’étais un peu échauffée ; les fraises m’ont entièrement rafraîchie et purgée (t. 2, l. 580, p. 467).

382.

. T. 2, l. 582, p. 473.

383.

. On se reportera sur ce point à la note 2 de la lettre citée (t. 2, l. 582, p. 473, p. 1323). Outre les citations que je donne ci-dessous, on pourra se reporter aux lettres suivantes du tome 2 : l. 693, p. 687 (je ne veux qu’une feuille de votre écriture), l. 696, p. 696 (et cette écritoire toujours ouverte), l. 721, p. 781 (fermez votre écritoire), l. 725, p. 792 (cette écritoire ennemie, cette terrible écriture), l. 726, p. 796 (le mal sensible que cela [écrire] vous fait), l. 742, p. 861 (Ne vous remettez point à m’écrire [...]), l. 743, p. 866 (Je ne veux plus de longues lettres de votre écriture.), l. 752, p. 896 (priez-la de ne plus écrire de sa main), l. 794, p. 1042 (la [la secrétaire de Mme de Grignan] faire écrire pour vous). Ce thème sera repris dans le tome 3, l. 1094, p. 570 (l’excès de vos écritures).

384.

. On se reportera aussi dans le tome 2 aux lettres suivantes : t. 2, l. 587, p. 484 (vous tuer de la même épée), l. 721, p. 781 (vous tuer pour leur [ceux qui vous aiment le plus] écrire), l. 729, p. 812 (vous tuer avec votre écritoire), l. 743, p. 866 (je ne veux point avoir de part à ce qui vous tue [longues lettres de votre écriture]), l. 746, p. 877 (vous vous tuez), l. 752, p. 896 (c’est l’écriture qui la tue, mais visiblement).

385.

. Écritoire : petit meuble portatif où l’on met tout ce qu’il faut pour écrire.

386.

. T. 2, l. 587, p. 484.

387.

. T. 2, l. 714, p. 754 ; l. 721, p. 778 ; l. 746, p. 877.

388.

. Mme de Sévigné vient d’évoquer le danger que représentent les vapeurs d’épuisement.

389.

. Littré, qui reprend cette citation de Mme de Sévigné, définit une personne de verre comme une personne que la moindre chose brise, abat.

390.

. T. 2, l. 721, p. 778.

391.

. T. 2, l. 746, p. 877.

392.

. T. 2, l. 696, p. 696 ; l. 712, p. 743.

393.

. T. 2, l. 643, p. 608 ; l. 721, p. 778.

394.

. Sur laquelle je reviendrai.

395.

. Mme de Sévigné fera allusion plus loin (t. 3, l. 1169, p. 761) à la douceur d’un climat [pays] qui fait la consolation de tous les pauvres goutteux.

396.

. R. Duchêne, dans la note 1 de la p. 583, l. 1101, t. 3, p. 1436, rappelle la définition du Dictionnaire de l’Académie :

On appelle vapeur dans le corps humain les fumées qui s’élèvent de l’estomac ou du bas-ventre vers le cerveau.

Ce mot fait l’objet d’une controverse entre la mère et la fille, qui transparaît dans les lettres 1101, p. 583, et 1125, p. 634-635 du tome 3. Mme de Sévigné reconnaît qu’on le met à tout et que c’est un secours pour expliquer mille choses qui n’ont pas de nom, mais elle en défend l’usage, précisément parce que, pour cette raison, il est impossible de s’en passer.

397.

. Raccommoder : remettre en bonne santé. Littré illustre cette signification par la présente citation.

398.

. Ce qu’elle contredira dans sa lettre du 12 septembre 1679 (t. 2, l. 686, p. 673, citation 15 du corpus) : La pensée d’aller passer l’hiver à Aix donne plus de peine que le séjour de Grignan. Mais le 30 janvier 1680, elle rapporte le témoignage de M. de Gordes, selon lequel Mme de Grignan s’est trouvée bien mieux, une fois à Aix (t. 2, l. 731, p. 819, citation 19 du corpus).