Tome 3 : 1684-1689

‘8. Le voyage de Gif vous a beaucoup fatiguée ; vous souvient-il de celui de Lambesc avec Mme de Monaco? Je crois que vous n’avez pas été si malade, mais enfin l’air, les brouillards des vallons de Saint-Bernard, la tristesse de cette retraite, des larmes, beaucoup de fatigue, mal dormir, tout cela vous a mise en état d’être saignée deux fois en deux jours. (t. 3, l. 892, p. 149-150)
Mme de Grignan a fait un voyage à Gif, près d’Orsay, où Mlle de Grignan, l’aînée des deux filles que le comte de Grignan avait d’un premier mariage, s’était enfuie pour aller dans un couvent de bénédictines (voir note 2 de la p. 145, l. 890, t. 3, p. 1226). Gif se trouvait dans le voisinage de l’abbaye bernardine de Port-Royal-des-Champs, située dans un vallon affreux d’après Mme de Sévigné (t. 1, l. 365, p. 681), et peu salubre (voir note 1 de la p. 150, p. 1228). ’ ‘9. Je ne trouve pas que le voyage d’Avignon puisse jamais être mieux placé. Le carême1 fait une bonne circonstance, l’air en est doux et gracieux, et de la façon dont le pape vous considère, il vous laissera encore longtemps jouir de ce revenu2. (t. 3, l. 1063, p. 490-491)
La lettre est datée du 31 janvier 1689.
1. Le carême commençait le 23 février (voir note 6 de la p. 490, p. 1392). Le carême constitue une bonne circonstance en ce qu’il permettrait de diminuer les dépenses (t. 3, l. 1075, p. 515).
2. M. de Grignan tirait un revenu du Comtat d’Avignon (voir note 4 de la p. 411, l. 1032, t. 3, p. 1351).’ ‘10. Rien n’est plus vrai, ma fille, que tous vos maux ne viennent que de trop écrire. < Vous le sentez bien ; vous ne voulez pas le dire. > Il faudrait un peu marcher, prendre l’airquand il [l’air]est bon. Il y a des heures charmantes. Comme ici, par exemple, il fait un temps parfait ; le mois de février est bien plus beau que le mois de mai. Il doit faire chaud à Aix. Faites donc < de > l’exercice, car c’est mourir que d’être toujours dans ce trou de cabinet1 ; j’en étouffe. (t. 3, l. 1069, p. 501-502)

La lettre est datée du 11 février 1689.
1. Ce cabinet se trouve dans une ancienne tour du palais des comtes de Provence, où était le logement de M. de Grignan à Aix (voir note 3 de la p. 232, l. 476, t. 2, p. 1202). ’ ‘11. J'aime passionnément vos lettres d'Avignon, ma chère bonne [...] Il me semble que j'y suis ; je prends part à votre triomphe, je cause, j'entretiens votre compagnie, que je trouve d'un mérite et d'une noblesse que j'honore [...] enfin je jouis de votre beau soleil, des rivages charmants de votre beau Rhône, de la dou­ceur de votre air, mais je ne joue point à la bassette, parce que j'ai peur de perdre. (t. 3, l. 1119, p. 620)

La lettre est datée du 19 juin 1689. Mme de Sévigné a fait allusion, dans une précédente lettre, datée du 8 juin 1689, au départ de sa fille pour Avignon (t. 3, l. 1116, p. 611). ’ ‘12. Enfin, ma chère bonne, vous avez quitté votre aimable Avignon. Si le séjour que vous y avez fait ne vous a pas plus ennuyée que le récit que vous m’en faites m’a donné de chagrin, vous en conserverez une agréable idée et une grande envie d’y retourner. Toutes vos descriptions nous ont divertis au dernier point, surtout votre frère, qui fut autrefois1 charmé de cette situation, de la douceur de l'air, de la fraîcheur de ces deux belles rivières2. Comme elles tempèrent le chaud que le soleil pourrait causer ! (t. 3, l. 1121, p. 625)

La lettre est datée du 26 juin 1689.
1. Selon R. Duchêne (voir note 3 de la p. 625, p. 1459), Mme de Sévigné ferait ici allusion au voyage de Charles à Candie (ville du nord de la Crète), qu’elle évoque dans une lettre du 28 août 1668 (t. 1, l. 85, p. 102).
2. Il s’agit du Rhône et de la Durance (voir note 4 de la p. 625, p. 1459).’ ‘13. Cette lettre1 m’apprend > l’arrivée de Monsieur le Chevalier avec un mauvais visage, ne se soutenant point du tout, une poitrine malade. Savez-vous ce que j’ai fait en lisant cette lettre ? j’ai pleuré comme vous tous, car je ne soutiens pas une telle idée, et j’y prends un intérêt sensible, comme si j’étais de la vraie famille. J'espère que l'air et le repos le remettront en meilleur état. Vos soins ont accoutumé d’avoir du succès. (t. 3, l. 1123, p. 632-633)

La lettre est datée du 29 juin 1689.
1. Mme de Sévigné fait allusion à une lettre de sa fille du 18 juin qu’elle vient de recevoir. ’

La plupart des citations contiennent un syntagme nominal du type article défini + air, sans complément déterminatif de lieu. On rencontre deux occurrences de votre air, en 4 et 6 (seconde occurrence). La citation 9 offre un emploi particulier du mot air, déterminé par un complément de temps. L’air en est doux et gracieux doit, dans ce contexte, être interprété comme « l’air du carême (est doux et gracieux) ».

Nous retrouvons donc majoritairement ici le syntagme nominal l’air, dont nous avons déjà évoqué les problèmes qu’il peut poser, et ce sont ces emplois que nous allons d’abord examiner. Qu’en est-il de l’indication de lieu ? Dans un certain nombre d’exemples, la localisation est donnée explicitement dans le contexte, sous la forme d’un complément circonstanciel, présent dans la proposition où se trouve le mot air, comme en 3, ou dans une autre proposition, comme en 1. C’est le cas en 1 et en 7 (à Grignan), 2 (à Livry), où vous êtes [c’est-à-dire « à Saint-Andiol »] / à Grignan (3), à Aix (6). En 8, le nom de lieu est contenu dans le syntagme nominal le voyage de Gif, où il est précédé de la préposition de, qui a en fait une valeur de destination (il s’agit du voyage à Gif). En 13, l’indication est donnée de façon implicite par le syntagme nominal l’arrivée de Monsieur le Chevalier, qui sous-entend « à Grignan ». On a donc bien à faire à une localisation du type à + nom de lieu. Avec l’exemple 12, cette localisation n’est pas livrée directement, mais passe par un cheminement anaphorique plus complexe. Le lieu-source est Avignon (vous avez quitté votre aimable Avignon ), qui se trouve repris dans la phrase suivante sous forme d’un complément circonstanciel, par le pronom y (le séjour que vous y avez fait, une grande envie d’ y retourner), qui équivaut au syntagme à Avignon. C’est dans le cadre de cette localisation que se trouvent introduits dans la dernière phrase les éléments de la description : cette situation, la douceur de l’air, la fraîcheur de ces deux belles rivières.

D’une manière ou d’une autre, à travers les différents contextes, on retrouve donc bien la structure :

  • à + nom de lieu, l’air [...]

dans laquelle le syntagme nominal défini fonctionne en tant que syntagme libre.

Or la citation 3 nous fournit très précisément, si on explicite la comparaison qu’elle contient, le critère d’enchaînement par le pronom personnel :

L’air est meilleur où vous êtes [qu’il n’est] à Grignan.’

qui permet, comme on l’a vu dans la partie consacrée à air-climat, d’établir la spécificité du syntagme nominal en emploi libre par rapport au syntagme du type l’air de + nom de lieu (et, éventuellement, à certains cas d’anaphore associative). On ne peut dire en effet :

  • * L’air de Grignan est meilleur qu’il n’est à Saint-Andiol.

On retrouve ce même enchaînement dans la citation 6, à partir du syntagme nominal le temps :

‘Quand le temps est doux ici, je pense qu’à Aix il est encore plus doux [...]’

Comme dans les énoncés que nous avions donnés en exemples :

‘Sophie dormait. L’air était tiède. Un peu plus loin, il était plus frais.’ ‘À Lyon, l’air est pollué. À Barcelonnette, il l’est moins.’

l’air dont parle Mme de Sévigné est en quelque sorte capable de couvrir plusieurs lieux, puisque l’anaphore du pronom personnel permet de le conduire de Saint-Andiol à Grignan, sans qu’il y ait changement de référent. On peut dire que les constructions formelles miment en quelque sorte la représentation qu’on se fait de la réalité. Quand le syntagme nominal est libre, l’air l’est aussi, et il passe d’un lieu à l’autre. En revanche, avec le syntagme nominal l’air de Grignan qui attache le mot air à son complément déterminatif, on « enferme » en quelque sorte l’air dans son lieu d’origine, en lui interdisant toute échappée vers un autre lieu.

Cette position dans l’espace correspond à une situation temporelle déterminée. Ce peut être une période qui a des limites naturelles (l’été, en 2), ou alors, la durée est limitée par la situation, qu’on sait temporaire, de la personne présente en un lieu donné. Ainsi, en 3, Mme de Grignan est provisoirement arrêtée à Saint-Andiol, par la maladie de son enfant semble-t-il, tandis qu’elle se rendait de Grignan à Lambesc 448 . Dans la citation 8, il est question d’un voyage, donc d’un séjour limité de Mme de Grignan à Gif. En 6, la durée correspond à celle que marquent les subordonnées de temps. Elle s’inscrit dans un laps de temps (imprécis, mais nécessairement borné) pendant lequel Mme de Sévigné observe à Paris l’état de l’atmosphère (quand le temps est doux ici), et imagine les promenades de sa fille (quand vous vous promenez). La citation 12, déjà plus complexe au plan de la localisation, contient une dimension tempo­relle également plus construite. La description qui est faite d’Avignon est corrélée à la fois à un déplacement, plus de vingt ans auparavant (en 1668), de Charles de Sévigné (qui fut autrefois charmé), et au séjour que vient de faire Mme de Grignan en ce mois de juin 1689. La référence à ce séjour est impliquée par les démonstratifs ( cette situation, la fraîcheur de ces deux belles rivières), qui renvoient à la description faite par Mme de Grignan. Il faut comprendre : « votre frère fut autrefois charmé de cette situation, de la douceur de l’air, de la fraîcheur de ces deux belles rivières, dont vous me parlez ». Il y a certes peu de probabilité pour que le site et les rivières ne soient plus les mêmes, et pour que l’on ne retrouve pas un temps similaire, surtout à des moments de l’année qui sont proches (fin août pour Charles, juin pour Mme de Grignan). On notera qu’ici le syntagme nominal l’air, est rapporté, non à des lieux différents, comme c’était le cas en 3, mais à des époques éloignées l’une de l’autre. Il peut aussi s’agir d’une période dont on marque le début, au moment où la personne arrive en un lieu, comme c’est le cas en 1 pour Mme de Grignan, et en 13, pour le chevalier de Grignan.

Dans deux citations (5 et 10), le lieu n’est pas dit dans le contexte. Mais il est impliqué par la nécessaire localisation de la personne à qui on s’adresse. Dans la citation 5, extraite d’une lettre du 5 janvier 1680, il est question de Mme de Grignan qui se trouve à Aix, la mention de l’air de Salon faisant allusion à un déplacement antérieur (lettre du 29 décembre 1679 : Vous avez été à Lambesc, à Salon 449 . On est également dans un laps de temps déterminé, correspondant à une période de grand froid, qui pourrait sévir aussi bien à Aix qu’à Paris – si l’on en croit ces lignes de Mme de Sévigné, écrites deux jours avant (3 janvier) :

‘Je vous assure que je suis fort en peine de vous. Il gèle peut-être à Aix comme ici, et votre poitrine en est malade. (t. 2, l. 722, p. 782)’

Mme de Sévigné s’inquiète de la douleur de poitrine de sa fille, due à ce mauvais temps (j’espère que le temps se radoucira implique qu’il ne fait pas doux au moment où elle écrit), et aggravée par le voyage de Salon, et elle se félicite en même temps que Mme de Grignan ne se soit pas fatiguée à lui écrire. En mère toujours insatisfaite, elle imagine le renversement de situation suivant : le temps va se radoucir, mais sa fille va reprendre l’écritoire ! D’où s’ensuit une désolante perspective : que ce soit par l’air, ce qui renvoie au temps qu’il fait dans la situation présente, ou par l’écriture (par vos fatigues), ce qui anticipe sur l’avenir, Mme de Grignan retombe à tout moment – alternative qui se transforme d’ailleurs en une succession d’épisodes répétés (à tout moment). Dans ce contexte, les deux mots temps et air, qui se font écho, ont bien le même dénoté.

On retrouve à peu près les mêmes conditions d’emploi du mot air dans la citation 10. Mme de Sévigné sait que sa fille se trouve à Aix, quand elle lui conseille de prendre l’air – l’indication de lieu qui vient par la suite (Il doit faire chaud à Aix ) n’ayant aucun caractère de nécessité. Et elle parle de cette période de temps dans laquelle s’inscrit sa lettre, et qui correspond en gros au mois de février (le mois de février est bien plus beau que le mois de mai). De plus, la subordonnée temporelle quand il [l’air] 450 est bon, repère des moments susceptibles de se répéter dans cette durée. Ces moments sont ceux où l’air est bon, c’est-à-dire « où le temps est bon, où il fait bon ». Les propositions qui suivent – Il y a des heures charmantes / il fait un temps parfait – paraphrasent ce contenu. La première exprime métonymiquement le fait qu’à certaines heures (les moments dont il vient d’être question), le temps est charmant. La seconde souligne plus explicitement l’équivalence synonymique entre les deux mots air et temps, par l’enchaînement des deux énoncés l’air est [bon] et il fait un temps [parfait]. Le reste de la citation poursuit sur le même thème, avec le mois de février (nouvelle métonymie) est bien plus beau que le mois de mai, et Il doit faire chaud à Aix (l’impersonnel il fait équivalant à « il fait un temps »).

Venons-en aux occurrences du type votre air, en 4, 6 (seconde occurrence), et 11. Ce type de syntagme nominal, par lequel l’air est mis en relation, non avec un lieu, mais avec la personne qui s’y trouve, était déjà présent dans le précédent corpus. Il n’est apparemment pas un indice en faveur de la signification d’air-temps. Il convient de chercher un autre critère. On remarque que, dans les citations 4 et 6, on rencontre ce syntagme tandis que Mme de Sévigné poursuit sur le thème qui a donné lieu à une première occurrence du mot air en tant qu’« élément-temps ». En 6, après avoir dénoncé cet air doux (et grossier), et fait un détour d’une quinzaine de lignes passant par la référence aux experts-médecins (Que dit Guisoni ? Et votre petit médecin ?), puis l’incontournable lait d’ânesse, Mme de Sévigné revient sur la douceur de l’air, et son inefficacité. Dans ces conditions, le mot air ne peut que garder son dénoté pre­mier. Quant à la citation 4, elle se trouve dans la même lettre que la citation 3, et enchaîne, là encore, sur le même thème. Mme de Sévigné se rassure une seconde fois, à propos de la maladie de Louis-Provence, en évoquant l’environnement (vous avez du secours ), la médecine (à Vous avez Guisoni fait écho vous avez de bons médecins), et l’air (L’air est meilleur où vous êtes qu’à Grignan fait place à Votre air doit être doux). La distance entre les deux passages est certes plus importante que dans le cas précédent (presque deux pages), et elle recouvre une véritable rupture thématique, Mme de Sévigné reprenant le train des informations courantes. Mais il y a en pleine gazette une résurgence de l’inquiétude (Eh, mon Dieu ! le pauvre enfant ! puis-je parler d’autre chose, ne pensant jour et nuit qu’à lui et qu’à vous ?, p. 736), qui montre bien que le fil de la pensée n’est pas rompu, et que l’enchaînement peut se faire quasiment comme si rien n’avait été dit entre-temps. On peut alors se demander si, dans ces deux contextes, le déterminant possessif ne prend pas une valeur particulière. Il semble avoir, en plus de sa valeur propre, une fonction discursive et communicationnelle, comme si cette mère voulait dire à sa fille : « je reparle de cet air dont je viens de vous parler, qui n’est pas l’air d’un lieu, mais l’air d’une personne qui m’est chère, et à laquelle je prends grand intérêt ». Je suis un peu surprise de faire dire tant de choses à ce possessif, mais il me semble que ce n’est pas un hasard si on le trouve dans deux contextes qui permettent d’enrichir leur interprétation de la même façon. Et je vois poindre un troisième contexte propice, avec la citation 11. Dans cette citation, Mme de Sévigné se représente sa fille à Avignon, dans un environnement naturel plein de charme – sur lequel elle revient dans la citation suivante (12). Cette description correspond au séjour que fait Mme de Grignan dans cette ville, et donc à une période de temps déterminée. Le déterminant possessif précède tous les éléments qui entrent dans cette description (votre soleil, votre beau Rhône, votre air), et il a clairement ici une valeur affective. Mme de Sévigné, qui se transporte en pensée auprès de sa fille (Il me semble que j’y suis), évoque le milieu social et humain de celle-ci, ainsi que le cadre naturel dans lequel elle se trouve, comme si elle se tenait à ses côtés (je prends part à votre triomphe, j’entretiens votre compagnie, je jouis de votre beau soleil, des rivages charmants de votre beau Rhône, de la douceur de votre air, je ne joue point à la bassette). En usant du déterminant possessif pour introduire tout ce qui a rapport à la vie de sa fille, y compris les éléments naturels (soleil, fleuve, air), elle place celle-ci au centre de sa représentation, et montre qu’elle la suit partout où elle se trouve. Ce déterminant n’a pas ici une fonction de localisation, qui, de surcroît, serait peu pertinente avec des éléments comme le soleil ou le Rhône, mais il a pour rôle de souligner l’omniprésence de l’image de Mme de Grignan dans l’esprit de sa mère. Il semble donc que la présence du déterminant possessif dans ce corpus corresponde plutôt à des emplois marqués. J’avancerai – prudemment, en raison du petit nombre d’occurrences concernées – une hypothèse. Dans le corpus relatif à l’air-climat, la structure de base du type l’air de + nom de lieu peut présenter la variante l’air de + nom de personne (votre), la personne qui se trouve (ou qui est née) en un lieu venant se substituer à la dénomination du lieu lui-même. Avec la signification d’air-élément, on a plutôt à faire, on l’a vu, au syntagme nominal simple l’air, délesté de toute indication spécifique de lieu. Dès lors, la variante votre air dans sa fonction localisatrice n’a plus de raison d’être, et le déterminant possessif prend des valeurs dérivées, liées à la subjectivité.

Il reste à examiner une occurrence du type l’air de + nom de temps, en 9 (l’air [du carême]). Le contexte antérieur contient une localisation spatiale, construite de forme identique à celle de 8 (le voyage de Gif), puisqu’il est question ici du voyage d’Avignon (= à Avignon). Le mot air est ensuite déterminé par un complément de temps, qui renvoie à une période déterminée (celle du carême). En raison de cette association étroite, on peut se demander si Mme de Sévigné parle du temps qu’il fait, de façon générale, à cette époque de l’année (fin février-mars), ou si elle rattache l’air du carême au lieu qu’elle vient d’évoquer. Cette seconde option me paraît plus avantageuse, dans la mesure où elle permet d’aligner cette occurrence sur le modèle des exemples-types du corpus, qui associent une localisation de type à + nom de lieu à l’indication de temps.

Si l’air-climat était attaché de manière fixe et permanente à un lieu, comme s’il en tirait son origine, l’air-temps se caractérise par des coordonnées spatio-temporelles plus contingentes. Il se trouve en un lieu donné, à un moment déterminé. Il s’allie à des phénomènes atmosphériques plus ou moins stables (le chaud, la bise, les brouillards). Et surtout, il se rapproche de la personne, et des conditions concrètes dans lesquelles elle se trouve. Certains contextes constituent parfois un véritable petit tableau, comme en 1, où l’air est associé non seulement à des composantes du temps, mais aussi à la présence de l’eau (le Rhône). En 11 (votre beau Rhône) et en 12 (ces deux belles rivières), l’eau revient, en compagnie du soleil. Dans la citation 8, l’air et les brouillards d’un côté, la tristesse (de cette retraite, que le démonstratif rend toute proche) et les larmes de l’autre, sans compter la fatigue et le manque de sommeil, se fondent dans l’unité d’une atmosphère dysphorique...

Poursuivons l’examen du contexte lexical des occurrences de notre corpus. On retrouve ici les deux axes de structuration mis en place pour la signification « air-climat », c’est-à-dire les qualités et l’action de l’air. Rien d’étonnant à cela, si l’on considère que le temps est en quelque sorte inclus dans le climat, dont il constitue un aspect, une manifestation à un moment donné.

Parmi les qualités de l’air :

‘la douceur de l’air (2, 12)’ ‘la douceur de votre air (6 [seconde occurrence], 11)’ ‘cet air doux (6)’ ‘Votre air doit être doux. (4)’ ‘l’air en est doux et gracieux (9)’ ‘cet air doux est grossier (6)’ ‘quand il [l’air] est bon (10)’

c’est le couple doux / douceur qui occupe la plus grande place. Si cette caractérisation implique des propriétés de l’air (tiédeur, calme), elle le fait à travers la perception qu’on en a. Elle joue donc sur deux registres – l’un relatif à l’objet dont il est question (l’air), l’autre introduisant la sensation du sujet – qui trouvent des développements dans un contexte plus large, comme nous allons voir. La dimension subjective qui s’affirme ici est liée à la proximité plus grande de l’élément-temps, qui touche de plus près la personne.

On remarquera que ces qualifications s’appliquent aussi au mot temps :

‘le temps se radoucira (5)’ ‘Quand le temps est doux ici, je pense qu’à Aix il est encore plus doux [...] (6)’

On peut rapprocher de doux / douceur l’adjectif bon (10), qui dénote plus la qualité agréable de l’air, que son caractère convenable, salutaire, comme c’était le cas avec la signification « air-climat ».

Deux autres qualités se trouvent associées à la douceur. En 6, Mme de Sévigné accuse l’air doux d’être grossier, ce qui renvoie aux propriétés qui définissent la nature de l’air dans la théorie des quatre éléments. L’air grossier s’oppose à l’air subtil, en ce qu’il participe souvent de l’élément-eau, et surtout de l’élément-terre, alors que la subtilité est une qualité qui exclut ces deux éléments.

Cette propriété s’applique à l’air pris en lui-même, et elle conduit naturellement à évaluer son action sur l’homme. En 9, doux est coordonné à l’adjectif gracieux, qui nous mène du côté de ce qui plaît, de l’agrément. On remarquera que cette citation ne met pas en avant le rapport de l’air à la santé. Si le voyage d’Avignon ne peut être mieux placé, c’est pour une raison d’économie (les considérations matérielles étant reprises dans la phrase finale, avec le revenu dont les Grignan sont bénéficiaires). Cette qualité agréable se rapporte aussi au temps, si l’on prend en compte la métonymie contenue dans la citation 10 :

‘Il y a des heures charmantes [= un temps charmant à certaines heures].’

Ce trait est repris et amplifié dans les contextes des citations 11 et 12, qui sont particulièrement sensibles à la beauté, à l’agrément du cadre :

‘votre beau soleil (11)’ ‘des rivages charmants de votre beau Rhône (11)’ ‘votre aimable Avignon (12)’ ‘la fraîcheur de ces deux belles rivières (12)’

et qui évoquent également le plaisir (imaginé ou réel) que ces bonnes qualités procurent :

‘je jouis de votre beau soleil, des rivages charmants de votre beau Rhône, de la douceur de votre air (11)’ ‘une agréable idée et une grande envie d’y retourner (12)’ ‘votre frère, qui fut autrefois charmé de cette situation de la douceur de l’air, de la fraîcheur de ces deux belles rivières (12)’

La citation 12 marie d’ailleurs harmonieusement les considérations objectives, relatives à l’état de l’atmosphère, et les émotions agréables qu’éprouve le sujet. La dernière phrase :

‘Comme elles [ces deux belles rivières] tempèrent le chaud que le soleil pourrait causer !’

rappelle en effet le principe fondamental de l’alliance des qualités contraires, qu’a mis en évidence l’étude précédente, puisque la fraîcheur des rivières vient tempérer la chaleur du soleil, mais dans un contexte où l’agrément de cette situation est souligné et l’affectivité sollicitée, jusque dans ce point d’exclamation qui clôt la description !

Il faut malgré tout reconnaître que la plupart des citations reviennent au thème des rapports de l’air et de la santé :

  • L’air est l’agent de l’action
‘J'espère que l'airet le repos le remettront en meilleur état. (13)’ ‘Je souhaite que l’air ne vous fasse point de mal [...] (7)’ ‘mais cet air doux est grossier, et vous incommode quelquefois comme la bise (6)’ ‘la douceur de votre air est inutile pour votre soulagement (6, seconde occurrence)’ ‘l’air, les brouillards des vallons de Saint-Bernard [...] tout cela vous a mise en état d’être saignée deux fois en deux jours (8)’
  • La personne est le siège d’un état
‘c’est toujours à recommencer si, par l’air et par vos fatigues, vous retombez 451 à tout moment (5) 452

L’action de l’air peut être exprimée en termes généraux (remettront en meilleur état, ne vous fasse point de mal, vous incommode, est inutile pour votre soulagement), comme elle peut être envisagée à travers des effets particuliers. Ainsi le fait que Mme de Grignan ait dû être saignée deux fois en deux jours est mauvais signe. La saignée (dont il est déjà fait mention en 2) étant destinée à rafraîchir le sang, cela signifie que Mme de Grignan a été échauffée par les mauvaises conditions de son voyage. On peut rapprocher cette citation de ce passage de la lettre du 18 juin 1677 :

‘Je pense aujourd’hui à vous, ma bonne, comme étant à Lyon, arrivée d’hier au soir, assez fatiguée, ayant peut-être besoin d’une saignée pour vous rafraîchir ; vous avez dû être incommodée par les chemins d’une incommodité très incommode. (t. 2, l. 581, p. 468)’

Nous retrouvons ici les craintes et les espoirs déjà formulés à propos de personnages familiers. Pour sa fille, Mme de Sévigné redoute l’air de Grignan (7), bien sûr, qui est, comme elle nous l’a appris, trop subtil, mais elle s’en prend aussi à l’air d’Aix 453 (5, 6), qui, à l’inverse, peut être grossier – la bise d’un côté, la douceur de l’autre, pouvant produire les mêmes effets. Les brouillards de la vallée de Chevreuse (8) ne sont guère prisés non plus 454  ! Quant au chevalier de Grignan, elle souhaite qu’il se rétablisse à Grignan (13).

Dans les citations 2, 3, 4 et 10, si l’action de l’air n’est pas énoncée, elle est présente dans la relation implicite qui s’établit entre la qualité de l’air et l’état de santé de la personne. On comprend qu’en 2, la douceur de l’air de Livry ne pourra qu’être bénéfique au mal de poitrine de la comtesse. En 3 et 4, c’est l’air de Saint-Andiol qui devrait être un facteur favorable, à la fois, pour Mme de Grignan, dont la santé est évoquée quelques lignes au-dessus :

‘La circonstance de votre mauvaise santé est une chose étrange, et de vous savoir dans un air 455 qui peut être si dangereux. (t. 2, l. 710, p. 735)’

et à qui Mme de Sévigné recommande la prudence en raison des risques de contagion (Nous espérons que vous aurez eu quelque pitié de vous, au cas qu’il ait la petite vérole ou la rougeole, p. 736) 456 , et d’autre part pour le rétablissement du petit marquis. Enfin, dans la citation 10, l’air est une circonstance favorable à la marche, à l’exercice que Mme de Grignan doit faire pour réparer les maux qui viennent de l’écriture (revoilà l’ennemie).

C’est en rapport avec l’influence de l’air sur la santé – qu’elle soit dite ou suggérée – que sont énoncées les qualités évaluatives :

‘L’air est meilleur où vous êtes qu’à Grignan. (3) ’ ‘si la douceur de votre air est inutile pour votre soulagement (6, seconde occurrence du mot air)’

qui se trouvent directement rapportées à la personne.

Voyons maintenant les facteurs qui interviennent en même temps que l’air, pour en soutenir ou en combattre les effets. Je partirai des procédés de coordination, assez fréquents dans ce corpus :

Le chaud, l’air, la bise, le Rhône : premièrement, tout cela vous a-t-il été favora­ble ? (1)’ ‘c’est toujours à recommencer si, par l’air et par vos fatigues, vous retombez à tout moment (5)’ ‘mais enfin, l’air, les brouillards des vallons de Saint-Bernard, la tristesse de cette retraite, des larmes, beaucoup de fatigue, mal dormir, tout cela vous a mise en état d’être saignée deux fois en deux jours (8)’ ‘afin de joindre la douceur de l’air avec celle du régime, à Livry où nous passerons l’été (2)’ ‘Je souhaite que l’air ne vous fasse point de mal et que votre bonne et sage conduite vous fasse du bien. (7)’ ‘J’espère que l’air et le repos vous remettront en meilleur état. Vos soins ont accoutumé d’avoir du succès. (13)’

L’air conjugue ses effets fâcheux avec certains éléments spécifiques de l’atmosphère, comme le chaud, la bise (1), les brouillards (8), ou d’autres appartenant au cadre naturel (le Rhône en 1). On retrouve aussi les principales associations que nous avions relevées dans le corpus précédent. D’abord celle de l’air et du régime, dans la citation 2 (joindre la douceur de l’air avec celle du régime), où il est à nouveau question du lait :

Elle prend du petit-lait pour la conduire à celui de vache naturel ; il n’y a que ce remède pour mes maux de poitrine.

L’alliance positive de l’air et du repos, et l’alliance contraire, néfaste, de l’air et de la fatigue, reviennent également :

‘l’air et le repos (13)’ ‘que l’air ne vous fasse point de mal et que votre bonne et sage conduite vous fasse du bien (7)’ ‘par l’air et par vos fatigues (5)’ ‘l’air [...], beaucoup de fatigue (8)’

En ce qui concerne Mme de Grignan, la fatigue est due à l’écriture – thème qui se trouve développé dans le contexte des citations 5 et 7 (la bonne et sage conduite que préconise Mme de Sévigné en 7 consistant surtout à faire écrire les autres). Dans la citation 10, elle oppose les maux de l’écritoire (dus à cette mauvaise position assise dont nous avons déjà parlé) aux bienfaits de la marche et de l’exercice. À ce changement de position vient s’ajouter le passage de l’intérieur (ce trou de cabinet) à l’extérieur 457 . Elle peut aussi être liée aux mauvaises conditions d’un voyage (8), et, dans ce contexte, elle s’associe au manque de sommeil (mal dormir), et à une atmosphère dysphorique (la tristesse de cette retraite, des larmes). L’environnement médical n’apparaît pas dans les structures de coordination. Mais il est présent dans le contexte. Ainsi il est question du secours (3) que Mme de Grignan peut recevoir, des bons médecins qui ne quitteront point son fils (4), et nommément de Guisoni (3). Mme de Sévigné parle aussi de la saignée qui a remis sa fille (2), des précautions à prendre devant une maladie contagieuse (3). On remarquera que la coordination est, en proportion, plus représentée dans ce corpus que dans le précédent. Cette insertion de l’air-temps parmi les conditions de vie de l’homme peut donner lieu à deux interprétations. On peut penser que cet élément est plus proche de la personne, et peut donc être mis sur le même plan que les autres facteurs de son environnement – ce que mimerait le choix de cette structure formelle. Mais on peut voir aussi, dans ce procédé, une façon de considérer l’air-temps, comme un facteur parmi les autres, auquel on n’accorderait pas une place et une attention dominante. Si l’air-climat a une nature propre, spécifique du lieu auquel il s’attache, et qui établit un rapport durable avec le tempérament de la personne qui s’y trouve, l’air-temps est plus variable et plus libre, et n’exerce sur la santé qu’une influence temporaire.

Les observations menées jusque-là me conduisent à rattacher au corpus précédent une occurrence, quelque peu incertaine à première vue :

‘14. Vous me dites fort plaisamment, ma fille, qu’il n’y a qu’à laisser faire l’esprit humain, qu’il saura bien trouver ses petites consolations et que c’est sa fantaisie d’être content. J’espère que le mien n’aura pas moins cette fantaisie que les autres, et que l’air et le temps diminueront la douleur que j’ai présentement. Il me semble que je vous ai mandé ce que vous me dites sur la furie de ce nouvel éloignement : faut-il que nous ne soyons pas encore assez loin, et qu’après une mûre délibération, nous y mettions encore cent lieues volontairement ? (t. 2, l. 760, p. 915-916)

La lettre est écrite de Paris, le 6 mai 1680. Mme de Sévigné s’apprête à partir, afin de régler des affaires, pour un long périple qui doit la conduire aux Rochers via Orléans, Blois, Tours, Saumur et Nantes. Mme de Grignan est en Provence.’

Le thème que développe ici Mme de Sévigné est celui de la séparation qu’elle ressent encore plus douloureusement lorsqu’elle s’éloigne de Paris, mettant ainsi une distance supplémentaire entre elle et sa fille. Elle évoquait déjà en mars 1671 ce sentiment pénible :

‘Je crains plus que vous mon voyage de Bretagne. Il me semble que ce sera encore une autre séparation, une douleur sur une douleur, une absence sur une absence ; enfin je commence de m’en affliger tout de bon. (t. 1, l. 148, p. 198)’

qu’elle retrouve à l’occasion de ce nouveau départ :

‘Je sens les nouvelles douleurs d’une séparation, et un éloignement par-dessus un éloignement. (t. 2, l. 759, p. 914)’

Dans ce contexte, l’air et le temps me semblent être ceux du voyage que va entreprendre Mme de Sévigné. Implicitement, on a bien à faire à un lieu et à un temps déterminés – ce qui nous oriente vers la signification « élément-temps » du mot air. Mme de Sévigné espère que le temps, c’est-à-dire le beau temps, accompagnera sa route. Elle évoque cette condition favorable dans sa lettre du 3 mai 1680 :

‘J’ai à vous conjurer, ma très chère, de n’avoir aucune sorte d’inquiétude de mon voyage ; le temps est beau à merveille, la route délicieuse. (t. 2, l. 759, p. 914)’

et y reviendra à plusieurs reprises dans ses lettres de voyage. Reste le mot temps, employé en coordination avec le mot air. On peut y voir un synonyme d’« air-temps », mais cette redondance n’a guère de pertinence. En revanche, l’association du temps qui passe et de la douleur qui s’efface apparaît comme un lieu commun. Sur les ailes du temps la tristesse s’envole, disait un contemporain de Mme de Sévigné... qui a elle-même brodé, plusieurs fois, sur ce thème 458 . Ce qui est plus curieux, c’est que l’air soit associé au temps dans cette action bénéfique. Doit-on comprendre que l’air dissipe le chagrin, à travers l’influence physique qu’il exerce, ou que, tout simplement, il donne un contentement qui permet de mettre la peine en sourdine ?

Si cette signification du mot air contient le trait « temps », elle ne se confond pas pour autant avec lui. De même que le mot air, nous l’avons vu dans l’étude précédente, ne signifie pas purement et simplement « climat », de même l’air-temps ne peut être assimilé au temps qu’il fait. Dans les deux cas, l’air reste un élément, une substance, et non un état, ce qui est le trait générique du mot temps (comme du mot climat) :

‘Temps : état de l’atmosphère (Littré).’

Sur ce point, notre corpus fournit quelques indices. Je rappellerai d’abord les procédés de coordination des citations 1 et 8 :

‘Le chaud, l’air, la bise, le Rhône (1)’ ‘l’air, les brouillards des vallons de Saint-Bernard (8)’

L’air, on l’a vu, s’associe à des conditions atmosphériques relatives à la chaleur (le chaud), au vent (la bise), à l’humidité (brouillards), qui sont autant de composantes du temps qu’il fait (c’est-à-dire de l’état de l’atmosphère). On voit mal ce que viendrait faire, parmi ces composantes, un mot qui renverrait au tout dont elle font partie (* le chaud, le temps, la bise, le Rhône / * le temps, les brouillards des vallons de Saint-Bernard), et qui, présentant un plus haut degré d’abstraction, serait en rupture avec les autres mots qui évoquent des manifestations concrètes. Mais si l’air est considéré avant tout comme un élément, il est de l’ordre des substances et peut prendre place parmi d’autres réalités physiques. Le fait qu’il implique des données relatives au temps n’est pas incompatible avec l’explicitation qui est faite de ces données dans le contexte.

La citation 10 fournit un indice plus probant encore, avec l’enchaînement anaphorique de la phrase suivante :

‘Il faudrait un peu marcher, prendre l’air quand il est bon.’

Nous avons vu précédemment que, dans la proposition il [l’air] est bon, le mot air peut être rapproché du mot temps. Or le pronom il établit une relation de coréférence avec le syntagme nominal l’air, présent dans l’expression prendre l’air (sur laquelle je reviendrai). Et il est impossible de remplacer le mot air dans cette expression par le mot temps (* prendre le temps) – le verbe prendre impliquant, dans son sens premier, une substance qu’on absorbe (et étant proche de respirer dans cet emploi).

Si l’air-temps reste cet élément qu’était l’air-climat, il ne semble pas qu’il puisse, à la différence de ce dernier, être considéré comme un lieu. Le corpus n’offre pas, en tout cas, de collocation allant dans le sens de cette interprétation. L’étroite relation syntaxico-sémantique qui unit le mot air et le nom de lieu, dans le cas de la signification « air-climat », explique sans doute cette communauté de trait de sens. Avec la signification « air-temps », on n’observe pas, au plan de la forme et du sens, une telle solidarité entre le mot air et l’indication de lieu. C’est ce qui pourrait expliquer la perte de ce trait sémantique... ou peut-être seulement son affaiblissement, si l’on en juge par cet exemple :

‘Quand il pleut, quand il fait un vent de tempête, je ne songe pas à sortir ; quand il fait beau, on est comme en été par la beauté du terrain. Depuis deux jours, le soleil est chaud et brille partout ; il fait doux. Voilà le temps où je me promène. (t. 3, l. 1174, p. 775)’

dans lequel le syntagme nominal le temps est repris par le relatif . Et dans la citation 6, on trouve un enchaînement du même type, à partir de l’antécédent beaux jours, qui renvoie aussi au temps qu’il fait :

‘Quand vous vous promenez par ces beaux jours que je connais, y portez-vous cette douleur, cette pesanteur ?’

Enfin l’air-temps peut être mis en relation avec la subjectivité et la parole. Je classerai les occurrences du mot air concernées selon les critè­res retenus précédemment.

Je commencerai par l’affectivité :

‘Je souhaite que l’air ne vous fasse point de mal et que votre bonne et sage conduite vous fasse du bien. (7)’ ‘J'espère que l'air et le repos le remettront en meilleur état. (13)’ ‘J’espère [...] que l’air et le temps diminueront la douleur que j’ai présentement. (14)’

Dans ces deux phrases s’expriment l’espoir et le souhait de voir des personnes chères se rétablir, entre autres choses grâce à l’air. On peut ajouter l’exemple suivant qui contient le mot temps, relayé un peu plus loin par le mot air :

‘Et quand vous serez hors de cet accès de douleur où vous êtes, car j’espère que le temps se radoucira, je vous conjure encore de ne point écrire [...] (5)’

et qui lie évidemment l’attente du beau temps à la perspective du rétablissement de Mme de Grignan.

Quant aux deux exemples :

‘enfin je jouis de votre beau soleil, des rivages charmants de votre beau Rhône, de la douceur de votre air (11)’ ‘[...] votre frère, qui fut autrefois charmé de cette situation, de la douceur de l'air, de la fraîcheur de ces deux belles rivières. Comme elles tempèrent le chaud que le soleil pourrait causer ! (12)’

ils sont, on l’a vu, exempts de soucis de santé. C’est le plaisir que procurent l’équilibre et l’agrément des éléments naturels qui se trouve mis en avant.

Passons à l’activité de l’esprit. On peut mettre en évidence une relation de concession dans l’enchaînement suivant :

‘[...] vous souvient-il de celui [voyage] de Lambesc avec Mme de Monaco ? Je crois que vous n’avez pas été si malade, mais enfin l’air, les brouillards des vallons de Saint-Bernard, la tristesse de cette retraite, des larmes, beaucoup de fatigue, mal dormir, tout cela vous a mise en état d’être saignée deux fois en deux jours. (8)’

qu’on paraphrasera ainsi : « quoique vous n’ayez pas été si malade [que lors du voyage de Lambesc], l’air, les brouillards [...], tout cela vous a mise en état d’être saignée deux fois en deux jours ».

La citation 5, qui contient le mot temps, retenue ci-dessus, convient également ici :

‘Et quand vous serez hors de cet accès de douleur où vous êtes, car j’espère que le temps se radoucira [...] (5)’

puisqu’elle établit explicitement, par la coordination car, une relation de causalité (à venir) entre le radoucissement du temps et l’amélioration de l’état de Mme de Grignan (vous serez hors de cet accès de douleur).

L’activité de jugement est discrètement sollicitée, par le verbe devoir, qui ne marque plus dans l’exemple suivant une nécessité, mais la simple probabilité :

‘Votre air doit être doux. (4)’

et par l’interrogation, qui tend sournoisement vers une assertion modalisée du même type (« tout cela n’a pas dû vous être favorable ») :

‘Le chaud, l’air, la bise, le Rhône : premièrement, tout cela vous a-t-il été favorable ? (1)’

L’exemple suivant, qui contient le mot temps (comme en 5), introduit un acte de jugement (je pense) :

‘Quand le temps est doux ici, je pense qu’à Aix il est encore plus doux [...] (6)’

ainsi que la tournure impersonnelle il fait chaud, modalisée par le verbe devoir :

‘Il doit faire chaud à Aix. (10)’

Dans ces différents contextes, l’air (ou le temps) est mis, directement ou indirectement, en rapport avec la santé.

En ce qui concerne la parole, on retrouve une expression indirecte de l’ordre, qui contient un conseil d’« hygiène de vie », dans :

‘Il faudrait un peu marcher, prendre l’airquand il est bon. (10)’

Dans ce corpus, le thème de la santé est dominant, et l’on retrouve les trois grands champs précédents. Mais à la différence du précédent, ce corpus n’est ni très abondant, ni très riche. On y trouve des sentiments un peu convenus (espoir / souhait). Le jugement se réduit le plus souvent à apporter une nuance de probabilité aux considérations sur le temps. La parole est représentée par une seule occurrence. Il semble qu’en fait, les lexèmes appartenant aux différents domaines que nous avions retenus se disséminent plus dans le contexte qu’ils ne s’attachent au mot air lui-même.

Commençons par les affects :

‘Nous espérons que vous aurez eu quelque pitié de vous, au cas qu’il ait la petite vérole ou la rougeole, et que M. de Grignan ne vous aura pas même abandonné entièrement le soin de votre personne, ni même Monsieur le Coadjuteur. (3)’ ‘Ma chère, j’espère que tout ira bien ; le cœur me bat pourtant en attendant mes lettres. (4)’ ‘Ah ! ma très chère bonne, vous avez bien mal à votre pauvre poitrine ; l’air de Salon vous a redonné cette douleur et cette pesanteur au côté gauche, qui nous donne tant d’inquiétude. (5)’ ‘Ma bonne, il y a longtemps que vous sentez ce mal ; j’en suis très effrayée [...] (6)’ ‘Je suis fort aise que vous y [à Grignan] soyez en repos. (7) 459

Mme de Sévigné espère que sa fille s’est protégée de la maladie de Louis-Provence (3) et que tout ira bien (4) – espoir accompagné de crainte (le cœur me bat). Elle s’inquiète des douleurs à la poitrine de sa très chère bonne (5), elle en est très effrayée (6), et elle se réjouit (je suis fort aise) quand celle-ci se repose (7). Ces sentiments, positifs ou négatifs, sont tous relatifs à la santé de Mme de Grignan.

En ce qui concerne l’activité de l’esprit, on retrouve une assez grande diversité de lexèmes. Certains entrent dans le champ de la représentation (voir, se représenter, idée) et de la connaissance (apprendre, voir dans le sens de « comprendre, s’apercevoir » (Littré), sentir dans le sens de « connaître, apercevoir en quel état, en quelle disposition l’on est » (Littré), lire quand il s’agit de lire une lettre qui apporte des informations) :

‘ôtez-moi le déplaisir de voir 460 plus d’une feuille de votre écriture (5)’ ‘Je suis blessée quand je vois 96 beaucoup de votre écriture [...] (7)’ ‘je ne puis me représenter cette douleur et ce point toujours au même endroit sans beaucoup d’inquiétude, et surtout si la douceur de votre air est inutile pour votre soulagement (6)’ ‘Cette lettrem’apprend l’arrivée de Monsieur le Chevalier avec un mauvais visage, ne se soutenant point du tout, une poitrine malade. Savez-vous ce que j’ai fait en lisant cette lettre ? j’ai pleuré comme vous tous, car je ne soutiens pas une telle idée [...] (13)’ ‘Ce m’est une consolation de voir que vous vous conservez 461 un peu. (5)’ ‘Rien n’est plus vrai, ma fille, que tous vos maux viennent que de trop écrire. Vous le sentez bien ; vous ne voulez pas le dire. (10)’

Dans la plupart de ces exemples, il s’agit de la santé de l’autre. Mme de Sévigné voit ce qui est cause de fatigue pour sa fille (l’écriture, en 5 et 7), et, selon elle, sa fille sait aussi à quoi s’en tenir (10). Elle se représente les douleurs qu’elle a (6), mais elle comprend aussi qu’elle se ménage (vous vous conservez, en 5). Elle reçoit les mauvaises nouvelles du chevalier de Grignan, dont elle imagine le triste état d’après la description qu’on lui en fait (13).

Le raisonnement est diversement pris en charge. Ce peut être par un lexème nominal ou verbal :

‘Vos artères [...], peuvent-ils être cause de ce mal quasi continuel au côté gauche ? (6)’ ‘Rien n’est plus vrai, ma fille, que tous vos maux ne viennent que de trop écrire. (10)’

qui souligne la relation de cause à effet (bien connue) entre l’écriture et la maladie.

Mais on rencontre aussi la coordination (car) :

‘Faites donc de l’exercice, car c’est mourir que d’être toujours dans ce trou de cabinet [...] (10)’

Mme de Sévigné conseille à sa fille de faire de l’exercice, parce que l’enfermement (et la position assise devant l’écritoire !) sont particulière­ment contraires à sa santé 462 .

D’autres verbes sont relatifs au jugement :

‘Nous avons trouvé que vous êtes au milieu de trois villesdont vous avez du secours.(3)’ ‘Je ne trouve pas que le voyage d’Avignon puisse jamais être mieux placé. (9)’ ‘je ne trouve pas que ce soit là un mal de poitrine comme les autres (6)’ ‘Comment avez-vous pu croire être guérie de ce mal et chanter victoire sur votre poitrine ? (6)’ ‘Vos artères que vous croyez dilatés et gonflés [...] (6)’ ‘Vous qui savez tout [...] (6)’ ‘Je crois que vous n’avez pas été si malade [...] (8)’

En 3, 6 et 8, on reste dans le thème de la maladie. La citation 9, on l’a vu, s’en écarte, avec des considérations financières à l’arrière-plan.

Deux occurrences nous permettent d’illustrer le champ (nouveau venu) de la mémoire :

‘Je me souviens toujours de ce poumon dont me parla M. Fagon [...] (6)’ ‘[...] vous souvient-il de celui [voyage] de Lambesc avec Mme de Monaco ? (8)’

La parole, représentée par les trois actes, déclaratif, interrogatif et volitif / impératif, est illustrée par des moyens lexicaux et non lexicaux (phrase interrogative et impérative) :

‘Je vous conjure de me répondre avec sincérité [sous-entendu : sur le sujet de votre santé]. (6) ’ ‘Vous le sentez bien ; vous ne voulez pas le dire. (10)’ ‘Je vous ai mandé de mes nouvelles, et de celles de ma fille. (2)’ ‘Je me souviens toujours de ce poumon dont me parla M. Fagon, et ce qu’il me dit. (6)’ ‘ parlez-moi là-dessus [au sujet de votre santé]. (6)’ ‘Ce mal est-il continuel ? Est-il comme la bouffée de Livry ? (6)’ ‘Quand vous vous promenez par ces beaux jours que je connais, y portez-vous cette douleur, cette pesanteur ? (6)’ ‘Et quand vous serez hors de cet accès de douleur où vous êtes, car j’espère que le temps se radoucira, je vous conjure encore de ne point écrire [...] (5)’ ‘ Il faudrait un peu marcher [...] (10)’ ‘Ma bonne, si vous m’aimez, ôtez-moi le déplaisir de voir plus d’une feuille de votre écriture, et moins même, si vous voulez. (5) ’ ‘Au nom de Dieu, servez-vous de ces mains inutilesdont vous pouvez jouir présentement. (7)’ ‘Faites donc de l’exercice, car c’est mourir que d’être toujours dans ce trou de cabinet ; j’en étouffe. (10)’

Qu’il s’agisse de dire et de répondre, de demander ou de prier, d’ordonner, l’objet de la parole concerne toujours l’état de santé de la personne à qui on s’adresse, ce qu’elle doit dire à ce sujet, les symptômes qu’elle éprouve, ce qu’elle doit faire ou ne pas faire (surtout ne pas écrire) pour se rétablir.

Enfin, on retrouve dans ce corpus un certain nombre de structures enchâssées. Selon un schéma binaire :

‘Ce m’est une consolation de voir que vous vous conservez un peu. (5)’ ‘ ôtez-moi le déplaisir de voir plus d’une feuille de votre écriture (5)’ ‘je ne puis me représenter cette douleur et ce point toujours au même endroit sans beaucoup d’inquiétude, et surtout si la douceur de votre air est inutile pour votre soulagement (6)’ ‘Je suis blessée quand je vois beaucoup de votre écriture [...] (7)’ ‘j’ai pleuré comme vous tous, car je ne soutiens pas une telle idée (13)’
  • représentation / connaissance (A1) –> affectivité (A1)

la représentation ou la connaissance qu’on a de l’état de santé d’une autre personne, la vue des lettres qui lui ont occasionné de la fatigue, font l’objet de réactions affectives : déplaisir (5), inquiétude (6), larmes (j’ai pleuré en 13), déplaisir, souffrance (je suis blessée en 7), ou consolation (5).

On rattachera à ce schéma l’exemple suivant :

‘Savez-vous ce que j’ai fait en lisant cette lettre ? j’ai pleuré comme vous tous [...] (13)’

dans lequel la connaissance qu’apporte la lecture de la lettre détermine un comportement (ce que j’ai fait), qui sera développé dans la proposition suivante (j’ai pleuré).

On peut aussi avoir envie (ou non) de parler de ce qui touche à sa santé (et se faire reprocher par l’autre son silence !) :

‘vous ne voulez pas le dire (10)’
  • parole (A1) –> affectivité (A1).

On se rappelle les paroles d’un autre relatives à la santé d’une personne chère :

‘Je me souviens toujours de ce poumon dont me parla M. Fagon, et ce qu’il me dit. (6)’
  • parole (A1) –> mémoire (A2)

ou l’on sollicite la parole de cette personne :

‘Je vous conjure de me répondre avec sincérité. (6)’ ‘ parlez-moi là-dessus (6)’
  • parole (A1) –> ordre (A2)

L’émotion qu’on a peut être un objet de connaissance pour l’autre :

Savez-vous ce que j’ai fait en lisant cette lettre ? j’ai pleuré comme vous tous [...] (13)’
  • affectivité (A1) –> connaissance (A2)

Une relation logique, donnée pour vraie, peut entrer dans le champ du jugement :

‘Rien n’est plus vrai, ma fille, que tous vos maux ne viennent que de trop écrire. (10)’
  • raisonnement (A1) –> jugement (A2)

et une croyance peut être combattue par une interrogation rhétorique :

‘Comment avez-vous pu croire être guérie de ce mal [...] ? (6)’

que je paraphraserai ainsi (« vous avez eu tort de le croire et cela m’inquiète beaucoup »), soit le schéma suivant :

  • jugement (A1) –> jugement / affectivité (A2)

Certains de ces exemples entrent dans un schéma à quatre éléments, si l’on ajoute le champ de l’action (faire) :

Savez-vous ce que j’ai fait en lisant cette lettre ? j’ai pleuré comme vous tous [...] (13)

  • connaissance (A1) –> affectivité (A1) –> connaissance (A2) –> action (A1)

Mme de Sévigné fait (action 463 ) savoir (connaissance) à sa fille qu’elle a pleuré (affectivité) en apprenant (connaissance) les mauvaises nouvelles du chevalier de Grignan.

ôtez-moi le déplaisir de voir plus d’une feuille de votre écriture (5)’
  • représentation (A1) –> affectivité (A1) –> action (A2) –> ordre (A1)

Mme de Sévigné demande (ordre) à sa fille de faire en sorte (action) que sa mère n’ait plus le déplaisir (affectivité) de voir son écriture (représentation).

Ce corpus montre que, dès qu’on entre dans le contexte large des citations relatives à l’air-temps, les champs lexicaux de l’affectivité, de l’activité de l’esprit et de la parole, sont fortement sollicités, et se trouvent toujours 464 mis en relation avec le thème de la santé – qu’il s’agisse des symptômes de la maladie, des circonstances, des précautions à prendre, de l’hygiène de vie, de la fatigue et du repos. Les affects sont plus nombreux et plus forts : ils font battre le cœur et vont jusqu’aux larmes. L’activité de l’esprit est plus présente et plus diversifiée : la représentation, la connaissance, le raisonnement et le jugement, se mettent à nouveau en place, et la mémoire fait une discrète (deux occurrences) mais remarquée apparition. La parole reprend du service, sur les trois fronts, déclaratif, interrogatif et impératif. Quant aux structures enchâssées, elles confirment le rôle dominant des sentiments, que suscitent les représentations et la connaissance. L’affectivité est, dans une certaine mesure, présente aussi dans les injonctions de parole. Enfin elle occupe une place centrale dans les chaînes à quatre éléments. Ce corpus, dans des proportions plus réduites qui lui sont propres, nous permet donc de faire un bilan très proche de celui que nous avions donné lors de l’étude de la subjectivité et de la parole, relative à la signification « air-climat ». Mais il convient de rappeler la différence importante qui sépare ces deux études. Si la première portait strictement sur les séquences contenant le mot air, celle-ci, faute de trouver une matière suffisante dans ces séquences, s’est reportée sur le contexte large. Et c’est dans ce contexte large que les champs lexicaux de la subjectivité et de la parole se trouvent le plus activement mobilisés. Ce fait pourrait bien confirmer une interprétation qui s’était déjà présentée lors de l’étude de la coordination. C’est que l’air-temps aurait, dans son rapport à la maladie, un rôle plus secondaire que l’air-climat. Il susciterait de ce fait un moindre investissement du sujet, celui-ci se reportant sur d’autres facteurs de santé qu’on jugerait plus déterminants.

Notes
448.

. Cinq jours auparavant, le 10 novembre, Mme de Sévigné écrivait à sa fille : Que vous avez bien fait de fourrer dans votre litière tous vos petits enfants ! (t. 2, l. 709, p. 734), phrase à laquelle R. Duchêne ajoute le commentaire suivant (note 2 de la p. 734, p. 1441) : Pauline et Louis-Provence, pour aller de Grignan à Lambesc.

449.

. T. 2, l. 721, p. 778.

450.

. Je commenterai plus loin l’enchaînement anaphorique prendre l’air –> il est bon.

451.

. Retomber : être attaqué de nouveau d’une maladie dont on se croyait guéri.

452.

. On peut rajouter à cet exemple la phrase (de 6) : Quand vous vous promenez par ces beaux jours que je connais, y portez-vous cette douleur, cette pesanteur ? dans laquelle le complément de temps par ces beaux jours que je connais reprend le temps / air douxévoqué précédemment. Mme de Sévigné craint en fait que, par temps doux, sa fille ne ressente une aggravation de sa douleur à la poitrine.

453.

. Rappelons que nous sommes en janvier. Or, dans sa lettre du 27 mai 1678, adressée à M. de Grignan (t. 2, l. 643, p. 608), elle souhaite que sa fille passe l’hiver à Aix, dont l’air est bon.

454.

. R. Duchêne observe à ce propos que Mme de Sévigné trouve affreux le site vallonné de Port-Royal, tandis qu’elle aime la campagne des Rochers et de Livry (voir note 9 de la p. 681, l. 365, t. 1, p. 1393).

455.

. Il s’agit ici de l’air de la maladie (la petite vérole ou la rougeole), que j’étudierai dans une partie ultérieure.

456.

. C’est ce que Mme de Sévigné appellera, à la fin de sa lettre (et après avoir reçu de bonnes nouvelles de sa fille), suivre la mode de France (p. 737), c’est-à-dire se tenir à l’écart du malade (voir note 3 de la p. 737, p. 1442).

457.

. Je reviendrai sur cette citation dans le cadre de l’étude de la signification « air extérieur », présente dans prendre l’air (citation 16, p. 601).

458.

. Littré, à l’article temps, nous offre ces deux citations :

Si on pouvait avoir un peu de patience, on épargnerait bien du chagrin ; le temps en ôte autant qu’il en donne [...] Sévigné, 24 novembre 1675.

Pour Mme de La Fayette, le temps, qui est si bon aux autres [qui console], aug­mente et augmentera sa tristesse, id. 414.

459.

. On pourrait encore ajouter à ce corpus certaines formes non lexicalisées de l’affectivité, telles que les interjections et / ou les exclamations (en 5 : Que je suis obligée à Mme du Janet de vous avoir ôté la plume !).

460.

. Le verbe voir a certes son sens de base (PR : percevoir (qqch.) par les yeux), mais il implique aussi ici la représentation de la fatigue de Mme de Grignan que suscite la vue de l’écriture.

461.

. Se conserver : ne pas exposer sa vie, ne pas compromettre sa santé.

462.

. Avec l’expression faire de l’exercice (donc sortir, prendre l’air), on reste proche de l’air-temps.

463.

. Je donne à l’interrogation savez-vous [...] ? une valeur dérivée d’assertion (« je vais vous faire savoir »).

464.

. À l’exception près du voyage d’Avignon de l’exemple 9.